Levées de fonds : le moment des greentech en Nouvelle-Aquitaine

INFOGRAPHIES. Malgré une année de transition ou d'apurement, le capital-risque s'en sort plutôt bien en Nouvelle-Aquitaine avec un repli moins marqué que la tendance nationale. L'impact sur l'emploi est réel mais limité. L'année 2023 signe aussi l'affirmation des greentech et du poids déformants des opérateurs d'énergies renouvelables. 2024 devrait s'inscrire dans la même tendance tout en allant chercher des relais de croissance dans d'autres domaines tels que spatial et la santé. Décryptage.
L'entreprise Technique Solaire, basée à Poitiers, a levé 200 millions d'euros fin 2023 pour financer ses projets de production d'énergies renouvelables.
L'entreprise Technique Solaire, basée à Poitiers, a levé 200 millions d'euros fin 2023 pour financer ses projets de production d'énergies renouvelables. (Crédits : Technique Solaire)

À l'heure du bilan des levées de fonds en 2023, on peut lire le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein. L'an dernier, au niveau national la French Tech a levé neuf milliards d'euros, un montant en baisse de -34 % par rapport à l'année record 2022... mais qui reste près de deux fois supérieur au niveau enregistré avant la pandémie (*). En Nouvelle-Aquitaine, la tendance est globalement similaire avec un nombre d'opérations en hausse d'un quart mais un ticket moyen qui a fondu des deux tiers à 4,3 millions d'euros. « Cette baisse régionale est inférieure à la tendance nationale et le fait qu'elle concerne le ticket moyen mais pas le nombre d'opérations est très positif pour la vitalité de l'écosystème régional », réagit Philippe Métayer, le directeur général délégué de la French Tech Bordeaux. Ces derniers mois ont en effet été marqués par la reprise à la barre du tribunal de commerce de plusieurs startups emblématiques des premières années de la French Tech régionale dont Jechange.fr, Marbotic, KazoArt, Lucine, Circouleur ou encore Rediv (ex Patatam).

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Mais au total, si l'on retient l'indicateur des dix plus grosses opérations signées l'an dernier en Nouvelle-Aquitaine, le montant accuse certes une baisse de -25 % sur un an, à 401 millions d'euros, mais il reste en très forte hausse (+61 %) par rapport à 2021. Confirmant ainsi le changement d'échelle survenu depuis trois ans.

Le pois déformant des énergies renouvelables

Il faut toutefois distinguer en 2023 deux opérations majeures - Technique solaire pour 200 millions d'euros et Valorem pour 20 millions d'euros - qui représentent à elles-seules la moitié du total. « Ces développeurs d'infrastructures sont un cas à part tant ils nécessitent des volumes importants de capital », remarque ainsi Jean-François Cochy, chargé de l'activité capital-risque chez Aquiti Gestion. Sans ces deux tours de tables, le bilan régional est en effet divisé par deux, chutant de moitié par rapport à 2023 pour renouer avec le niveau de 2021.

Mais, à l'inverse, ces deux arbres ne doivent pas non plus occulter la dynamique aussi palpable qu'inédite des technologies vertes quelle que soit l'étiquette qu'on leur accole : greentech, climate tech ou clean tech. En 2022, neuf des dix plus grosses opérations relevaient du numérique ou de l'aéronautique tandis qu'en 2023 elles sont sept à opérer dans le champ varié des technologies vertes :

« Ces entreprises entrent dans une nouvelle ère avec une énorme demande du marché et des investisseurs qui suivent enfin le mouvement avec un mix pertinent d'infrastructures et d'innovations deeptech beaucoup plus jeunes, en phase pré-industrielle, mais avec des montants levés déjà importants », analyse Jean-François Cochy.

Il est notamment question de NewHeat, Germitec, Dioxycle, Axioma et Toopi Organics.

« Ces technologies vertes sont à la fois portées par la demande marché et les règlementations croissantes mais aussi par les exigences des souscripteurs des fonds d'investissement qui ciblent ces startups en tant qu'opportunités de business à impact, » ajoute le responsable d'Aquiti Gestion. Dans la première région agricole française, Philippe Métayer pointe aussi le poids croissant des startups agricoles : « C'est un sujet en pleine expansion et qui englobe beaucoup de sujets : on parle de gestion de l'eau, de semences, de fertilisants, de biosolutions, de robotisations et de drones ou encore de capture carbone ! » Et, là encore, les investisseurs sont enfin au rendez-vous : « le financement de l'impact c'est une tendance qu'on espérait tous et qui est en train de se matérialiser », salue le directeur de la French Tech Bordeaux.

Un impact limité sur l'emploi

Après un exercice 2023 compliqué, 2024 devrait encore être marquée par une hausse des liquidations et adossements de startups, sauf pour celles ayant atteint la rentabilité sans être surendettée. « L'apurement du marché se poursuivra en 2024 avec la disparition d'entreprises mais aussi de vraies opportunités pour les startups et l'écosystème local d'attirer des profils très qualitatifs cherchant à quitter leurs grosses scale-up parisiennes en difficultés », note Jean-François Cochy. Du côté de l'incubateur Unitec qui vient de sonder ses 443 startups accompagnées depuis 1989 et encore actives, l'année 2023 est contrastée mais pas dramatique. « 86 % des startups augmentent (36 %) ou maintiennent (50 %) leurs effectifs. 75,1 millions d'euros de financement ont été obtenus en cumul, soit dix millions de plus qu'en 2022 », indique Laurent-Pierre Gilliard, le directeur prospective et communication. Avec 269 emplois créés (+4 %), il s'agit cependant du volume le plus faible depuis dix ans. Sur les 14 % qui ont coupé dans leurs effectifs, la moitié n'ont perdu qu'un poste mais un quart ont effacé une dizaines d'emplois. Au total, 26 faillites sont intervenues l'an dernier, soit le double des années précédentes.

Quelles tendances pour 2024 ?

Quant à 2024, si le contexte de taux d'intérêt élevés semble se confirmer, difficile d'établir des prévisions précises. « Je table plutôt sur un prolongement de 2023 avec un peu ou un peu moins de fonds levés et plusieurs opérations entre 30 et 100 millions d'euros qui seront signées cette année dans la région », évalue Jean-François Cochy. Il s'attend aussi à davantage de dossiers financés dans la santé et le spatial, à l'instar de The Exploration Company, mais toujours entre « un tiers et la moitié d'entreprises dans les greentech ». Aquiti Gestion se fie d'ailleurs à l'indicateur de sa nouvelle activité d'amorçage lancée début 2023 : des prêts d'honneur à taux zéro ont été accordés à 36 startups et 72 entrepreneurs pour un total de 1,8 million d'euros.

« Le spatial, la mobilité, les drones sont des signaux faibles de la région depuis plusieurs années et la tendance devrait s'amplifier cette année, tout comme la santé et la greentech », confirme Philippe Métayer. « On aura de belles opérations en 2024 avec des tours de table à tous les niveaux de maturité. » Et à plus long terme, c'est la dynamique de réindustrialisation qui devrait aussi se confirmer en Nouvelle-Aquitaine selon lui : « On a des projets industriels plus nombreux et plus intenses. Cela prend plus de temps à aboutir que du pur logiciel mais les signaux sont là et la tendance est positive. »

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(*) Selon le baromètre In Extenso Innovation Croissance, Essec Business School et France Angels.

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