
« On a eu du mal à faire entrer tout le monde dans cette levée de fonds. » Comprenez donc que Sarah Lamaison et David Wakerley, les deux jeunes fondateurs de Dioxycle, se sont payés le luxe de sélectionner leurs investisseurs favoris parmi l'élite de la finance verte mondiale. Rien que ça. Dans une période où les financeurs rehaussent leurs exigences et où l'argent vient à manquer pour les startups, c'est même un cas à part. Mais rien d'étonnant pour cette société créée en 2021 à Bordeaux qui, avec cette levée de fonds à 15,3 millions d'euros, va tordre le cou au CO2 pour en faire une ressource valorisable.
Le tour de table a été abondé par des poids-lourds du financement de la transition écologique, l'américain Lowercarbon Capital, qui avait déjà investi en phase d'amorçage, et la branche Europe de Breaktrough Energy Ventures, dont la fondation philantropique créée par Bill Gates avait aussi déjà soutenu Dioxycle. À noter également, la participation de Gigascale Capital, un fonds d'investissement géré par un ancien dirigeant de Facebook et une ancienne de Prelude Venture. Des investisseurs qui croient beaucoup en la reconversion de l'éthylène, ce gaz que Dioxycle va fabriquer à partir de CO2.
« Les chaînes d'approvisionnement mondiales en éthylène sont confrontées à deux problèmes cruciaux : la dépendance à l'égard des combustibles fossiles volatils et une production très centralisée. Dioxycle résout ces deux problèmes en même temps. Grâce à un processus modulaire alimenté uniquement par de l'eau, de l'électricité et des déchets de CO2, Dioxycle est idéalement positionné pour concurrencer la production d'éthylène traditionnelle, décentraliser les chaînes d'approvisionnement et s'emparer d'un marché de 200 milliards de dollars », déclare Clea Kolster par communiqué, partenaire et responsable des sciences à Lowercarbon Capital.
Troisième industrie la plus polluante en France
La somme va permettre à Dioxycle de travailler au lancement d'un démonstrateur d'ici 2026 sur un site industriel français. Grâce à la technologie éprouvée par les chercheurs, il sera capable de transformer le CO2 en éthylène par un procédé d'électrocatalyse. Une matière nécessaire à la synthèse de produits chimiques, à la fabrication de plastiques ou de carburants de synthèse.
« On ne le sait pas mais, avec huit à neuf millions de tonnes de CO2 par an, l'éthylène c'est la troisième industrie la plus émettrice en France, derrière l'acier et le ciment. Si on change tout le procédé de fabrication de l'éthylène au niveau mondial, on pourrait éviter l'émission de 800 millions de tonnes de CO2 chaque année », chiffre Sarah Lamaison, docteure en chimie et cofondatrice de Dioxycle.
Si la deeptech souhaite commercialiser son support d'ici 2028, elle devra travailler à sa standardisation et à perfectionner un design calibré par rapport aux contraintes de production. D'ici deux ans, les équipes doivent doubler alors que 20 personnes de dix nationalités différentes sont actuellement employées, non plus à Bordeaux mais à Saint-Ouen en région parisienne. C'est en effet une surprise : le siège y a été transféré pour opérer une nouvelle phase de développement.
« On était hébergé à Bordeaux et, au moment de chercher des locaux, on a eu une opportunité en région parisienne. Pour attirer des talents internationaux, on s'est dit qu'on devrait monter à Paris. Ça n'a pas été facile car je suis très attachée à la région Nouvelle-Aquitaine, mais par rapport à ce dont on avait besoin, en termes de plateformes techniques, il fallait bouger », explique la CEO à La Tribune.
Le duo de chercheurs-entrepreneurs va rechercher en particulier des profils d'ingénieurs séniors et industriels pour diversifier son équipe composée en majorité de docteurs et chercheurs de pointe. Une façon de devenir incontournable dans le paysage des nouvelles entreprises qui veulent décarboner les activités humaines.
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