« Ce sont les deeptech qui tireront la croissance économique de demain ! » (Laure Ait Ali, Inria)

Quel est le point commun entre iQspot, Luos, Touch Sensity, Rebrain, Nurea ou encore Atoptima ? Toutes ces startups deeptech comptent parmi leurs fondateurs des chercheurs et ingénieurs issus d'Inria Bordeaux. Laure Ait Ali, responsable du service transfert innovation partenariats de l'Inria, revient dans La Tribune sur sa mission de passerelle entre recherche et marché et présente les futures pépites bordelaises.
Laure Ait-Ali
Laure Ait-Ali (Crédits : Inria / Photo G. Scagnelli)

LA TRIBUNE - Pourquoi l'Inria s'intéresse de près à la création de startups ?

Laure AIT ALI - En réalité ce n'est pas une nouveauté ! L'Inria a été créé il y a 50 ans sous la double tutelle du ministère de la Recherche et de celui de l'Industrie marquant, dès son origine, cette mission de valorisation technologique et de recherche d'impact économique. 170 startups ont ainsi été créées en France depuis 1977 grâce à différents dispositifs d'accompagnement et d'amorçage qui ont évolué au fil des ans. Ce qui est nouveau aujourd'hui, c'est que les innovations qui tireront demain la croissance économique ce sont les technologiques industrielles de rupture, ce qu'on appelle les deeptech. L'autre phénomène marquant c'est qu'aujourd'hui le numérique est absolument partout, dans toutes les domaines applicatifs de la société : la santé, l'environnement, l'énergie, le développement durable. Ces deux constats nous amènent à considérer qu'il nous faut encore accélérer dans le transfert de nos technologies vers le marché ! D'où la réinternalisation de cette mission dans le startup studio Inria.

Est-ce qu'il y a parallèlement une appétence croissante de vos chercheurs et doctorants pour la création d'entreprise ?

Culturellement, d'une manière générale, je pense que les jeunes générations y sont en effet plus sensibles mais ce n'est pas non plus un contraste flagrant avec leurs prédécesseurs qui créaient  déjà des entreprises dans les années 1980 ! On constate cependant un intérêt plus marqué pour les enjeux liés à l'environnement. Mais ce qui a changé avec le numérique c'est que cela suppose d'aller explorer d'autres domaines que la R&D et le produit. Il faut désormais s'intéresser à l'expérience utilisateur, au marketing, au financement et à la confrontation au marché. Le tout avec des technologies logicielles, plus volatiles et adaptables, qui sont directement liées au savoir-faire de leurs développeurs. Concrètement, pour sortir du labo, on sera donc moins dans une logique de pur transfert de technologie à une entreprise tierce parce que l'utilisation même de cette technologie est bien souvent conditionnée par la présence des personnes et des compétences capables de faire tourner et évoluer ce logiciel. D'où la logique de création de startups qui reste, à mon sens, la meilleure façon de faire bénéficier la société des innovations développées au sein d'Inria.

Combien de projets de startups sont accompagnés aujourd'hui au sein d'Inria ?

Il y a une centaine de projets à des degrés divers au niveau national. On aimerait en avoir une dizaine à Bordeaux mais pour l'instant on suit particulièrement cinq projets qui présentent une forte coloration autour de la santé et du bien-être : Flitsport (accompagnement personnalisé pour la course à pied), Beat to Beat (détection des arythmies cardiaques), Louise (fertilité féminine), CO-Idea (espaces collaboratifs en réalité augmentée) et Energy for HPC & AI (consommation énergétique des centres de calcul). Et parmi les dernières startups qui sont sorties de l'Inria à Bordeaux on peut citer iQspot, Touch Sensity, Luos, Rebrain, Nurea ou encore Atoptima.

Lire aussi 9 mnDeeptech : ce qui pousse chercheurs et doctorants à créer leur entreprise

Quels sont les obstacles qui demeurent aujourd'hui pour passer de la recherche à la création d'une startup puis au marché ?

Honnêtement, aujourd'hui, quand on veut se lancer dans la création d'entreprise dans le domaine de la deeptech, il n'y a plus vraiment d'obstacles au regard de tous les dispositifs d'accompagnement qui existent ! Il n'y a plus vraiment de trous dans la raquette pour l'amorçage de ces projets deeptech. Les étoiles sont alignées et si on se fait accompagner par les bonnes personnes et les bonne structures, le chemin est assez sécurisé, sans prise de risque excessive pour le porteur de projet. À mon sens, c'est plutôt lors des étapes d'après, notamment l'industrialisation du produit ou de la solution, que ça peut être plus compliqué.

De notre côté, nous proposons un programme de co-design du projet entrepreneurial pendant un an, en partenariat avec l'EM Lyon, avec un coaching personnalisé des dirigeants sur des étapes clefs comme l'approche marché, le développement d'un MVP (minium viable product), la stratégie commerciale et marketing, la structuration de l'équipe, etc. Notre rôle c'est d'aider des cerveaux très biens faits sur le plan scientifique à répondre à la question : comment passer de l'invention au marché dans les grands domaines couverts par l'Inria : la santé, le développement durable et l'énergie, l'agriculture de prévision, l'apprentissage tout au long de la vie, de la Edtech à la silver économie, la sécurité numérique avec la cryptographie, le quantique, et tout ce qui relève de l'intelligence artificielle et du calcul haute-performance.

Sur le plan du financement, est-ce que les investisseurs sont moins effrayés par les projets deeptech, souvent perçus comme plus risqués ?

Les technologies de rupture sont directement liées au processus d'industrialisation et de réindustrialisation et suscitent donc de l'intérêt. Ensuite, tous les fonds de capital-risque ne vont pas sur ces sujets donc il faut cibler les fonds spécialisés dans le numérique et la deeptech. Dans cette logique, l'étiquette Inria apporte beaucoup de crédibilité aux projets accompagnés.

Lire aussi 13 mnDeeptech : "Les investisseurs veulent du logiciel, le hardware ça les fait transpirer !"

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.