![Des opposants aux LGV vers Toulouse et Dax ont défilé le 3 juin 2023 à Saint-Médard-d'Eyrans en Gironde.](https://static.latribune.fr/full_width/2365591/afsb-lgv-gpso-train.jpg)
Trois mois après le feu vert pour les aménagements ferroviaires au nord de Toulouse, le projet ferroviaire du Sud-Ouest veut continuer sur de bons rails. Le maître d'ouvrage SNCF Réseau a déposé fin février la demande d'autorisation environnementale pour la création d'une troisième voie ferrée au sud de Bordeaux : un chantier sur 13 km de long, d'une emprise de 22 hectares et estimé à 758 millions d'euros, qui doit durer au moins huit ans. En attendant la décision du préfet, l'Autorité environnementale a rendu ce 25 avril son avis.
L'autorité a pu examiner un dossier très dense qui nourrit plusieurs satisfactions, alors que le précédent examen au sujet des AFNT avait laissé apparaître de nombreuses lacunes. « Le maître d'ouvrage a pris soin de tirer les conséquences de l'avis de l'Ae sur le « projet » similaire AFNT. Le dossier, dans son ensemble, traite plusieurs volets de façon satisfaisante et même parfois à un niveau peu commun dans les études d'impact », lit-on.
Un doute d'intérêt public
Des insuffisances surprenantes au vu de l'épaisseur du dossier ont pourtant été relevées. Notamment l'absence d'étude sur la nouvelle offre de transport et le report modal induits par la future infrastructure. Ce qui vaut pour une « non-conformité réglementaire » prévient l'Ae. « Sans étude de déplacements il n'est pas possible d'évaluer avec précision les incidences des transports notamment sur les émissions de gaz à effet de serre, le bruit, la pollution atmosphérique et la santé humaine. » Un constat qui motive l'organe consultatif à demander de reprendre les raisons impératives qui confèrent au projet un intérêt public.
Le programme GPSO, qui prévoit la création de deux lignes à grande vitesse pour relier Bordeaux à Toulouse et à Dax notamment grâce aux AFSB, avait obtenu le 25 novembre 2015 une déclaration d'utilité publique. Celle-ci a été prolongée de cinq ans en 2022. Mais ce statut ne suffit pas selon l'Ae. De quoi rappeler la réprimande adressée par huit parlementaires girondins en décembre dernier : « Les échanges fournis et constructifs que nous avons eu avec SNCF Réseau nous amènent à émettre de sérieux doutes quant à l'utilité réelle des AFSB », écrivaient-ils alors. Selon les porteurs de projet, la nouvelle infrastructure est pourtant indispensable pour accueillir les LGV, le futur RER Métropolitain et appuyer la relance - annoncée maintes fois - du fret ferroviaire.
Manquements sur la biodiversité et le bruit
L'autre enjeu d'attention concerne les impacts sur la faune et la flore. « Le volet "biodiversité" ne comporte qu'une synthèse très partielle de la démarche pourtant développée dans la demande de dérogation "espèces protégées" », relève l'Ae alors que 97 espèces classées comme telles sont concernées sur la zone. SNCF Réseau dit être en mesure de rassembler 100 % du foncier dédié à la compensation des espaces détruits d'ici le mois de septembre. Mais reconnaît aussi ne pas pouvoir éviter une dette écologique pour trois espèces : le vison d'Europe, le cistude d'Europe et le crapaud calamite. Seul 0,3 % du budget du projet est consacré à la compensation et à l'évitement.
Côté bruit, l'autorité regrette que l'étude acoustique ne soit pas présente dans le dossier du maître d'ouvrage alors que 177 bâtiments sont exposés à des nuisances sonores non-négligeables. « Le volet "bruit" repose sur des hypothèses et des raisonnements implicites qui ne permettent pas de s'assurer que la réglementation est correctement appliquée et, a fortiori, de garantir une protection équitable des riverains alors qu'il s'agit d'un enjeu majeur du projet », mentionne l'Ae.
Un nœud ferroviaire au sud de Bordeaux ?
Au-delà des remontrances, l'avis relaie de façon détaillée l'envergure des travaux à venir. Six nouveaux ponts routiers, douze ponts et trois ouvrages hydrauliques à élargir, 24 structures de stockage d'eau de pluie, une dizaine de cours d'eau déviés, 34 habitations à détruire, 10 km de protections acoustiques pour un total de 12 hectares de terres agricoles ou naturelles à artificialiser, dont six en zones humides. La canalisation gazière de l'opérateur Terega devra par ailleurs être détournée. SNCF Réseau prévoit de déployer sa base travaux sur la gare de triage d'Hourcade, à l'abandon, à trois kilomètres au sud de la gare Bordeaux Saint-Jean. L'impact carbone du chantier est estimé à 30.000 tonnes équivalent CO2, soit 1 % de l'empreinte globale du GPSO.
Des opérations importantes, partagées entre zones urbaines et naturelles, qui suscitent l'inquiétude d'élus locaux et de collectifs citoyens opposés aux nouvelles lignes. En janvier, ils ont mené un blocage symbolique sur les premiers aménagements réalisés à Saint-Médard-d'Eyrans. Pour les promoteurs de la grande vitesse en revanche, les AFSB sont non seulement indispensables pour les futures voies mais aussi pour les dessertes quotidiennes. « GPSO ou pas, il faudra faire sauter le bouchon ferroviaire au sud de Bordeaux comme on l'a fait au nord ! », lançait en décembre un représentant des usagers des transports. Cette portion au sud de Bordeaux est promise pour accueillir TER, RER Métropolitains, Intercités, TGV et trains de marchandises. Une brique importante à plusieurs titres donc, mais en priorité pour dérouler le tapis rouge aux LGV.
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