LGV : les travaux ferroviaires au sud de Bordeaux financés malgré une demande de moratoire

Une convention de financement de 354 millions d'euros sur 40 ans a été votée en conseil de Bordeaux Métropole pour les aménagements ferroviaires au sud de l'agglomération. Le sujet était jusqu'ici consensuel, tant pour les promoteurs que pour les opposants aux LGV vers Toulouse et Dax, mais des élus locaux et nationaux demandent désormais un moratoire sur la création de cette troisième voie ferroviaire avant d'engager les dépenses publiques.
Maxime Giraudeau
Les Aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux doivent servir aux futurs LGV, mais aussi aux RER Métropolitains, TER et à la reprise hypothétique du fret.
Les Aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux doivent servir aux futurs LGV, mais aussi aux RER Métropolitains, TER et à la reprise hypothétique du fret. (Crédits : PC / La Tribune)

Plus rien ne fait désormais consensus dans la galaxie des aménagements du Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO). Au menu du conseil de Bordeaux Métropole de ce 1er décembre se sont invités les Aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux, dits AFSB. Ceux-ci visent à créer une troisième voie de douze kilomètres à la sortie Sud de l'agglomération afin de répondre à l'arrivée du RER Métropolitain, la montée en cadence des TER, l'arrivée potentielle des lignes à grande vitesse vers Toulouse et Dax ainsi que d'un hypothétique développement du fret.

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Une infrastructure qui servirait tellement d'usages différents que tous les élus soutenaient jusqu'ici sa construction, des promoteurs de la grande vitesse comme Alain Anziani et Alain Rousset aux opposants de la LGV et partisans seulement du train du quotidien comme Pierre Hurmic ou Jean-Luc Gleyze. Le sujet nourrit désormais des dissensions au sein des divers groupes politiques, tant à gauche qu'à droite. Et Bordeaux Métropole n'a recueilli l'approbation qu'une d'une courte majorité, avec 61 voix pour et 39 contre, pour valider un plan de financement à 354 millions d'euros échelonné sur 40 ans fléché sur les AFSB. Un chantier chiffré au total à un milliard d'euros.

Les parlementaires veulent une étude indépendante

La soudaine opposition fait écho au courrier adressé cette semaine aux élus métropolitains par 8 des 18 députés et sénateurs de Gironde*. Les parlementaires de gauche et de droite réclament purement un moratoire sur le financement des AFSB après avoir mené des auditions depuis le mois de mai. « Les échanges fournis et constructifs que nous avons eu avec SNCF Réseau nous amènent à émettre de sérieux doutes quant à l'utilité réelle des AFSB. Les documents transmis indiquent que les voies existantes seraient suffisantes pour absorber les circulations prévues pour répondre à la fois aux exigences du RER Métropolitain et à l'augmentation du trafic TGV et fret », écrivent les huit élus de Gironde.

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Un moratoire qu'aucune voix n'avait revendiqué jusqu'ici. Le constat exposé ci-dessus est l'œuvre de l'association Trans'Cub, connue pour son refus du projet de métro dans les années 1990 et pour son opposition récente au tramway vers l'aéroport et actuelle au GPSO. Ces techniciens considèrent que les voies existantes suffiraient au trafic dans le cadre d'une fréquence de 30 minutes des trains entre Bordeaux et Beautiran. Ce que prévoit pour l'instant le projet de RER Métropolitain. « Nous réclamons une étude indépendante sur la nécessité de créer cette troisième voie, nous ne voulons pas nous baser sur l'étude de la SNCF qui est juge et partie. Elle est en situation de monopole et elle opère un passage en force sur le GPSO », ferraille Nathalie Delattre, co-signataire de la lettre interrogée par La Tribune.

Une nouvelle voie « pour les 100 prochaines années »

« Transcub est le bras armé de Pierre Hurmic contre le GPSO », rétorque un connaisseur des transports. « GPSO ou pas, il faudra faire sauter le bouchon ferroviaire au sud de Bordeaux comme on l'a fait au nord ! » agite-t-il tout en reconnaissant que la SNCF va devoir clarifier sa copie. De son côté, la société ferroviaire répond que l'utilité de l'aménagement est déjà prouvée avec ou sans GPSO. « L'opération AFSB est un projet à fort enjeu pour la capacité du réseau et la qualité du service. Son utilité se trouve entre autres dans la possibilité de permettre le dépassement des trains qui marquent les arrêts par des trains qui ne les marquent pas, sur cette portion du réseau », ont répondu par écrit les services de SNCF Réseau à la suite du courrier des parlementaires.

La contestation de l'aménagement a donné lieu à de larges débats de fond dans l'hémicycle métropolitain, qui consacrait par ailleurs le retour de la droite dans la gouvernance (voir encadré). « À vous lire, c'est comme si rajouter une voix au sud de Bordeaux se faisait uniquement pour répondre aux besoins immédiats. Alors que c'est pour fiabiliser notre réseau et pour assurer une montée en puissance du train pour les 100 prochaines années », embraye Claude Mellier, vice-présidente Bordeaux Métropole déléguée aux grandes infrastructures de transport routières et ferroviaires. « Nous avons deux Déclarations d'utilité publique et on dit qu'on n'a pas de certitudes ? Ceux qui vont ont donné des informations ne sont pas tout à fait au point. »

La droite de retour, pas la cogestion

« Dans une intercommunalité il y a des maires. Et les maires doivent avoir un pouvoir. » Ainsi Alain Anziani a-t-il ouvert le dernier conseil métropolitain de l'année et le premier de la mandature où droite et gauche siègent côte-à-côte à la tête de l'agglomération. La correction d« l'anomalie historique du mois de juillet 2020 » comme le qualifient Patrick Bobet, maire du Bouscat, et ses sept collègues du groupe Métropole Commune(s) entrés au bureau. L'accord conclu entre PS et Verts a été largement éprouvé au gré des divergences sur le GPSO, l'aéroport ou le grand stade. « Ce n'est pas un retour à la cogestion », prévient Clément Rossignol-Puech, maire EELV de Bègles. « La cogestion c'est l'acceptation d'un projet de mandature et le vote d'un budget, or ce ne sera pas le cas pour les maires de Métropole Commune(s). » Un nouveau chapitre de la mandature s'ouvre tout de même.

Le financement voté avant l'enquête publique

À droite, le sujet du GPSO n'était déjà pas consensuel et le débat autour des AFSB crispe encore les divergences. Si le nouveau conseiller métropolitain délégué au GPSO Christophe Duprat a présenté la délibération, son collègue Franck Raynal, maire de Pessac a exprimé son scepticisme : « L'étude d'impact qui devrait nous amener à avoir un nouveau regard sur le sujet n'existe pas aujourd'hui. Je pensais que les AFSB ne posaient pas de problème mais il faut que l'on accepte d'actualiser les débats alors qu'il manque des éléments sur le fond. » Une façon aussi de tempérer les ardeurs de la SNCF qui veut aller vite. Mais alors que les travaux préliminaires ont commencé cette année, l'enquête publique doit encore s'ouvrir dans les prochains mois.

Les promoteurs du GPSO voient dans cette demande de moratoire une perte de temps. « On n'a pas le temps, les usagers du TER demandent déjà : "Quand est-ce que vous allez augmenter la fréquence des trains ?" », souligne Christophe Duprat. « GPSO est en marche, c'est un projet qui est sur les rails », assène quant à lui Alain Anziani, le président de la Métropole. Invoquer le temps, comme l'argument du GPSO, qui doit raccourcir d'1 heure pour Toulouse et de 22 minutes pour Dax le trajet au départ de Bordeaux. Avec le vote favorable du jour, pas de moratoire donc sur les AFSB pour la collectivité qui va verser plus de 8 millions d'euros par an pour faire sauter un nœud ferroviaire dont on ne connaît pas précisément tous les fils.

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*Courrier cosigné par les députés Sophie Mette, Loïc Prud'Homme et Nicolas Thierry, et les sénateurs Nathalie Delattre, Laurence Harribey, Florence Lassarade, Hervé Gillé et Monique de Marco.

Maxime Giraudeau

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Commentaires 2
à écrit le 03/12/2023 à 10:26
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Qualifier de connaisseur des transports quelqu'un qui croit en l'existence d'un "bouchon ferroviaire au sud de Bordeaux" et qui décrit TransCub comme le "bras armé de Pierre Hurmic" me semble quand même très exagéré. Le bouchon ferroviaire Sud-est es...

à écrit le 03/12/2023 à 10:25
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Qualifier de connaisseur des transports quelqu'un qui croit en l'existence d'un "bouchon ferroviaire au sud de Bordeaux" et qui décrit TransCub comme le "bras armé de Pierre Hurmic" me semble quand même très exagéré. Le bouchon ferroviaire Sud-est es...

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