Législatives : les campagnes votent moins pour le RN que les zones périurbaines

Le premier tour des législatives donne une carte inédite du vote majoritaire : gauche et centre sont en tête dans la plupart des métropoles, le RN dans de nombreux départements ruraux. Comme une fracture entre villes et campagnes ? Pas tellement selon les démographes car le vote d'extrême-droite a surtout la faveur des zones périurbaines, qui s'étendent parfois sur des départements entiers.
Maxime Giraudeau
Saint-Savin en Gironde, fief de la candidate RN Edwige Diaz, réélue au premier tour des législatives.
Saint-Savin en Gironde, fief de la candidate RN Edwige Diaz, réélue au premier tour des législatives. (Crédits : MG / La Tribune)

France des villes contre France des champs ? Le clivage est tentant au vu de la carte du vote majoritaire au premier tour des législatives anticipées. La gauche et le centre mouchètent la vague brune du Rassemblement national dans les circonscriptions qui couvrent les grandes villes. C'est la mosaïque observée en Haute-Garonne, en Gironde, dans l'Hérault, dans le Rhône, l'Isère, le Nord ou le Bas-Rhin. Mais brandir une telle fracture serait oublier que tous ces départements sont en majorité couverts par des territoires périurbains - et non ruraux - dans l'ombre des grandes villes.

Voilà l'observation adressée depuis quelques jours par démographes et politologues qui ont analysé la géographie du vote des élections européennes puis des législatives. Mardi, le chercheur poitevin Olivier Bouba-Olga a posé les termes sur le réseau social LinkedIn, à l'aide d'une carte basée sur les typologies de vote : « Le vote pour l'extrême droite ressort plus fortement dans le périurbain que dans le rural. » C'est même deux fois plus selon ses calculs.

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Cliquez sur la carte pour l'agrandir. La carte des cinq typologies de vote laisse apparaître plus de nuances que la carte du vote majoritaire. (crédits : Olivier Bouba-Olga)

« Le vote ED [extrême-droite, ndlr] est moins présent dans l'urbain et présent de manière intermédiaire dans le rural. Cet effet géographique est un effet de composition sociale, dans le périurbain on a une présence plus forte d'ouvriers, retraités et personnes peu diplômées. Des endroits où les gens sont plus souvent propriétaires de leur maison », analyse-t-il pour La Tribune.

Les partis traditionnels résistent en campagne

Autant de variables corrélées au vote RN, qui relève bien plus du public aux franges des grandes villes que de celui des campagnes, même si sa percée est nette partout et dans toutes les catégories socio-économiques. « Dans l'esprit de beaucoup, ce sont les non-diplômés dans le rural qui votent RN, alors qu'en réalité ce sont davantage les peu diplômés du périurbain », cadre Olivier Bouba-Olga. La preuve avec les départements des grandes métropoles françaises, gagnés par l'urbanisation, l'éloignement entre lieux de vie et lieux de travail et une concentration des services dans les centres urbains.

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C'est le cas en Gironde où, pour la première fois, une députée RN, la candidate sortante Edwige Diaz, a été élue au premier tour sur la circonscription du Blayais. « Il n'y a pas vraiment de zones rurales profondes en Gironde, c'est un département presque périurbain partout », note Christophe Bergouignan, professeur de démographie à l'Université de Bordeaux. Dans les départements qui comptent des grandes villes, on observe une forme de réurbanisation quasi généralisée. »

Dans les campagnes, cette « France profondément patriote » comme aime l'appeler Marine Le Pen, son parti n'est pas autant plébiscité qu'elle l'affirme. « Désormais, les espaces ruraux profonds, on les rencontre dans les hautes vallées pyrénéennes, dans le Massif central, certaines zones du centre de la Bretagne. Ce sont des zones où les partis classiques résistent », souligne-t-il. Des circonscriptions pleinement rurales où la tradition républicaine et le vote PS ou LR reste fortement enracinés, comme le Cantal, le Lot, la Lozère, la Haute-Loire, le Puy-de-Dôme au centre de la France et, au nord-ouest, les départements bretons et ligériens.

« Notre organisation territoriale ne correspond plus à rien ! »

Derrière le vote massif d'extrême-droite dans les espaces périurbains ressurgissent la colère exprimée par les Gilets Jaunes en 2018. Des franges aux revenus moins élevés que dans les grandes villes, qui s'y rendent pour travailler mais sans en capter toutes les retombées en terme de services et d'infrastructures. Il y a bien une fracture électorale, pas entre deux types de territoires séparés mais entre deux espaces interdépendants où la frontière administrative nourrit des inégalités démographiques.

Une rupture ressentie au sein du conseil de développement durable de Bordeaux Métropole, qui produit des réflexions sur les problématiques urbaines avec des personnes de la société civile. « Nous avons une dizaine de membres qui viennent d'en dehors de la métropole. Leur grande crainte c'est d'être oubliés, de ne pas compter. Je ne fais pas de lien direct avec le vote mais je vois qu'ils attendent beaucoup de la métropole », évoque Brigitte Tandonnet, médecin-gynécologue retraitée et présidente de l'assemblée locale.

Si le Rassemblement National compte largement sur le maintien de cette rupture pour élargir son nombre d'électeurs, le rapprochement entre les territoires fait son chemin parmi les autres partis. C'est l'une des propositions que le ministre des Comptes publics et candidat aux législatives en Gironde Thomas Cazenave est venu présenter lundi devant le patronat. « Notre organisation territoriale ne correspond plus à rien ! Je défends l'idée d'une Métropole qui reprend le périmètre du département de la Gironde car la question cruciale est celle de notre lien avec le Médoc, notre lien avec le Blayais... Ce n'est pas l'État qui va décider des infrastructures utiles pour l'ensemble d'un département », assène-t-il. Un sujet prépondérant dans le vote mais pourtant bien peu abordé dans cette campagne éclair.

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Maxime Giraudeau

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Commentaires 9
à écrit le 04/07/2024 à 16:26
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de toutes les façons : les régions telles qu'elles ont été définies ne correspondent plus à rien : dans notre région par ex. AUVERGNE RHONE ALPES : activités différentes, climat différent, niveaus de vie différents, habitats différents, éloigneme...

à écrit le 04/07/2024 à 14:06
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Je suis triste de constater que la, Tribune, est devenue une tribune semblable à France Inter C’est à dire un média de gauche, aux ordres…..

le 04/07/2024 à 14:11
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A Toubou, je vous invite à vous informer sur CNews, BFM et Europe 1, il me semble que vous seriez plus dans votre zone de confort, loin du pluralisme.

le 04/07/2024 à 20:52
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@Stéphane Allons voir de l'autre côté : C'est un nouveau pavé dans la mare jeté en plein débat sur l'audiovisuel public. Dans un rapport consulté par Le Point, le think tank libéral et conservateur Thomas More dénonce le manque de pluralisme d'...

le 04/07/2024 à 22:04
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Pauvre Stéphane tu es en train de creuser ta tombe...sort de ton petit monde avant que la réalité du terrain te réveille.....ca va être très très dur pour toi Bfm ..ta meconnaissance médiatique est pitoyable

le 06/07/2024 à 1:24
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Il est certain que les médias audio-visuels, voir les journaux sont totalement dominés par des actionnaires de gauche. Il n'y a pas qu'en maths qu'on n'est pas très bon....

à écrit le 04/07/2024 à 8:55
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En dehors de la détestation du RN pour des raisons que je ne m’explique pas, cette analyse est pas mal. Il faudrait quand même y ajouter plusieurs facteurs. La culture sectaire ne parle plus à personne. Je ne peux plus aller voir un film français, ...

à écrit le 04/07/2024 à 8:49
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Une étude intéressante. Des zones délaissées, nids à salariés précaires bons à être pressés et jetés, à la campagne même si la télé y a une très forte influence il n'y a que très très peu d'insécurité je laisse les clés sur ma bagnole quand je parts ...

à écrit le 04/07/2024 à 8:13
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logique la racaille se concentre à la périphérie des villes et comme on a laisse faire !!!!!!

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