Une base du réemploi pour les matériaux de construction à Mérignac

« C'est un lieu qui s'adresse aux artisans, bureaux d'études, architectes et aux grosses entreprises du BTP ! » Dans la métropole bordelaise, l'aménageur public La Fab lance une base dédiée au réemploi avec des acteurs de l'économie circulaire. Une démarche pionnière où l'on réfléchit à fixer un prix aux matériaux déconstruits pour inciter à les valoriser plus massivement.
Maxime Giraudeau
À quelques kilomètres à l'ouest de Bordeaux, la base du réemploi a ouvert début 2024.
À quelques kilomètres à l'ouest de Bordeaux, la base du réemploi a ouvert début 2024. (Crédits : Agence APPA)

« Les plafonds et la vitrerie sont issues du réemploi. Les cloisons en bois ont été fabriquées à partir d'anciennes caisses de vin. Et dans cette pièce, on a de la faïencerie qui provient de l'ancien stade nautique de Mérignac. » Faire un tour de la nouvelle base du réemploi, portée et ouverte par La Fab en début d'année, c'est visiter un bâtiment neuf sans le neuf. Les matériaux récupérés représentent 22 % du coût total de cette opération qui s'apparente de l'extérieur à un cube vitré à l'extrémité de la zone commerciale Mérignac Soleil.

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Dedans, les odeurs de plâtre et de boiseries se mélangent à travers 1.500 m2 de surface plancher. Sur les cloisons, des traces, des impacts rappellent que les matériaux ont eu une vie avant d'en arriver là. Et c'est certainement tant mieux. 20 tonnes d'émissions de carbone ont été évitées grâce à la réutilisation, selon La Fab. Au cœur de la base, cinq travées verticales garnies de placo, bois, tuyauteries ou tubes font désormais le bonheur des artisans et promoteurs immobiliers. Telle une friperie pour les adeptes de la mode vintage, voilà un véritable magasin de la seconde main pour les pros du bâtiment. Un sujet autant « passionnant, urgent que déstabilisant » pour les habitudes de tout un secteur.

base du réemploi bâtiment

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Initiée en 2021, l'aménagement de la base du réemploi a pris place sur un ancien magasin de literie et a coûté 730.000 euros. (crédits : Agence APPA)

Au sein de La Fab, cette société publique locale présidée et financée par Bordeaux Métropole, le sujet est travaillé depuis 2017. « On essaye de déconstruire de manière sélective en réalisant des inventaires systématiques, là où la réglementation l'oblige seulement à partir de 1.000 m2. Sur nos opérations, on demande aux aménageurs de consacrer 5 % de leur budget aux matériaux de réemploi », cadre Aurélie Héraut, directrice de projet aménagement pour La Fab. C'est le cas aussi pour toutes les opérations à Toulouse Métropole. Dans l'autre métropole de Garonne, rien ne l'impose mais « ça va sans doute venir ». En attendant, la crise de la construction neuve fait son œuvre.

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Un coût équivalent

Le sujet n'est certes pas dans la culture du secteur du bâtiment mais la difficulté est surtout logistique. « Sur un chantier de déconstruction, les aménageurs ont beaucoup de matériaux à proposer mais personne ne peut les prendre à court terme. C'est pour ça qu'il faut des acteurs comme la base du réemploi pour stocker et relier les deux bouts de la chaîne », défend Aymeric Meunier, cogérant de R-Use, société pensionnaire de la base qui travaille sur le design circulaire.

Car au-delà d'être un lieu de stockage, le quartier général du réemploi s'attache à référencer les matériaux, les reconditionner et les vendre. Des missions assurées par Solibat, association spécialisée dans le domaine, qui gère les flux sur place. Dernier exemple en date, les 4.000 chevrons récupérés sur un chantier qui vont pouvoir servir pour de la couverture bois. En bout de chaîne, les structures du réseau Flip Réemploi et des Compagnons bâtisseurs proposent des services de menuiserie et de design pour retravailler les matériaux et répondre à des demandes clients. De quoi boucler l'action circulaire.

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L'atelier de menuiserie s'étend sur 200m2. (crédits : Agence APPA)

« C'est un lieu qui s'adresse aux artisans, bureaux d'études, architectes et aux grosses entreprises du BTP. Ce qu'ils ont à gagner c'est de pouvoir respecter plus facilement les objectifs de la RE2020 [la réglementation énergétique des bâtiments, ndlr] car le matériau de réemploi n'a quasiment aucune empreinte carbone. Et il n'est pas nécessairement plus cher », argumente Aurélie Héraut, avec une étude de l'Institut Français pour la performance du bâtiment à l'appui, qui estime que les coûts de la seconde main sont 5 % moins élevés dans les matériaux bas et milieu de gamme. « Le réemploi coûte en moyenne le même prix que le neuf. La première motivation de passage à l'action est souvent liée aux émissions de GES évitées », indique l'étude.

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Racheter les matériaux ?

Mais tant que les masses disponibles ne sont pas assez importantes, il sera difficile de toucher les plus grosses structures de l'aménagement, pour lesquelles les process peuvent difficilement être modifiés pour de petites quantités. « Tant que ce n'est as moins cher ça ne marche pas. C'est un acte militant mais ce n'est pas un argument de vente. La fiscalité carbone n'est pas assez forte sur les matériaux neufs », pointe Louis Bousquet, responsable de programmes pour Eden Promotion.

Alors, pour encourager les propriétaires qui veulent déconstruire à se diriger vers le réemploi, faut-il leur racheter ces matériaux ? L'idée fait son chemin. « Il faudra qu'on arrive à une masse critique. On doit peut-être industrialiser cette filière pour lui donner une meilleure compétitivité, note Andréa Kiss, nouvelle présidente de La Fab et vice-présidente en charge de l'aménagement urbain et naturel de Bordeaux Métropole. La démarche pourrait être monétisée mais ce qu'il faut avant tout c'est un changement de mentalité. »

« De plus en plus, la question va se poser de la vente de ces matériaux-là. Certains promoteurs ou bailleurs ont tendance à les stocker donc c'est bien qu'ils y voient un intérêt ! », appuie Aurélie Héraut. Fixer un prix pour vraiment peser face aux matériaux neufs. « Je ne partage pas cette proposition , répond Louis Bousquet, sollicité par La Tribune. Il faut que le réemploi soit moins cher et plus efficace, sinon on n'arrivera pas à massifier. Quand on veut en intégrer dans nos programmes, les études que nous demandent le secteur réglementaire et assurantiel coûtent déjà chères. » Prix d'achat ou avantage fiscal, la quête de l'incitation est ouverte.

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Maxime Giraudeau

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