Immobilier : le bâtiment frugal bordelais s'offre une réhabilitation

À défaut de pouvoir inaugurer un immeuble, le label du bâtiment frugal bordelais s'est offert un lifting pour son troisième anniversaire. Cette nouvelle copie, qui demeure un outil davantage politique que juridique, est présentée comme plus pragmatique par la mairie écologiste. La moitié des critères ont ainsi été retouchés pour offrir plus de souplesse aux promoteurs alors que le logement neuf traverse une crise sans précédent.
Pierre Hurmic, le maire écologiste de Bordeaux, a présenté la V2 du label du bâtiment frugal ce 11 mars devant près de 150 professionnels de l'immobilier.
Pierre Hurmic, le maire écologiste de Bordeaux, a présenté la V2 du label du bâtiment frugal ce 11 mars devant près de 150 professionnels de l'immobilier. (Crédits : PC / La Tribune)

« C'est le même label qu'en 2021 avec les mêmes objectifs, le même principe de frugalité et les mêmes exigences », assure Pierre Hurmic au sujet de la V2 du label du bâtiment frugal bordelais, présentée de lundi 11 mars à près de 150 professionnels autour du triptyque « réparer, renaturer, réguler ». Comme La Tribune l'expliquait en février dernier, ce label non contraignant constitué de 42 critères dont 22 obligatoires n'a toujours aucune réalisation concrète à mettre en avant trois ans après sa présentation. Pour y remédier, un travail de réécriture a été mené avec les professionnels pour aboutir à une copie présentée comme « plus simple, plus souple et plus claire » par le maire écologiste de Bordeaux. Sur les 65 programmes immobiliers examinés par la mairie depuis 2021, aucun n'avait coché suffisamment de cases pour décrocher le label.

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Après le départ de Bernard Blanc, la réécriture a donc été pilotée par Stéphane Pfeiffer, son successeur au poste d''adjoint à l'urbanisme résilient, qui rappelle les grands principes de la démarche : limiter les émissions de gaz à effet de serre lors de la construction et pendant tout le cycle de vie du bâtiment, favoriser la réhabilitation et la rénovation plutôt que la construction neuve, accroître la végétalisation et la biodiversité en ville et répondre à la demande des habitants en termes de qualité, d'espaces extérieurs, de services et d'isolation.

Près de la moitié des critères retouchés

Concrètement, près de la moitié des 42 critères ont été retouchés tandis que les 22 pré-requis laissent la place à 16 pré-requis + 6 à choisir parmi les 26 critères restants. Dans le socle obligatoire, il est question de travail sur les possibilités de réhabilitation et les besoins du quartier, d'éclairage naturel, de boucliers solaires, de matériaux bas-carbone, de consommation d'eau, de désartificialisation des sols, de biodiversité, de gestion des eaux pluviales et d'intégration dans l'existant.

Pour obtenir la note maximale, les 42 critères restent de mise dont la mutualisation des espaces, la solarisation des toitures, la ventilation naturelle, la création d'un îlot de fraicheur, le confort d'été passif, l'économie de matériaux utilisés, les mobilités douces, l'évolutivité du bâti et la vie de l'immeuble à long terme. Cette V2 intègre aussi l'enjeu de l'accessibilité pour les personnes handicapées tandis que les matériaux seront considérés comme locaux si produits dans un rayon de 250 km contre 200 km auparavant.

Un outil politique plus que juridique

Si entre 20 et 25 % des critères ont été intégrés au plan local d'urbanisme en février 2024, notamment les logements traversants et les espace extérieurs, le reste du label reste un outil avant tout politique pour peser dans les discussions avec les promoteurs et les inciter à faire évoluer leurs pratiques. « Juridiquement, nous n'avons pas la possibilité d'imposer l'ensemble du label car certains critères ne relèvent tout simplement pas du PLU », reconnaît Pierre Hurmic. Mais pour témoigner de l'influence du label, le maire cite l'exemple des discussions avec le promoteur Apsys sur le vaste projet Canopia, près de la gare Saint-Jean.

« Nous avons aussi beaucoup travaillé sur l'accompagnement et la clarification du calendrier et des attendus à chaque étape du projet », ajoute Stéphane Pfeiffer. Un architecte chargé du suivi du label a été recruté et un appel d'offre a été publié début janvier afin de sélectionner pour trois ans un prestataire capable « d'animer et instruire le référentiel » pour « tous les bâtiments construits ou rénovés à Bordeaux ». Et un rendez-vous supplémentaire est institué en amont de la commission métropolitaine des avant-projets pour baliser le parcours des plus gros programmes. Le label ne sera attribué qu'à la livraison du bâtiment après avoir vérifié que tous les critères sollicités ont bien été appliqués.

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Une dizaine de projets dans les tuyaux

Cette nouvelle grille et cette approche repensée devraient permettre de labelliser « une petite dizaine de projets bien partis d'ici 2026 ». Trois opérations totalisant 303 logements sont mis en avant par la mairie. Le programme EVA sur la ZAC Bastide Niel, 209 logements portés par le promoteur Sopic et MFR architectes ; le programme Balzac, 88 logements à Caudéran par Gironde Habitat et BLP & associés ; et l'immeuble Planterose, dans le centre-ville de Bordeaux porté par InCité et MaArchitecture & Atelier Boteko. Ce dernier projet de six logements est le plus avancé puisqu'il vient d'obtenir son permis de construire. Une quinzaine de projets plus anciens pourraient aussi être récompensés de manière rétroactive. Et si la mairie écologiste ne se fixe pas d'objectif chiffré, « l'ambition est bien de transformer le modèle des opérateurs et qu'à terme tous les bâtiments soient labellisés », affirme Pierre Hurmic.

Mais l'absence de projet lauréat pousse certains promoteurs à interroger le cadre retenu : « Ça ne devrait pas être un label mais simplement une question de bon sens, pointe Louis Bousquet, responsable de programmes chez Eden Promotion. Quand on parle de mettre des moustiquaires aux fenêtres, de travailler à la ventilation rafraîchissante et de construire avec des techniques locales, j'y vois plus une démarche qu'un label si on veut susciter l'adhésion des promoteurs. »

Quant au surcoût induit par le bâtiment frugal, question cruciale sur un marché de la construction sinistré, l'estimation de 15 à 40 % brandie en 2021 n'est plus reprise telle quelle par la municipalité écologiste : « Oui, il y a mécaniquement un surcoût mais il est très difficile à évaluer puisque tout a augmenté avec l'inflation et la règlement RE2020 qui rejoint d'ailleurs le label sur certains points », fait valoir Stéphane Pfeiffer, soulignant que « certains critères ne coûtent rien tandis que d'autres peuvent même permettre des économies ». Les six critères optionnels laissent aussi davantage de latitude aux opérateurs pour gérer leur équation financière.

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