Comment Canopia va redessiner et végétaliser le quartier Bordeaux Saint-Jean

Large rue piétonne, parc, commerces, hôtels, bureaux, logements : le secteur entre la gare Saint-Jean et la Garonne aura profondément changé en 2026. Baptisé Canopia, ce vaste projet de 67.000 m2 sur 3,6 hectares piloté par le promoteur Apsys a dévoilé ses contours et brandi ses arguments : des performances environnementales "exemplaires" et une offre commerciale "sur-mesure". Le logement ne pèse que 9 % de la surface de ce projet à plus de 500 millions d'euros
(Crédits : ArtefactoryLab pour Apsys)

Ne dites plus projet "Bordeaux Saint-Jean" ni "Rue Bordelaise" ou "rue Saget". Le programme d'aménagement de 67.000 m2 autour d'une large avenue piétonne percée entre le parvis de la gare Saint-Jean et les quais de la Garonne a dévoilé son nom officiel ce mardi 13 septembre : projet Canopia. "Ce nom évoque l'écosystème qui sera rendu possible par ses deux caractéristiques fondamentales : une végétation abondante et une programmation foisonnante", lance Maurice Bansay, le président fondateur du promoteur Apsys qui est derrière ce projet urbain. Signe de l'importance stratégique de cette opération, qui pèse plus de 450 millions d'euros d'investissement, Maurice Bansay a fait le déplacement à Bordeaux pour en détailler le contenu. L'occasion d'enchaîner les superlatifs : "un projet absolument irréprochable sur le plan environnemental", "un projet exemplaire sur le plan environnemental et architectural", "un démonstrateur de la ville de demain". Rien de moins.

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Une livraison prévue en 2026

Dans les faits, cette opération de requalification du quartier de la gare, engagée aux côtés de l'établissement public d'aménagement Bordeaux Euratlantique, a fait l'objet de vives discussions lors de la dernière campagne électorale au printemps 2020. Alors candidat, l'écologiste Pierre Hurmic avait promis d'y renoncer avant de se raviser devant les coûts et les difficultés d'un tel abandon. Après plusieurs mois de discussions avec Apsys et l'EPA, c'est une version 2.0 qui a finalement été actée en janvier 2021 et qui est désormais sur les rails sous ce nouveau nom de Canopia.

"L'autorisation commerciale a été accordée à l'unanimité [en 2019] et le permis de construire a été obtenu début 2022. Le processus d'acquisitions foncières est déjà bien avancé et le chantier, c'est inhabituel, sera mené en une seule phase. Notre objectif est de livrer l'opération dès 2026", précise Maurice Bansay. Les premiers coups de pioche, notamment du côté du parc Descas, le long de la Garonne, interviendront même dès 2023 dans le cadre du réaménagement des quais mené par l'EPA.

Projet Canopia Apsys

Le projet Canopia promet une architecture respectueuse des gabarits et façades du centre-ville de Bordeaux (crédits : Maison Edouard Francois / Doug&Wolf).

Des activités, peu de logements, de la pierre

Au total, ce sont 67.000 m2 de nouveaux bâtiments qui sortiront de terre dans le cadre d'une requalification qui conservera un gros quart des façades actuelles. La programmation fait la part belle aux activités économiques (lire encadré) et contient seulement une petite centaine de logements sur 6.000 m2, soit tout juste 9 % du total contre 6 % dans la copie initiale revue à la demande de la mairie. Un chiffre étonnant dans une ville pourtant très marquée par des prix immobilier record et qui continuent de monter. 35 % de ces appartements seront des logements locatifs sociaux tandis que les autres seront loués par Apsys. Aucune vente de logement n'est prévue.

Pléthore d'activités économiques


  • Sur les 67.000 m2, 9.000 m2 seront dédiés à deux "concepts hôteliers innovants inédits à Bordeaux" dont les noms seront dévoilés en fin d'année ; 6.500 m2 à trois opérateurs de bureaux partagés et coworking ; 15.000 m2 à une large offre de restaurants et de loisirs (bowling, trampoline, escalade, salle de sport, jeux pour enfants, théâtre immersif, karaoké, espace game, salles de danse, etc.) à l'instar de ce que propose le complexe Steel opéré par Apsys à Saint-Etienne. Enfin, près de la moitié du total, soit 30.500 m2 accueilleront des services et des commerces mêlant une offre de proximité, de l'économie sociale et solidaire (4.000 m2) et une maison des associations, des "concepts urbains" ainsi que des "vitrines pour les talents et spécialités du territoire". Apsys met aussi en avant la présence de "grandes enseignes habituées à la périphérie dans les domaines du bricolage, de la jardinerie, des meubles et de la décoration".

Sur le plan architectural, Apsys promet de la haute-couture adaptée à l'urbanisme local autour d'un concept de "rue parc" végétalisée de 19 mètres de large, contre 11 mètres pour le cours de l'Intendance. Une attention toute particulière sera donnée aux espaces publics extérieurs sur 13.000 m2 et aux terrasses en toit d'immeuble. Choix original : le matériau privilégié sera la pierre, un matériau biosourcé qui colle à la traditionnelle pierre blanche bordelaise :

"Ce sera un projet 100 % pierre", jure l'architecte Edouard François, qui a signé la façade arrière de la Samaritaine à Paris. "Il ne s'agit pas seulement de parements mais bien d'utiliser de la pierre semi-porteuse, voire de la pierre porteuse. C'est un matériau qui présente beaucoup de qualités en termes d'inertie thermique. On y travaille en regardant notamment les capacités d'approvisionnement de la filière."

Quelles performances environnementales ?

Apsys vante un triptyque "sobriété carbone, îlot de fraîcheur et bien être citadin" grâce, notamment, 1.400 places de stationnement vélo contre 500 places voitures, 95 % de matériaux déconstruits qui seront "recyclés ou réutilisés". S'y ajoutent 235 arbres plantés, 13.400 m2 de toitures et façades végétalisées, près de 16.000 m2 perméables, en pleine terre ou enherbés et un parc sur deux hectares le long de la Garonne au droit du pont Saint-Jean dont la première tranche sera livrée dès 2025.

Projet Canopia Apsys

Les espaces publics et les murs seront largement végétalisés (crédits : Métrochrome / Maison Edouard François).

Le programme, qui favorisera l'évolution du bâti pour accueillir différentes fonctions, entend décrocher les certifications Breeam, HQE (haute qualité environnementale), Biodiversité, Ecojardin et le label "E+C-", sans en préciser la note visée. La mairie de Bordeaux assure également que le projet coche toutes les cases les plus ambitieuses de son label du Bâtiment frugal bordelais.

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Pour autant, il n'est a priori pas question d'y déployer des énergies renouvelables, type panneaux solaires, pour atteindre un bâtiment à énergie positive ni même générer de l'autoconsommation d'électricité. "Le quartier sera relié au réseau de chaleur urbain et les performances énergétiques du bâti permettront de diminuer significativement les consommations, notamment sur la notion de confort d'été", précise Valérie Lasek, la président de l'EPA, évoquant également des expérimentations autour de possibilités "d'échanges thermiques avec la Garonne".

Enfin, l'accent a été mis sur la circulation de l'air et l'exposition des logements pour favoriser l'aération naturelle et éviter la création d'un nouvel îlot de chaleur dans une ville très minérale. Autant d'exigences qui ont mécaniquement un coût supplémentaire. Le coût du programme, qui met en avant la qualité de son bâti et de son bilan environnemental, s'élève déjà à au moins 450 millions d'euros pour Apsys et 62 millions d'euros pour divers partenaires publics et privés dont l'EPA Bordeaux Euratlantique :

"Nous voulons faire mieux et bien parce que nous construisons pour nous-mêmes avec une approche patrimoniale sur plusieurs décennies et pas pour revendre nous sommes prêts à faire des investissements supplémentaires que nous chiffrons entre 5 % et 10 % du total [...] Je peux vous assurer que ce projet figure parmi les mieux notés de France actuellement", observe Maurice Bansay.

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Un comité d'enseignes pour rester vigilant

Présent lors de la conférence de presse, Pierre Hurmic, le maire écologiste de Bordeaux, a partagé sa satisfaction après avoir été un farouche opposant d'un projet qualifié à l'époque "de vision dépassée".

"C'est un projet de haute-couture mais surtout un projet sur-mesure pour Bordeaux parce qu'il répond à deux exigences que j'avais formulées : intégrer ce projet au tissu commercial bordelais et répondre aux orientations politiques de la nouvelle majorité municipale vers la neutralité carbone", avance-t-il.

L'élu met aussi en avant le rôle du comité d'enseignes annoncé dont la création a été annoncée début 2021. Associant des représentants d'Apsys, de la mairie, de l'EPA, de la CCI Bordeaux Gironde et de la Chambre de métiers "pour veiller positivement sur les enseignes commerciales qui s'installeront." Au rythme d'une réunion par an, ce comité étudiera des études d'impact sur le tissu commercial bordelais afin de proposer une nouvelle offre qui soit la plus pertinente et complémentaire possible. Le maire restera "vigilant et exigeant quant à la réalisation des objectifs énoncés". Une manière discrète de maintenir la pression alors que la livraison devrait intervenir en pleine campagne électorale municipale en 2026. "La colonne vertébrale du projet n'a pas changé, il a juste été repeint en vert. C'est un nouveau renoncement du maire mais, sur le fond, c'est un bon projet, c'est pour cela que nous l'avions initié", tacle déjà Fabien Robert, ancien adjoint d'Alain Juppé et Nicolas Florian et désormais élu d'opposition dans le groupe Bordeaux Ensemble.

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Commentaires 2
à écrit le 17/09/2022 à 11:32
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Cette rue transversale ne débouche sur rien...à part l'échangeur du pont St jean. Quel intérêt pour le promeneur sinon de revenir à la gare ? Pas très intéressant. Il vaudrait mieux envoyer les gens vers la MECA. Là, cela a du sens.

à écrit le 14/09/2022 à 10:13
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"Pour autant, il n'est a priori pas question d'y déployer des énergies renouvelables, type panneaux solaires, pour atteindre un bâtiment à énergie positive ni même générer de l'autoconsommation d'électricité. " Tjrs en retard d'une guerre...on aime ...

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