Redressement, liquidation, redémarrage... L'avenir en pointillé des Girondins de Bordeaux

« Ce n'est plus qu'un squelette de club avec des dettes et plus aucune valeur. » Rétrogradé en championnat de National, le FC Girondins de Bordeaux a acté sa cessation de paiement faute de recettes à mettre en face de ses dettes et de son train de vie. Le tribunal de commerce décidera mardi 30 juillet de la liquidation ou du redressement judiciaire du club. Cela dépendra de la capacité de Gérard Lopez à convaincre ses créanciers et partenaires de le soutenir à nouveau en National 1 ou en dessous.
Le poids financier du stade Matmut Atlantique constitue un boulet pour les Girondins de Bordeaux, a fortiori en National.
Le poids financier du stade Matmut Atlantique constitue un boulet pour les Girondins de Bordeaux, a fortiori en National. (Crédits : Agence APPA)

Sur le plan sportif la messe est dite. Le FC Girondins de Bordeaux évoluera, au mieux, en National 1 l'an prochain, la 3e division du football français. Mais sur le plan financier, le feuilleton n'est pas terminé et le club aura fort à faire pour espérer éviter la liquidation judiciaire d'ici la reprise du championnat le 16 août prochain. Le problème est connu et Gérard Lopez, le propriétaire du club depuis 2021, l'a répété ces derniers jours : il lui manquait au moins 42 millions d'euros pour boucler le budget du club en cas de maintien en Ligue 2. Mais l'équation se corse encore avec la descente en National, comme l'explique Jean-François Brocard, maître de conférences en économie du sport à l'Université de Limoges : « Le club vit déjà au-dessus de ses moyens. L'an prochain les charges seront un peu moindre mais, en face, les produits financiers seront extrêmement limités : les recettes des sponsors, de la billetterie, du merchandising vont mécaniquement baisser tandis que la valeur des joueurs a déjà considérablement diminué et qu'il n'y aura pas de droits TV. »

Lire aussiLes Girondins de Bordeaux acceptent leur rétrogradation en National

« Un squelette de club »

Le FCGB se dirige donc tout droit vers la cessation de paiement.

« La réalité c'est que les Girondins ne sont plus qu'un squelette de club avec des dettes, des mauvaises relations avec ses créanciers, des contentieux importants aux prud'hommes, aucun actif, un stade qui lui coûte très cher, un centre de formation qui a été délaissé et dont il n'est même pas propriétaire... », dépeint Jean-François Brocard pour qui le scénario le plus probable c'est « le dépôt de bilan, la disparition de la société et un redémarrage sur le plan sportif avec l'association en National 3. »

Dans ce contexte, Gérard Lopez défend encore depuis quelques jours ce qu'il appelle « un scénario intermédiaire ». Formellement, il a déposé mercredi 24 juillet sa demande de mise sous protection du tribunal de commerce de Bordeaux pour cessation de paiement. L'ouverture d'une procédure collective interviendra ensuite dès mardi 30 juillet. « Le tribunal commencera par geler les dettes pour une première période d'observation de six mois puis, en fonction de la volonté et des arguments de Gérard Lopez et de la capacité du club à payer ses salaires et ses charges en National 1 ou en National 2, il décidera d'une liquidation judiciaire ou d'un redressement », détaille une ancienne juge du tribunal de commerce.

Une affaire de budgets

En 2023/2024, le budget moyen de Ligue 2 était de 15 millions d'euros quand Bordeaux affichait plus de 40 millions d'euros. En National 1 (3e division), le budget moyen des 18 clubs engagés l'an passé était tout juste de 5 millions d'euros. En National 2 (4e division), bien qu'ayant tendance à augmenter depuis une dizaine d'années, les budgets dépassent rarement le million d'euros, voire 1,5 million d'euros. Enfin, en National 3, on descend encore d'un cran pour des budgets qui oscillent autour de 500.000 euros.

Face au traumatisme de la disparition des Girondins, Gérard Lopez tente donc à nouveau de convaincre ses créanciers et partenaires de soutenir le club avec une forme de quoi qu'il en coûte. En clair, il cherche à obtenir des abandons ou des réductions de dette parce que personne ne souhaite aller vers une liquidation désastreuse pour l'image du territoire et pour le poids financiers du stade. Des efforts qui pourraient éventuellement permettre de redémarrer en National 2.

Bordeaux Métropole a déjà fait un geste très significatif mais qui n'aura pas suffi. Sa présidente Christine Bost se dit « déçue de cette issue » alors même que la collectivité avait consenti « un abandon de créance (à hauteur de 20 millions d'euros) et la baisse du loyer [...] à 2 millions d'euros par an en Ligue 1 et 600.000 euros en dessous de la Ligue 1 », contre 4,7 millions aujourd'hui, précise-t-elle à l'AFP. Tout en soutenant cette décision politique, le maire de Bordeaux Pierre Hurmic a rappelé son opposition historique au foot business et à la construction du stade Matmut Atlantique qui pèse lourd dans les équilibres budgétaires : « C'est un stade grand et inutile au format extravagant mais je préfère un club avec un loyer bas que pas de locataire du tout ! »

Lire aussiStade Matmut Atlantique : « Nous sommes prêts à renoncer à nos revenus jusqu'à 2045 »

Un premier pas qui en appellerait d'autres ?

« En plus de ce geste on peut toujours imaginer que Gérard Lopez obtienne des choses d'autres créanciers tout en faisant entrer des actionnaires minoritaires... Mais c'est peu probable compte tenu du calendrier [de la reprise du championnat de N1 le 16 août, NDLR] et cela constituerait un nouveau pied de nez à tout le monde de la part de quelqu'un qui a fait joujou avec ce club », tranche Jean-François Brocard.

Une évolution de la gouvernance ?

C'est donc bien un nouveau départ sous le statut amateur en National 2 voire en National 3 qui se profile pour les Girondins de Bordeaux avec des conséquences dramatiques pour les 90 salariés. « Cette rétrogradation marque l'échec d'une gouvernance et d'un modèle économique à bout de souffle où les collectivités sont exclusivement considérées comme des partenaires de dettes et de déficit », pointe le maire écologiste qui invite à réfléchir à « une nouvelle gouvernance avec plus d'horizontalité et de formation ».

S'il n'a pas de réelles capacités décisionnaires, en dehors du fait que la ville est propriétaire du centre de formation des Girondins, Pierre Hurmic préconise une gouvernance d'inspiration coopérative. « Il faut associer plus largement tous les partenaires du club : salariés, bénévoles, supporters, anciens joueurs, sponsors, collectivités et acteurs économiques du territoire », avance-t-il, citant l'exemple du statut de SCIC (société coopérative d'intérêt collectif) adopté à Sochaux et de l'actionnariat populaire comme à Bastia et Guingamp sur le modèle des socios en Espagne. « Ce sont des pistes intéressantes et à creuser mais elles ne règleront pas le problème de fond de ce club qui est avant tout financier : comment je fais pour jouer dans un stade pareil si je ne suis pas en Ligue 1 ? », relativise Jean-François Brocard.

Le redémarrage sportif, un immense défi

Il restera aussi à réussir le redémarrage sportif qui constitue un immense défi, même pour un club six fois champion de France. Le RC Strasbourg, liquidé à l'été 2011 a retrouvé la Ligue 2 et le statut professionnel cinq ans plus tard, signant un authentique exploit. Mais cela ne signifie pas que ce sera aussi simple pour les Girondins. « C'est évidemment possible de remonter mais il faut garder en tête que c'est extrêmement dur parce qu'il y a une concurrence forte sur le plan sportif, des projets solides et un nombre très limité de places de promus », observe l'économiste du sport.

Dans l'immédiat ce n'est pas sur les pelouses que se jouera l'avenir du FCGB mais dans les locaux du tribunal de commerce de Bordeaux et de la DNCG (direction nationale de contrôle de gestion). Le premier se prononcera dès le 30 juillet, la seconde avant le 16 août. Les Girondins sauront alors dans quel championnat ils évolueront la saison prochaine, sous quel statut et avec quels moyens.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 25/07/2024 à 9:40
Signaler
Bordeaux est une grande ville avec de nombreux potentiels c'est le moment de faire autre chose. Une amputation nécessaire parce qu'encore une fois un gros pelin soupe voulait se faire protéger par l'argent public. Mais qu'ils sont faibles et pénibles...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.