BTP : les carrières de Nouvelle-Aquitaine face aux contradictions environnementales

Continuer à agrandir et ouvrir des carrières pour alimenter le secteur particulièrement polluant de la construction béton, c'est le dessein de l'Union nationale des industries de carrières en Nouvelle-Aquitaine. Face aux objectifs nationaux de neutralité carbone, le groupement défend l'extraction locale pour éviter les importations polluantes, dans l'attente du nouveau schéma régional des carrières.
Maxime Giraudeau
La Nouvelle-Aquitaine compte 500 carrières et plus de 340 entreprises actives dans le secteur.
La Nouvelle-Aquitaine compte 500 carrières et plus de 340 entreprises actives dans le secteur. (Crédits : Unicem Nouvelle-Aquitaine)

Parmi les cinq secteurs les plus polluants, le transport et la construction pèsent lourd dans le poids carbone de la France. L'industrie des carrières est liée aux deux. Les granulats extraits sont acheminés sur des dizaines voire jusqu'à parfois quelques centaines de kilomètres pour alimenter les chantiers. Une étape qui représente le plus gros coût environnemental du traitement des sables et graviers.

Au sein de l'Unicem, l'Union des industries de carrières et de matériaux de construction, on ne se projette pas vraiment sur la neutralité carbone visée par la France pour 2050 mais plutôt sur « un besoin en granulats qui restera à peu près constant dans les prochaines années ». Pour maintenir la cadence des 40 millions de tonnes extraites chaque année en Nouvelle-Aquitaine (2e région française derrière Auvergne-Rhône-Alpes), les représentants de la filière militent pour un développement local : « mailler le territoire avec des carrières plus petites ». Et continuer à produire quatre millions de m3 de béton par an dans la région en dépit de l'urgence climatique.

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Une nouveau cadre régional en négociation

« On cherche à limiter le transport qui représente la plus grosse part de nos émissions de CO2. L'accès réglementaire à la ressource s'épuise, or pour ne pas l'importer on va devoir renouveler voire ouvrir de nouvelles carrières », revendique Laurent Richaud, président du groupe Garandeau et des Producteurs de granulats de Nouvelle-Aquitaine. Un intérêt aussi économique pour les clients puisque le prix des granulats (un à deux centimes d'euros le kilo) double tous les 50 km de transport. La facture est particulièrement élevé pour la construction bordelaise puisque la métropole ne compte plus de carrière active. Si leur nombre a été divisé par deux dans la région en vingt ans (avec 500 sites encore en service), les volumes extraits restent quant à eux stables depuis 2017.

La nouvelle phase de développement des sites va être portée et réglementée par le schéma régional des carrières. Un document élaboré depuis presque sept ans et dont la version proposée par la préfecture de Nouvelle-Aquitaine ne satisfait pas du tout les industriels. Ceux-ci la jugent trop poussée sur les aspects réglementaires et administratifs autour de la protection de l'environnement. « Le schéma régional des carrières tel qu'on le voit aujourd'hui rajoute énormément de mesures qui doivent nous favoriser mais qui sont en réalité opposables et vont devenir dangereuses vis-à-vis de tous les recours que l'on pourrait avoir en justice par des associations anti-carrières. Le schéma fragilise la sécurité juridique de nos dossiers », peste Jean-Claude Pouxviel, directeur régional d'Eurovia et président de l'Unicem Nouvelle-Aquitaine.

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Répondre à la demande

Pourtant, le nouveau document est doté de certains avantages d'envergure pour la filière, comme celui de primer sur les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les schémas de cohérence territoriale (Scot). Un privilège qui traduit la volonté de l'État de faciliter le redéploiement de l'extraction sur le territoire à l'heure de la relocalisation industrielle. Mais sur le terrain, les nombreuses réglementations qui protègent les milieux naturels et les espèces freinent encore cette volonté politique.

« Entre le message du préfet de région et les services qui instruisent le dossier sur le terrain, il y a un décalage. On voit plutôt des blocages partout », observe Jean-Claude Pouxviel. Une plainte qui illustre l'exigence demandée à ces sites d'extraction mais qui traduit aussi le manque de considération pour l'environnement d'une filière qui répond à tout prix à la demande publique et privée. « Le tonnage répertorié provient de l'analyse des besoins, tout en intégrant les sujets de la construction biosourcée avec le bois notamment, l'impact de l'amélioration du recyclage, la réduction des surfaces construites. Néanmoins, l'analyse dit que la population de Nouvelle-Aquitaine va croître. Quand vous accueillez des gens, il faut des bâtiments, il faut des écoles, il faut des routes », répond le président régional de l'Unicem.

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Les maires courtisés

Et des emplois. La filière qui compte plus de 8.000 salariés dans la région met aussi en balance la création de postes dans des zones qui en sont peu pourvues pour s'attirer les faveurs des maires. Un point déterminant pour faciliter l'implantation des carrières qui sont source d'inquiétude en local, entre les impacts sur l'environnement et les nuisances sonores ou paysagères. Selon le sondage réalisé par l'institut Cohda pour l'Unicem (*), plus des deux tiers des maires de Nouvelle-Aquitaine qui n'ont pas de carrière sur leur commune voient une opportunité financière et en terme d'emplois en accueillant un tel projet. 85 % des maires pourvus d'un site sur leur commune déclarent qu'il s'agit d'une bonne chose pour leur territoire, mais la limitation des nuisances apparaît comme la première préoccupation citée.

Si les recours devant les tribunaux, comme ce fut le cas autour de l'extension d'un site en vallée d'Ossau, allongent ou empêchent le déploiement des projets, le changement des pratiques dans le bâtiment pourrait à long terme brider encore l'activité de l'extraction. La filière subit déjà les conséquences de la crise de la construction neuve qui entraîne une réduction au moins temporaire de la demande en granulats. Les industriels scrutent la relance du marché, comme le réajustement du schéma régional des carrières attendu pour cette année.

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 (*) Enquête réalisée du 28 février au 20 mars 2024 sur un échantillon de 800 maires de Nouvelle-Aquitaine.

Maxime Giraudeau

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Commentaire 1
à écrit le 26/05/2024 à 9:51
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Je vois une colline se faire manger par une carrière depuis des décennies et elle disparait certes mais doucement quand même, cela n'est pas choquant. Exploiter la pierre n'est pas un problème. Le problème n'est pas environnemental il est dans les co...

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