Rénovation, location, architectes : la crise du logement ne freine pas l’innovation

Financer la rénovation énergétique, faciliter la location tout en la sécurisant mais aussi faire gagner du temps aux architectes et les mettre en relation. À Bordeaux, plusieurs startups qui gravitent autour de la construction et du logement se développent malgré un contexte de crise profonde du logement neuf. Pour se démarquer, elles ciblent précisément des problématiques du secteur. Tour d’horizon de quatre d’entre elles : Vasco, Archimaid, Mesetys et Share is More.
(Crédits : Share is More)

Une chute de 60 % des ventes de logement neuf à Bordeaux Métropole en 2023. Un problème de financement. Des difficultés à louer. Qu'à cela ne tienne, des startups continuent de se développer à Bordeaux pour apporter des solutions susceptibles de répondre à diverses problématiques pour les propriétaires et locataires comme pour les professionnels, à commencer par le sujet délicat du financement de la rénovation énergétique.

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Financer la rénovation énergétique des particuliers

À Bordeaux, c'est Vasco qui a décidé de prendre le sujet à bras le corps dès l'été 2023, en proposant de financer les travaux de particuliers selon un modèle peu connu en Europe mais surtout nouveau du point de vue de l'application. Pas besoin d'apport, ni de mensualité. Vasco finance 100 % des travaux de rénovation énergétique en échange d'une part du bien immobilier concerné. Ainsi pour 40.000 euros de travaux dans une maison à 400.000, Vasco détient 13 %, soit 30 % de plus que ce qui a été investi. Le client conserve l'intégralité de son usufruit et remboursera Vasco le jour où il vendra son bien.

« C'est une solution alternative ou complémentaire lorsque les aides, l'épargne et les prêts bancaires ne suffisent pas à financer les travaux. La rénovation énergétique des particuliers est aujourd'hui mal financée », explique Hervé Degreve, co-fondateur de Vasco.

Du point de vue du modèle, Vasco a créé une société de gestion qui gère les opérations et facture des frais de dossiers au client à hauteur de 3.000 euros. Elle facture également des frais aux investisseurs de la foncière, cette autre structure qui a été créée, et dans laquelle sont entrés des investisseurs particuliers et des business angels qui financent les projets et se rémunèrent à la vente du bien.

Début juin, les trois fondateurs de Vasco, ont annoncé avoir lever un million d'euros auprès d'une quarantaine de business angels pour permettre à Vasco de recruter une quinzaine de collaborateurs, se faire connaître plus largement et développer ses outils technologiques. Parallèlement, la foncière a aussi collecté un million d'euros auprès d'une centaine d'investisseurs particuliers pour financer ses vingts premiers projets et prévoit de lever un total de cinq millions d'euros en 2024 pour financer une centaine de rénovations d'ampleur.

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Imaginer une nouvelle garantie locative

Comment accéder au logement en ayant des ressources financières mais pas trois fois le montant du loyer, un CDI ou encore un garant sur le territoire ? C'est pour répondre à cette autre problématique très répandue qu'Armandine Nkondock a, pour sa part, fondé Archimaid, sélectionnée dans le programme Impact Builders organisé par Vivatech en mai dernier. Lancée en 2022, cette jeune entreprise a développé un dispositif de paiement de loyers d'avance, renouvelable, pour sécuriser les rapports locatifs. Entre six et neuf mois de loyers sont bloqués et conservés par un partenaire financier agréé en France, puis versés mensuellement à date fixe au propriétaire.

Objectif ?

« Permettre un accès à la location alors que 11 millions de personnes en sont aujourd'hui exclues : les indépendants, les intérimaires, les étudiants internationaux, les étrangers, retraités et expatriés », insiste Armandine Nkondock.

« Il existe déjà des garanties, plutôt de type assurantiel. La Garantie loyers impayés (GLI) est souscrite par le bailleur auprès des assurances et c'est l'assureur qui valide ou non le dossier locatif selon ses conditions. La garantie Visale, proposée par Action Logement, est quant à elle gratuite mais au-delà de 30 ans il y a encore des conditions à respecter. Les garanties qui existent marchent très bien mais sont contraignantes. Nous sommes donc complémentaires. »

Avec ce modèle de garantie locative, Archimaid s'inscrit en tiers de confiance pour certifier la disponibilité des fonds de manière sécurisée. La startup prend des commissions sur les loyers d'avance, autour de 299 euros en une fois pour le locataire. C'est en revanche gratuit pour le propriétaire auprès de qui il s'agit plutôt de lever des freins culturels.

Si l'entreprise s'adressait jusqu'à présent aux particuliers, elle lancera en septembre un logiciel à destination des agences immobilières. D'ici 2025, Archimaid annonce également l'ouverture d'une agence physique. Parallèlement, elle teste avec l'Adie (Association pour le droit à l'initiative économique) un prêt d'avance de loyers pour les entrepreneurs.

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Faciliter la vie des architectes

Dans un autre domaine, l'architecture, Mesetys a été créée en 2021 pour permettre aux architectes de gagner du temps et de l'argent. Chloé Martinot et Mayssa El Fakir ont pour cela développé une plateforme qui propose, à partir d'un plan existant, les meilleurs versions possibles grâce à un score d'habitabilité. « Il faut en moyenne dix heures de travail pour un plan de 50 m2. Avec notre outil, nous divisons pas quatre le temps de conception d'un architecte. Piloter la rentabilité des agences par rapport au temps passé sur ces plans est plus que jamais nécessaire », explique Chloé Martinot. Finis par ailleurs les chaines de mails, les allers-retours avec des plans PDF en pièce jointe. Tous les échanges sont centralisés sur la plateforme. Les interlocuteurs du projet peuvent faire des annotations directement sur le plan.

Pour avoir accès à cet outil, l'architecte paie à Mesetys un forfait de deux euros par mètre carré ainsi qu'une licence d'utilisation, 60 euros par mois par utilisateur. À ce jour, une centaine d'agences utilisent déjà cette plateforme au quotidien. 50.000 plans ont été déposés depuis janvier.

Mais-au delà de répondre à un besoin des architectes, Chloé Martinot estime que cet outil peut aussi constituer une opportunité dans le contexte de crise.

« Dès le début, avant même la crise, les promoteurs y voyaient un intérêt pour comprendre pourquoi un bien ne s'était pas vendu sur un parc d'appartements. Pour eux, il y avait un problème de plan, il fallait en trouver un meilleur. Aujourd'hui, on comprend que c'est davantage lié aux crédits ou à l'impossibilité d'acheter, mais la crise n'a pas freiné l'utilisation de l'outil. Au contraire puisqu'il y a une recherche accrue de rentabilité et d'optimisation », explique Chloé Martinot.

Une levée de fonds est en cours pour accélérer le développement commercial et technique. Mesetys emploie actuellement une quinzaine de personnes dont une dizaine pour la partie logicielle.

Connecter les professionnels de la construction

Également positionnée sur le marché de l'architecture, Share is More vient de lever 500.000 euros pour étoffer ses équipes et développer de nouvelles fonctionnalités à son outil : une plateforme basée sur une cartographie des réalisations architecturales avec pour objectif de connecter les professionnels de l'architecture. À l'origine du projet, Sylvain Bidart, maître d'oeuvre au sein de l'agence d'architecture Patriarche, qui constate le « silotage » de la profession et réalise la difficulté d'accéder aux informations du bâti architectural qui nous entoure.

Toutes les réalisations ne sont toutefois pas recensées.

« Les bâtiments doivent être remarquables d'un point de vue technique, esthétique ou environnemental », explique Edouard Caumont, Cofondateur de Share Is More.

Sur le volet environnemental, la startup bordelaise met en lumière les acteurs, les méthodes, les matériaux et les réalisations respectueuses de l'environnement. « En échangeant avec nos utilisateurs [des concepteurs et architectes], nous nous rendons compte que la plupart d'entre eux souhaitent utiliser des matériaux ou des méthodes plus vertueuses, mais ne savent pas comment s'y prendre. Il y a des habitudes très ancrées et un manque de sensibilisation sur ces sujets-là » explique Edouard Caumont, cofondateur de Share Is More.

Le modèle économique de Share is More repose sur un abonnement annuel pour les fabricants qui mettent en avant leurs produits et savoir-faire. La plateforme référence actuellement 5.000 bâtiments. Elle rassemble 5.000 utilisateurs mensuels, 70 agences d'architecture 50 fabricants.

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Commentaire 1
à écrit le 13/07/2024 à 7:18
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Et l'imprimante 3D qui fabrique des maisons aux prix défiants toute concurrence ?! Ben justement ça va pas du tout ça... ^^

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