Les ouvriers de Colas déposeront dans les tous prochains jours les enrobés finaux sur le tablier du très attendu pont Simone Veil, le 6e franchissement de la Garonne à Bordeaux qui sera mis en service cet été. De quoi donner le sourire à Boris Ursat, le directeur général de Colas Ouest, la filiale régionale qui couvre 37 départements de la façade atlantique et dont le siège est à Mérignac. Pour répondre aux exigences des architectes de l'agence néerlandaise OMA, Colas a mis au point un revêtement spécial, un enrobé grenaillé noir répondant aux éclairages rasant prévus sur le pont.
« L'activité baisse structurellement »
Historiquement spécialiste des traditionnels granulats enrobés de bitume, - « vous ne pouvez pas faire 50 km en voiture sans rouler sur du Colas », glisse Boris Ursat - l'entreprise développe en effet de plus en plus de produits spécifiques pour son millier de chantiers quotidiens opérés par 6.500 salariés. Que ce soit pour le circuit de course automobile de Nogaro, dans le Gers, ou pour des applications de plus en plus éloignées de la route : cours d'école, pistes piétons et autres cheminements piétons. « Nous sommes face à une stagnation de l'activité malgré l'inflation, ce qui signifie que l'activité baisse structurellement car il y a de moins en moins d'enrobé à appliquer, ce qui reste notre cœur de métier », indique Boris Ursat.
Le directeur général pointe « un réseau routier national, départemental et local qui est arrivé à maturité mais aussi la frilosité de la commande publique quand il s'agit d'entretenir les infrastructures existantes dans la perspective d'une durabilité à long terme. » L'investissement des collectivités locales a néanmoins progressé de 9 % en 2023 pour la troisième année consécutive mais Colas sent aussi le vent tourner dans le sillage de la crise de l'immobilier neuf qui ne finit plus de s'enfoncer.
« Savoir combien vaut cette tonne de CO2 »
Pour grignoter des parts de marché dans ce contexte, Colas cherche la parade avec de nouveaux relais de croissance, ou plutôt, comme le concède Boris Ursat, « des relais de non-décroissance de l'activité en faisant des pas de côté par la diversification. » En l'occurrence, il s'agit de produits mis au point par les ingénieurs « de la cellule dédiée au génie climatique » de Colas : l'Urbalith, le Vegecol ou encore le Recycol. Le premier est un mélange à froid de granulats avec un liant minéral qui offre une perméabilité aux eaux pluviales et promet une empreinte carbone inférieur de moitié à une solution classique, notamment pour les pistes cyclables. Les piétons bordelais le foulent déjà cours de la Marne, le long du bus express qui sera mis en service cette année. Le second, le Vegecol, est un enrobé clair constitué de cailloux agglomérés par un liant majoritairement végétal. Lui-aussi perméable, il affiche une empreinte carbone réduite de 70 % versus un enrobé classique. Enfin, le troisième, permet de réinjecter 25 % de matières de l'ancienne route dans la nouvelle lords des chantiers de rabotage des voiries.
Ces produits bas carbone sont très appréciés, notamment parce qu'il existe des subventions de l'État pour les collectivités qui choisissent des procédés durables. « Nous avons par exemple posé 50.000 m2 d'Urbalith en 2023 ! Ce n'est qu'une niche de quelques points pour l'instant mais elle a vocation à grandir dans le cadre d'une offre globale combinant revêtements, génie écologique et gestion des eaux de pluie », contextualise Boris Ursat. Encore faudra-t-il trouver un équilibre économique convenant à toutes les parties prenantes car ces procédés restent aujourd'hui plus chers que les enrobés traditionnels plus polluants.
« On est globalement sur des prix cohérents aujourd'hui alors que la tonne de CO2 n'est pas taxée. On a fait évoluer nos certitudes en interne, on a développé des réponses techniques et aujourd'hui nos clients sont demandeurs de ces offres et produits. L'enjeu pour tout le monde c'est maintenant de savoir combien vaut cette tonne de CO2 et qui paiera. Dans ce contexte d'un coût de CO2 augmentant, nos solutions sont une vraie réponse pour la protection de l'environnement et la non artificialisation des sols », juge Boris Ursat.
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