« On nie tous la complexité de la décarbonation de l'industrie »

Comment décarboner l'industrie ? C'est à cette question qu'ont tenté de répondre plusieurs dirigeants girondins lors du Tech Day organisé par Bordeaux Technowest ce 27 juin. Derrière les grandes ambitions, c'est l'occasion de passer en revue les enjeux transversaux comme les initiatives locales.
Plusieurs centaines de participants et 75 startups étaient présents au Tech Day de Bordeaux Technowest ce mardi 27 juin.
Plusieurs centaines de participants et 75 startups étaient présents au Tech Day de Bordeaux Technowest ce mardi 27 juin. (Crédits : Bordeaux Technowest)

« La trajectoire nationale est connue, elle nous impose de diminuer les émissions de CO2 de l'industrie de -81 % d'ici 2050 par rapport à 2015 », a rappelé Alice-Anne Ménard, la directrice régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) de Nouvelle-Aquitaine, lors du Tech Day organisé par Bordeaux Technowest ce 27 juin à Bordeaux. Mais cela ne signifie pas qu'il sera simple d'atteindre cet objectif même si les initiatives et enveloppes budgétaires se multiplient à tous les niveaux. « On nie tous la complexité du sujet de la décarbonation de l'industrie », résume ainsi la fonctionnaire de l'Etat. « Il n'y a pas que le CO2, il y a aussi la consommation d'eau et il y a énormément d'interactions à prendre en compte entre les différents usages et les différentes ressources naturelles. »

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« Muter au risque de disparaître »

Soulignant la nécessité d'accompagner les petites et moyennes industries dans leur processus de décarbonation, Alice-Anne Ménard salue les décisions prises par les plus grands groupes tels que la cimenterie d'Airvault, dans les Deux-Sèvres, qui vise une baisse de 27 % de ses émissions carbone. D'autres grandes entreprises telles qu'ArianeGroup (Gironde) ou Safran Helicopter Engines (Pyrénées-Atlantiques) viennent également de préciser leurs plans de transition énergétique.

Un sujet également pris à bras le corps par le Grand port maritime de Bordeaux, comme l'explique très directement son directeur général Jean-Frédéric Laurent : « Plus des deux tiers de notre activité est liée au carbone, il nous faut donc impérativement muter au risque de disparaître et, avec nous, le tissu économique qui nous entoure ! » Le port a donc accéléré à la fois sur l'innovation, en créant notamment une pépinière de startups avec Bordeaux Technowest, et sur l'accueil de nouveaux procédés industriels, tels que le projet GH2 de production d'ammoniac vert ou la fabrication d'hydrogène vert. « L'enjeu à terme c'est de devenir un puits de carbone à l'échelle du territoire pour continuer à pouvoir accueillir de nouvelles activités économiques », imagine le patron du port bordelais.

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Un 2e appel à projets Technoports

Après un premier appel à projets en 2022 qui a sélectionné trois entreprises - Netcarbon, Molluscan et Gecco -, Bordeaux Technowest et le Port de Bordeaux renouvellent le programme Technoports pour identifier puis accompagner des startups en lien avec le port, le maritime et le fluvial dans les domaines suivants : décarbonation, data et jumeaux numériques, refit et retrofit et gestion des écosystèmes portuaires.

Compétitivité et compétences

« L'enjeu c'est aussi de décarboner tout le tissu industriel existant. Cela passera par trois choses : des expertises et diagnostics accessibles, de l'argent et de l'innovation [...] Sachant qu'il faudra veiller à préserver la compétitivité de l'industrie tricolore qui n'évolue pas en vase clos », observe Alexandre Le Camus, le délégué régional de l'UIMM. L'organisation patronale s'apprête d'ailleurs à signer avec Bordeaux Technowest et Unitec pour mieux accompagner les startups industrielles qui décident de produire elles-mêmes en leur facilitant l'accès à ses plateaux techniques et à ses alternants et apprenants.

Car l'innovation et les financements ne seront pas suffisants : « Encore faut-il les femmes et les hommes, les compétences, en nombre suffisant pour mettre en œuvre des transformations ! », alerte Philippe Denis, le directeur général de Bordeaux Métropole Energies et président régional de l'ATEE (Association technique énergie et environnement). Celle-ci s'apprête à déployer avec l'Ademe le dispositif Pacte qui vise à financer des formations et études dans les métiers de l'efficacité énergétique et de la décarbonation de l'industrie. Un sujet qui se pose à l'identique ou presque pour la filière aéronautique et spatiale, embraye Eric Giraud, le directeur général d'Aerospace Valley, au lendemain d'un Salon du Bourget qui a montré « qu'il y a aujourd'hui un futur pour la décarbonation de l'aéronautique en combinant les différentes solutions technologiques en fonction des distances ». Le secteur a embauché 18.000 personnes l'an dernier et vise au moins le même niveau en 2023.

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Revenant sur terre, Philippe Denis invite les industriels à se saisir du trésor énergétique à portée de main : la chaleur renouvelable : « C'est un sujet oublié mais pourtant stratégique, il faut en faire beaucoup plus sur cette ressource qui est locale que ce soit de la géothermie, de la biomasse, de l'autoconsommation ou de la chaleur solaire thermique. » Autant de problématiques qui incitent à l'optimisme Stéphane Delpeyrat, le vice-président de Bordeaux Métropole en charge de l'économie. « Il y a un virage collectif à prendre collectivement sur la décarbonation de l'industrie, de l'énergie, du bâtiment, des mobilités. Il ne faut pas opposer technologie et sobriété puisqu'on aura besoin des deux. » Mais, lucide, l'élu local sait aussi le rôle de l'État et des collectivités locales qui n'ont pas toujours pour habitude de faciliter les évolutions : « Réviser le plan local d'urbanisme intercommunal pour préserver les espaces naturels et permettre le développement économique ça prend cinq à six ans... Est-ce qu'on peut vraiment se permettre d'y consacrer cinq à six ans ? »

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Commentaires 2
à écrit le 29/06/2023 à 8:02
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Ben parce que leur but n'est pas de décarboner mais seulement de dire qu'ils vont le faire et que cette fois c'est sûr !

à écrit le 27/06/2023 à 17:53
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Et oui, on est maintenant dans l'urgence alors qu'on aurait pu se poser ces questions il y a dix ans. Maintenant, se pose la question de la qualité des choix à faire: parce que dans l'urgence, on va dépenser et faire des choix technologiques dont on ...

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