Décarbonation : comment Safran Helicopter Engines crante sa transition énergétique

2024, 2025 puis 2030. Safran Helicopter Engines déploie sa stratégie de décarbonation en combinant gestes simples de court terme et décisions plus structurantes de long terme. Aidé par des acteurs tels que la startup Metron, le leader mondial des moteurs d'hélicoptères doit encore réussir à embarquer l'ensemble de sa supply chain dans ce mouvement de fond, soit plus de 400 entreprises. Un vrai défi.
Safran Helicopter Engines emploie 2.500 salariés sur son site de 32 hectares à Bordes (Pyrénées-Atlantiques) qui abrite son siège social et ses ateliers de production.
Safran Helicopter Engines emploie 2.500 salariés sur son site de 32 hectares à Bordes (Pyrénées-Atlantiques) qui abrite son siège social et ses ateliers de production. (Crédits : Safran Helicopter Engines)

Dans le bâtiment de 5.000 m2 qui abrite les activités de montage des moteurs d'hélicoptères, à Bordes (Pyrénées-Atlantiques), 400 capteurs remontent des données en temps réel sur la température, la qualité et le débit de l'air, la consommation électrique, celle de gaz et d'eau froide ou chaude, etc. Sur les quatre sites français de Safran Helicopter Engines, ce sont plus de 25.000 données qui sont ainsi collectées simultanément. « Ce volume est à la fois une mine d'or et un problème puisqu'il est très difficile de traiter les données, d'identifier le bon facteur sur lequel agir et de comprendre les corrélations entre les paramètres », explique Bertrand Pajot, le directeur des moyens généraux de l'entreprise.

Consommer 20 % de moins en 2024 qu'en 2022

Pour y voir plus clair, le motoriste travaille notamment avec Metron, une startup française pionnière de systèmes de la gestion de l'énergie dans l'industrie. « L'objectif de notre outil est de comprendre les consommations et de transmettre la bonne information à la bonne personne au bon moment. Le suivi et les modèles prédictifs permettent d'éviter les dérives de consommation et d'incrémenter chaque nouvelle économie dans la plateforme », résume Vincent Sciandra, le CEO et co-fondateur de cette entreprise de 140 salariés qui promet à ses clients un gain de consommation de 5 % à 20 %. Chez Safran HE, qui emploie 6.000 salariés dont 2.500 salariés à Bordes, les résultats sont déjà là avec une baisse de 11 % de la consommation énergétique en 2022 par rapport à 2021 et un objectif de gagner encore 20 % en 2024 par rapport au réalisé 2022. Ce qui reviendrait à passer de 86 à 69 GWh par an au niveau mondial.

Safran Helicopter Engines

510 moteurs ont été fabriqués à Bordes par Sagran HE qui vise entre 700 et 800 unités en 2023 (crédits : Safran HE).

Une trajectoire qui passe d'abord par la généralisation de gestes simples à conditions d'être organisés, comme le détaille Bertrand Pajot : « On vise d'abord la sobriété, c'est-à-dire changer les comportements sans modifier l'infrastructure ni les moyens industriels. Concrètement, cela passe par l'étiquetage de toutes nos machines pour identifier clairement lesquelles peuvent être facilement éteintes le weekend. Cela paraît anodin mais ça ne l'est pas compte tenu de leur complexité ! » Grâce à un code couleur lisible, chaque équipe sait quelles machines peuvent être désactivées chaque weekend pour une économie estimée de 1 GWh par an.

Réduire l'empreinte carbone

« Pour réduire notre empreinte carbone, les solutions sont plurielles. Ce qui est certain c'est que c'est bon pour le territoire, bon pour la planète et bon pour notre compétitivité industrielle », a réaffirmé Cédric Goubet, le tout nouveau président du groupe qui a pris la suite de Franck Saudo, parti diriger Safran Electronics & Defense. Les émissions de CO2 des moteurs doivent ainsi fondre de 50 % d'ici 2030, pour moitié grâce à une moindre consommation et pour moitié grâce aux carburants dits durables (sustainable aoir fuels). Un vol d'essai d'un hélicoptère NH90 a ainsi été mené avec TotalEnergies, Airbus Helicopters et la DGA en février. L'un des deux moteurs RTM322 était alimenté par un carburant issu d'huiles de cuissons usagées permettant de diviser par quatre l'empreinte carbone du vol par rapport à un kérosène classique.

Mais au-delà de ses moteurs, le groupe s'est aussi fixé des objectifs structurants d'efficience énergétique, de développement des énergies renouvelables en autoconsommation et d'émancipation du gaz naturel. Au-total, Safran HE vise une baisse de 50 % de ses émissions annuelles de carbone en 2025 par rapport à 2018, soit l'équivalent de 10.500 tonnes de CO2 évitées. Cet indicateur, qui correspond aux scopes 1 et 2, c'est-à-dire les émissions directes de l'entreprise et de son activité, atteint déjà -25 % fin 2022. Mais les vraies difficultés commenceront au scope 3, celui qui couvre l'ensemble de sa chaîne d'approvisionnement.

« La décarbonation est un enjeu éminemment stratégique en termes de compétitivité face à la concurrence, c'est un motif clair de satisfaction client. Mais notre supply chain pèse près de la moitié de notre empreinte carbone totale sur les trois scopes. Nous avons donc l'obligation d'embarquer tout le monde dans notre trajectoire », évalue Frédéric Bugeon, le directeur de la stratégie.

400 entreprises concernées

Et la tâche n'est pas mince puisqu'on parle de plus de 400 entreprises de toutes tailles et disposant de moyens variables pour financer leur transition. D'autant que Safran table sur une production qui repart très fortement à la hausse en passant de 510 moteurs fabriqués en 2022 à près de 800 en 2023, entraînant le recrutement de 400 CDI.

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Dans un premier temps, Safran HE entend cibler la centaine de fournisseurs les plus émetteurs en faisant, notamment, œuvre de pédagogie et d'accompagnement. Et c'est aussi pour répondre à ce type de problématiques et séduire de nouveaux clients que Metron a lancé « Decarb Fast Track ». Ce programme promotionnel propose à 100 entreprises industrielles, dont une moitié de françaises, de déployer la plateforme pendant 24 mois pour 10.000 euros contre près de 70.000 euros habituellement. « On veut démontrer concrètement notre savoir faire tout en étant accessible à des entreprises de taille plus modeste avec l'objectif d'économiser 100.000 tonnes de CO2 en deux ans », précise Vincent Sciandra. Cette réduction de -85 % est financée par deux partenaires de Metron - Dalkia et Amazon Web Services - ainsi que par la BNP, qui est actionnaire de la startup depuis 2018.

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Commentaires 2
à écrit le 11/04/2023 à 15:22
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Tout ceci n'est QUE du Bullshit Marketing ! Ce n'est pas en contraignant des sous-traitants qui vont simplement payer des droits carbone et revenir avec leur brevet de bon élève que vous faite de la vraie décarbonation !!! ( De plus si c'est pour pay...

à écrit le 11/04/2023 à 9:23
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C'est bien de décarboner les hélicoptères. Ce serait encore mieux si ces hélicoptères étaient plus souvent en état de voler : ça commence à faire beaucoup de gouvernements qui ne veulent plus du Tigre ou du NH 90, et pour de bonnes raisons apparemmen...

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