Avec un four à oxygène, les bouteilles d'OI-Glass à l'épreuve de la décarbonation

REPORTAGE. À l'image d'une industrie au lourd impact environnemental mais en transition, la verrerie d'OI-Glass en Gironde décarbone son processus de fabrication. Le nouveau four, gourmand en énergie mais en partie affranchi du combustible fossile, représente un investissement de 50 millions d'euros qui ne sera pas rentable avant une vingtaine d'années.
400 millions de bouteilles sortent de l'usine de Vayres chaque année.
400 millions de bouteilles sortent de l'usine de Vayres chaque année. (Crédits : Agence APPA)

Le verre est-il « plus pertinent que jamais » comme les fabricants aiment le dire dans le contexte de transition industrielle ? Malgré un procédé énergivore et émetteur de rejets polluants, cette matière veut prendre le virage de la décarbonation. Comme s'apprête à le faire Verallia sur son site cognaçais, le groupe américain OI-Glass renouvelle ses fours avec de nouvelles technologies moins gourmandes en énergie. C'est le cas de son usine girondine basée à Vayres qui a mis en service fin mars son premier four fonctionnant à 90 % avec de l'oxygène liquide et le reste au gaz. « Le quatrième du type pour OI-Glass dans le monde », évoque Thibaut Guichard, directeur du site, alors que le groupe est présent dans 19 pays en Amérique, Europe et Asie.

Lire aussiBouteilles en verre : la timide transition verte de l'usine girondine d'O-I Glass en trois questions

Si la transformation ne saute pas aux yeux du simple visiteur, l'usine, rachetée en 2004 au groupe BSN GlassPack, a bien adopté un nouveau visage. La nouvelle infrastructure a engendré la reconstruction du four, l'édification d'une tour de calcin - verre recyclé désormais réchauffé par un procédé de récupération de la chaleur - et l'aménagement d'une unité de production d'oxygène liquéfié. Cette dernière est classée Seveso seuil bas alors que le reste du site conserve son marquage ICPE (Installations classées protection de l'environnement). Les travaux de construction ont duré un peu plus de quatre mois. Une période où la capacité de production de l'usine a été divisée par deux alors que la demande des vignobles était particulièrement forte.

« On a privilégié l'environnement aux conditions de travail »

Sous les toits de tôle qui abritent les bunkers de verre en fusion, dont l'un tourne toujours au fioul et au gaz, et six lignes de production, la chaleur règne. Ici, 280 salariés œuvrent à la fabrication de 400 millions de bouteilles par an destinées en majorité aux vins de Bordeaux. Le four à oxygène et ses structures attenantes ont représenté un investissement global de 50 millions d'euros. Avec ce montant record pour le site, le groupe américain met le paquet puisqu'il a des objectifs à tenir : le verrier ambitionne de réduire ses émissions de 25 % d'ici 2030, sans diminuer son niveau de production, ni le grammage des bouteilles. Les plus légères pèsent 410 grammes et des essais à 390 grammes se sont révélés infructueux.

Lire aussiEn Auvergne, l'américain O-I Glass modernise sa verrerie et se donne un atout face à la hausse de l'énergie

Mais les ouvriers du site n'ont pas vraiment le sentiment d'être embarqués dans cette transition verte. « On a privilégié l'environnement aux conditions de travail des salariés », pointe Thierry Allemand, délégué syndical Force Ouvrière. « L'atmosphère est toujours très chaude, quand on s'approche des machines pour faire des opérations de maintenance, on est exposé à des températures proches de 100 degrés. » Le syndicaliste se satisfait tout de même de l'arrivée du nouveau four et d'un accord conclu avec la direction pour avoir une personne de plus par équipe durant les trois mois estivaux où les chaleurs sont extrêmes afin d'alléger l'exposition des techniciens. Et reconnaît aussi, 33 ans après son arrivée : « Les conditions de travail se sont améliorées, mais ce sera toujours un métier difficile. »

Le vignoble bordelais en crise, mais pas de crainte

Si le mercure ne baisse pas, les économies d'énergie oui. Elles pourraient atteindre 20 % avec le nouveau four. « Mais l'investissement ne sera rentable qu'à partir de la deuxième campagne de fours à oxygène, c'est-à-dire vers 2040 quand il aura atteint sa durée de vie et qu'il faudra le reconstruire », explique Thibaut Guichard. Le coût de la reconstruction tombera alors à 20 millions d'euros puisque la tour à calcin et la plateforme d'oxygène liquéfié seront maintenues. Le nouvel outil de production tombe en tout cas à pic pour le verrier, après une année de flambée des coûts énergétiques où le montant des factures a pu grimper de plus de 30 %. « Une partie a été répercutée sur le prix des bouteilles mais pas l'intégralité. »

Les conditions du marché pourraient encore se tendre avec le plan d'arrachage désormais acté dans le Bordelais, qui va brutalement réduire le volume de production de l'ordre de 8 %. Pour le site d'OI-Glass à Vayres, cette crise viticole locale ne s'annonce pas impactante tant les autres vignobles sont prospères. « Même s'il y a des arrachages, ce sont des marchés que l'on pourra gagner dans d'autres vignobles. Il n'y aura pas de perte de production. Nos clients ont des démarches RSE, ils ont envie que les bouteilles soient locales », réplique le directeur, sans s'inquiéter de la concurrence étrangère. Pour l'instant, 80 % des bouteilles produites sont livrées dans un rayon de 100 kilomètres.

La décarbonation du secteur ne tient pas qu'aux engagements des industriels ou aux évolutions du marché. Le verre doit aussi être accompagné par la puissance publique notamment pour organiser de façon plus optimale la collecte du verre, en le triant par couleur par exemple, ou pourquoi pas en appliquant le principe de consignation des emballages comme le fait l'Allemagne. Le mois dernier, le gouvernement a ouvert la voie en incitant une dizaine d'industriels à développer une gamme de contenants consignés, dont OI-Glass avec son usine du Puy-de-Dôme.

Lire aussiRéemploi : Bout' à Bout' construit la plus grande usine de lavage de bouteilles en verre

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.