Le marché des vignes et des maisons à la campagne dégringole en Nouvelle-Aquitaine

Les difficultés des vignobles bordelais et cognaçais et la hausse des taux d'intérêt plombent les marchés fonciers ruraux de Nouvelle-Aquitaine, selon le bilan annuel de la Safer. Mais les terres agricoles aiguisent en revanche l'appétit des opérateurs solaires pour y développer des projets en agrivoltaïsme.
Les prix des parcelles de vignes sont en baisse dans 77 % des 26 appellations du vignoble bordelais. Seules les vignes des bordeaux blanc sont en légère hausse.
Les prix des parcelles de vignes sont en baisse dans 77 % des 26 appellations du vignoble bordelais. Seules les vignes des bordeaux blanc sont en légère hausse. (Crédits : Appa)

« Nous observons une chute de l'activité sur les marchés fonciers ruraux après les hausses enregistrées en post-Covid. La tendance régionale est parfaitement alignée avec la dynamique nationale », cadre Fabien Joffre, le président de la Safer (Société d'aménagement foncier et d'établissement rural) de Nouvelle-Aquitaine. Selon le bilan annuel présenté ce 20 juin, seulement 55.000 transactions ont été effectuées l'an dernier, soit un repli de -12 % sur un an, tandis que les surfaces échangées sont tombées à 131.000 hectares (-8 %) et que la valeur totale a chuté de -21 % pour atteindre 5,4 milliards d'euros contre 7,3 milliards lors du pic de 2021.

« Cette tendance à la baisse se poursuit au premier trimestre 2024 mais il faut relativiser en rappelant que l'on retrouve globalement le niveau d'activité d'avant la crise sanitaire », précise le président. Sur la plupart des segments - vignes, maisons, agriculture et urbanisation - l'euphorie de 2020 et 2021 a en effet laissé la place à la dépression. Seule la forêt tire son épingle du jeu.

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Les marchés viticoles se réajustent

Malgré une bonne dynamique dans le nord de la région, le marché exclusivement agricole retombe à son niveau de 2020 avec trois indicateurs à la baisse : nombre de transactions (-7 %), surfaces échangées (-7 %) et valeur totale (-12 %). Du côté du foncier viticole, l'activité est logiquement plombée par la mauvaise santé du vignoble bordelais ayant mené à un premier plan d'arrachage de 8.000 hectares mais aussi par le retournement de l'activité du cognac qui fait face à une baisse d'un quart de ses exportations et se pose des questions de surproduction. Cependant, malgré des transactions (-19 % à 1.200 ventes) et des surfaces (-21 % à 3.600 ha) en forte baisse, la valeur totale des biens échangés a bondi de +27 % l'an dernier !

« Cette tendance contre intuitive est liée à de grosses opérations à plus d'un million d'euros sur des parcelles à fort potentiel disposant de bâti très valorisé, analyse Fabien Joffre. Cela confirme en réalité une viticulture à deux vitesses, en particulier à Bordeaux, avec 10 % à 15 % d'exploitations de prestige qui continuent à bien fonctionner et l'essentiel du marché qui se contracte et s'effondre... »

Safer Nouvelle-Aquitaine vignes 2023

(Cliquez sur l'image pour l'agrandir) Le détail de l'évolution par appellation confirme en effet ce diagnostic de « vignoble à deux vitesses » puisque 77 % des 26 appellations sont en baisse et qu'il y a un monde d'écart entre les 9.000 euros pour un hectare de Bordeaux rouge et les trois millions d'euros payés pour un hectare de Pauillac (crédits : Safer Nouvelle-Aquitaine).

Et ce mouvement à la baisse devrait vraisemblablement se poursuivre même si cela dépendra aussi de l'évolution des taux d'intérêt et de facteurs géopolitiques externes pour le Cognac. « À Bordeaux, le marché a acté une baisse de la valeur des vignes et on voit de nouveaux acteurs se positionner. Du côté de Libourne, Saint-Emilion et dans le Médoc, on est encore dans une phase d'ajustement tandis qu'à Cognac le marché est en train de s'arrêter », ajoute la Safer.

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Effondrement des maisons rurales

Finis les rêves de verdure et de ruralité nés du confinement. Le marché des maisons à la campagne, qui avait déjà décroché de -15 % en 2022, subit un violent réajustement en perdant un quart de son volume de transactions, de ses surfaces et de sa valeur pour atterrir à 3,1 milliards d'euros. Comme pour le reste du marché immobilier, l'explication se trouve dans la hausse des taux d'intérêt et dans une forme de remise à niveau après la flambée de 2020 et 2021. Charente-Maritime, Dordogne, Lot-et-Garonne et Pyrénées-Atlantiques sont particulièrement touchés avec des replis qui frôlent les -30 %.

Finalement, le marché qui résiste le mieux est celui des parcelles forestières avec une légère baisse en volume (-4 %) et en surface (-3 %) mais une progression en valeur (+ 6 %) à 263 millions d'euros. « On reste sur des niveaux élevés avec un marché porté par les besoins de compensation d'émissions carbone et de biodiversité. Rien que pour la LGV vers Toulouse et Dax, il faudra trouver 7.000 hectares de surfaces naturelles pour compenser les destructions d'espaces agricoles, naturels et forestiers sur le tracé », précise la Safer.

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L'agrivoltaïsme suscite toutes les convoitises

Enfin, avec seulement 1.500 hectares urbanisés en 2023, la consommation de foncier rural poursuit sa baisse régulière et a atteint son plus bas niveau depuis plus de vingt ans. Mais, dans le même temps, avec la publication du très attendu décret encadrant l'agrivoltaïsme au printemps dernier, la Safer confirme l'appétit vorace des développeurs et autres énergéticiens pour les parcelles agricoles alors que la Nouvelle-Aquitaine est déjà loin devant les autres régions française tant en termes de puissance solaire installée (4,5 GW), que de dynamique de raccordement de nouvelles centrales (+590 MW) et de production d'électricité solaire (5,4 GWh).

L'enjeu ? Combiner sur une même parcelle une activité agricole, qui doit rester primordiale, et la production d'électricité photovoltaïque. Face aux démarchages qui se multiplient - « on entend parler de prix très variables allant de 2.000 à 13.000 euros à l'hectare qui nourrissent les convoitises », glisse Fabien Joffre -, la Safer souhaite bloquer les projets alibi où l'agriculture n'est qu'un prétexte. Elle est ainsi intervenue à cinq reprises en préemption pour empêcher des projets agrivoltaïques. À l'inverse, un projet jugé pertinent a été activement accompagné par la Safer en Dordogne.

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Commentaires 3
à écrit le 21/06/2024 à 21:07
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et bientôt le dérèglement climatique fera son œuvre en France le bordelais sera pris dans la tourmente comme le reste

le 23/06/2024 à 10:16
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L'Aquitaine est bien située géographiquement pour résister, entre les vents océaniques et le massif central et les Pyrénées. Ensuite c’est le monde entier qui est perturbé. En Dordogne nous avons des traces constantes de vies depuis 50000 ans, si les...

à écrit le 21/06/2024 à 10:08
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"Finis les rêves de verdure et de ruralité nés du confinement." Fini je ne sais pas Bordeaux a quand même sacrément pâti d'une forte augmentation des prix du logement mais il est vrai que l'invasion annoncée n'a pas eu lieu, nombreux ici à la campagn...

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