« Bassines » : en Charente-Maritime, la justice valide les réserves agricoles

La voie s'ouvre pour les réserves d'eau agricoles au nord de la Charente-Maritime. Après les adaptations des irrigants, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé la légalité d'une vingtaine d'ouvrages à construire, allant contre l'avis du tribunal administratif.
Maxime Giraudeau
(Crédits : DR)

Une victoire pour les agriculteurs irrigants. La cour administrative d'appel de Bordeaux valide la construction de 19 réserves d'eau à usage agricole sur le bassin de la Boutonne au nord de la Charente-Maritime. Par son avis du 28 mai, la juridiction annule le jugement du tribunal administratif de Poitiers, prononcé en 2021, qui suspendait le projet au motif des lacunes environnementales et hydrologiques du dossier.

Suivant les préconisations du rapporteur public exposées en audience le 7 mai dernier, la cour a rejeté une à une les demandes des associations à l'origine du recours (Nature Environnement 17, SOS Rivières et Environnement ainsi que la Ligue de protection des Oiseaux). Et estime que le dossier porté par le Syres 17, le Syndicat mixte des réserves de substitution de la Charente-Maritime qui associe le conseil départemental aux agriculteurs, est complet.

« Compte tenu des enjeux identifiés et des mesures d'évitement et de réduction retenues par le pétitionnaire, dont l'Autorité environnementale a souligné la complétude, il ne résulte pas de l'instruction que le projet en litige présente un risque suffisamment caractérisé de destruction d'individus ou d'habitats sensibles », indique la cour dans son jugement.

Peu d'impacts sur l'eau et la biodiversité

L'impact sur la ressource en eau serait lui aussi maîtrisé. « [Le syndicat] a prévu la mise en œuvre d'un protocole de suivi du fonctionnement hydrologique aux fins « d'améliorer la connaissance et de reconsidérer la gestion » dès la première année avec un bilan au bout d'un, deux, trois, cinq et dix ans, permettant ainsi d'adapter le projet aux évolutions climatiques et à leurs effets sur la ressource en eau. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que l'étude d'impact serait insuffisante ou erronée s'agissant des tests de rabattement de nappe », lit-on.

Lire aussiLes éoliennes empêtrées dans le jeu du mât et de la chauve-souris

Les associations pointaient aussi un non-respect de la séquence éviter-réduire-compenser, des atteintes manifestes à l'outarde canepetière (une espèce protégée et quasi menacée d'extinction) et une campagne de tests hydrologiques limitée à quelques mois et sur dix forages alors que le projet en compte 62. Autant de points que la juridiction a écarté en citant les nouveaux travaux produits par le porteur de projet et en démontrant de sa compatibilité avec le schéma régional de gestion des eaux sur le bassin Adour-Garonne.

« Un point nous pose toujours problème : l'arrêté autorise le remplissage des réserves jusqu'à l'absence d'écoulement dans les rivières. C'est incompatible avec la préservation du milieu piscicole », regrette Marie Bomare, responsable de la cellule juridique de Nature Environnement 17.

Fin de partie en Conseil d'État

Cette décision ouvre ainsi la voie à la construction des tous premiers ouvrages du Syres 17, presque dix après sa création. Et montre à quel point les structures qui souhaitent développer l'irrigation à grande échelle doivent se professionnaliser et renforcer leur dossier pour parvenir à leurs fins. Le syndicat a tout de même dû abandonner la construction de trois ouvrages et diminuer son volume de prélèvements souhaité, tout en poursuivant l'objectif d'alimenter 67 exploitants agricoles.

Une adaptation d'autant plus pressante qu'il s'agit pour le Syres 17 d'éviter de connaître les mêmes déboires que l'association syndicale des roches. Le fonctionnement des réserves de cette structure sur le bassin du Mignon a été déclaré illégal par le Conseil d'État en février 2023. Les associations requérantes contre le Syres 17 ont deux mois pour poursuivre leur recours en Conseil d'État et n'ont pas encore pris leur décision, indique Nature Environnement 17 à La Tribune.

De leur côté, l'agence de l'eau Adour-Garonne et le comité de bassin disent prendre acte de la décision. Ceux-ci « seront vigilants aux modalités de mise en œuvre de ces ouvrages, en particulier sur la trajectoire de transition agroécologique des agriculteurs en bénéficiant », écrivent les agences associées à l'encadrement du projet.

Lire aussiLittoral, partage de l'eau : « Le juge administratif va devoir rendre des décisions très difficiles »

Maxime Giraudeau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 29/05/2024 à 11:15
Signaler
La compromission a encore gagné et la France elle perd.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.