« Bassines » : les irrigants de Charente-Maritime auraient-ils trouvé la clé pour leurs réserves ?

Vingt ans après les premières réflexions, les agriculteurs attendent toujours leurs réserves d'eau au nord de la Charente-Maritime. Lors d'une audience de la cour administrative d'appel de Bordeaux, le rapporteur public est allé dans leur sens en demandant l'autorisation d'ouvrages dont les dimensions ont été revues à la baisse. Mais la biodiversité et le changement climatique pourraient encore les empêcher.
Maxime Giraudeau
Les projets de réserves de substitution, appelés mégabassines, sont tous ciblés par des recours juridiques en Poitou-Charentes.
Les projets de réserves de substitution, appelés mégabassines, sont tous ciblés par des recours juridiques en Poitou-Charentes. (Crédits : DR)

Dans le hall de la cour administrative d'appel de Bordeaux, deux agriculteurs comptent les années. Cela fait bientôt dix ans qu'ils participent aux discussions au sein du Syndicat mixte des réserves de substitution de la Charente-Maritime (Syres). Et plus encore qu'ils réfléchissent à comment bâtir de tels ouvrages, aussi appelés « mégabassines » par leurs opposants. Ce 7 mai, le rapporteur public de la juridiction vient de leur donner un peu d'espoir en présentant des conclusions favorables à leur dossier.

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Le magistrat va ainsi à l'encontre de la décision du tribunal administratif de Poitiers qui, en février 2021, avait prononcé l'annulation des arrêtés préfectoraux autorisant la construction de 22 réserves de substitution destinées à l'irrigation agricole sur le bassin de la Boutonne. Un projet porté par le Syres, représenté par le département de la Charente-Maritime et des associations d'irrigants, qui visait à prélever près de 6 millions de m3 d'eau par an.

La justice avait alors pointé le surdimensionnement des ouvrages incompatible avec le schéma local de gestion de l'eau et des impacts notables sur l'avifaune, notamment l'outarde canepetière, une espèce des champs et menacée. Le Syres n'étudiait par ailleurs les conséquences des réserves que sur une unique année de référence. « Fallait-il une vision prospective sur dix ans puisqu'il y a une urgence climatique ?, interroge le rapporteur public. Il faut que l'étude puisse porter sur une période longue pour prendre en compte l'évolution du milieu naturel, et non sur une année isolée. »

Un syndicat sans réserve

Depuis, le syndicat mixte a remanié son dossier en passant à 5,1 millions de m3 de prélèvements annuels et élargi son périmètre temporel d'étude pour non plus 22 mais 19 réserves. « L'étude d'impact mentionne que l'adaptation au changement climatique passera par l'ajustement des périodes et des modalités de remplissage. Le suivi hydrogéologique proposé doit justement permettre de suivre les évolutions climatiques. Cette volonté d'adaptation du projet est extrêmement importante, observe le rapporteur public. Il est possible qu'elles ne puissent pas être remplies mais cela n'empêche qu'elles soient dimensionnées comme tel », termine-t-il en suscitant la surprise. La cour rendra sa décision, en suivant ou pas les conclusions du rapporteur public, à partir du 28 mai.

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Ces premières remarques montrent en tout cas que le Syres veut apprendre de ses erreurs. Le tribunal administratif de Poitiers en 2020 puis la cour administrative d'appel de Bordeaux en 2023 avaient successivement suspendu les autorisations de construction de six autres bassines au nord du département. Les réserves n'étaient tout simplement pas compatibles avec les politiques locales de gestion de l'eau. Des projets morts dans l'œuf et une méthode inadaptée qu'a relevé la chambre régionale des comptes en 2023.

« Après plusieurs projets de réserves des années 1990 et 2000 n'ayant pas abouti, le SYRES 17 a pour principal objet la gestion de réserves de substitution. [...] Aucun des projets que le syndicat porte n'a cependant été mis en œuvre à ce jour, laissant sans réponse les problèmes de ressource en eau que sa création visait à résoudre », indique-t-elle dans son rapport du 11 janvier 2023.

Le climat pas considéré

Un destin inabouti dû aux procédures juridiques initiées par les associations environnementales locales. Nature Environnement 17 et la Ligue de protection des oiseaux notamment mènent depuis plusieurs années un combat sur le front juridique dans lequel elles ont obtenu à plusieurs reprises la déclaration d'illégalité d'infrastructures existantes ou la suspension des projets. Les collectifs poussent les irrigants à revoir leurs méthodes, en lien avec les conséquences du changement climatique et les impacts sur la biodiversité. Mais jugent les modifications insuffisantes.

« On a une relation très étroite entre les nappes phréatiques et les cours d'eau et quand on atteint un niveau de prélèvement dans la nappe, on met le cours d'eau à sec. Or les prélèvements sont conditionnés à des niveaux d'eau de la rivière principale mais pas selon les niveaux des différents affluents qui apportent de l'eau pourtant indispensable pour les espèces piscicoles », dénonce Patrick Picaud, vice-président de Nature Environnement 17.

Les défenseurs de l'environnement regrettent un cadre législatif qui n'a pas évolué face à l'impératif climatique. « De manière générale, il y a une non considération du réchauffement climatique car le code de l'environnement n'oblige pas à prendre en compte ses effets », pointe à La Tribune Marie Bomare, juriste de l'association.

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Audience à venir

De son côté, la présidente du Syres se dit satisfaite des conclusions du rapporteur public qui soulignent un travail d'adaptation important. « Quand on voit comment sont jugées certaines affaires, on essaye de faire en sorte que notre dossier soit traité différemment. On a besoin d'avoir cette attention au changement climatique mais il vaut mieux prévoir un contenant important plutôt que d'avoir des petites réserves sur un volume faible. Ça me paraît assez futuriste comme façon d'aborder la question », opine François De Roffignac, par ailleurs vice-présidente du département de la Charente-Maritime.

Les parties attendent désormais la décision de la cour. Tout comme un autre syndicat d'irrigants, la Coop de l'eau, attend son audience devant la juridiction bordelaise. Le collectif d'agriculteurs fait construire dans le sud des Deux-Sèvres 16 réserves légales mais sous le coup d'un recours. Il doit faire l'objet d'une audience dans les mois qui viennent, avec les mêmes associations requérantes. En mars 2023, l'une des réserves en chantier, à Sainte-Soline, avait été le théâtre de violents affrontements entre manifestants et forces de police, l'érigeant en symbole de la guerre de l'eau.

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Maxime Giraudeau

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Commentaires 8
à écrit le 08/05/2024 à 10:04
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Les nappes phréatiques ne doivent pas servir à remplir ces bassines, déjà celles-ci sont souvent trop exploitées et peuvent conduire à un affaissement des sols ou une salinisation de l'eau par l'introduction d'eau de mer dans ces nappes, ce qui est d...

le 09/05/2024 à 17:48
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A l'inverse les céréaliers qui assèchent le marais poitevin condamnent les ostréiculteurs de Charente maritime. Les huitres ont besoin d'eau douce. Eh oui!

à écrit le 08/05/2024 à 7:41
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La barbarie agro-industrielle, toujours plus d'eau, toujours plus de poisons.

le 08/05/2024 à 9:32
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On pourrait peut-être demander aux Agriculteurs de ne cultiver que des cactus dont les besoins en eau sont très faibles. Problème : à part faire de la tekila ils ne servent pas à grand chose !!

le 08/05/2024 à 9:49
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C'est parce que j'ai demandé que vous ne nous imposiez pas votre humour en plus de vos poisons que tu me fais cette sortie de route ? C'est pas votre truc les gars, vous n'êtes définitivement pas des marrants, concentrez vous à nous empoisonner qu'on...

le 08/05/2024 à 10:02
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Tu aimes le poison donc, c'est bien, c'est bizarre mais c'est bien... enfin je pense tant que ya que toi qui en consomme aucun problème en tout cas.

le 09/05/2024 à 17:53
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J'ai des cactus (une grosse centaine) sur ma terrasse (40 km ouest de Paris). Malheureusement, il a trop plus depuis 3 mois: ils sont en train de pourrir.

le 09/05/2024 à 17:53
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J'ai des cactus (une grosse centaine) sur ma terrasse (40 km ouest de Paris). Malheureusement, il a trop plu depuis 3 mois: ils sont en train de pourrir.

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