Gestion de l'eau : sobriété et réutilisation des eaux usées au menu en Nouvelle-Aquitaine

Lors de son intervention sur l'épineux dossier de la gestion de l'eau, le président de la République a notamment mis l'accent sur la nécessaire montée en puissance de la réutilisation des eaux usées traitées. Un sujet désormais au cœur de la lutte contre la sécheresse, tout comme la sobriété et la chasse aux fuites, à Guéret comme à Bordeaux Métropole.
Des stations d'épuration au centre de la réutilisation des eaux usées.
Des stations d'épuration au centre de la réutilisation des eaux usées. (Crédits : Shutterstock)

En ce début avril 2023, la Creuse est l'un des deux départements de Nouvelle-Aquitaine, avec la Corrèze, placé en état de vigilance pour le risque de sécheresse. Ce niveau de mobilisation, qui précède celui de la mise en alerte, se traduit par une « information et incitation des particuliers et des professionnels à faire des économies d'eau ». Contrairement à d'autres territoires, le Grand Guéret ne peut compter que sur les cours d'eau ou certains lacs pour faire face à la sécheresse.

« Ici le sol est tellement granitique que le BRGM nous a expliqué qu'il ne fallait pas penser à forer, ce serait dépenser beaucoup d'argent pour rien ! L'an dernier nous avons frôlé la pénurie d'eau et certaines des communes de l'agglomération ont dû être ravitaillées avec des bouteilles. Cette année c'est pire. Le niveau de production des captages à Guéret est passé au-dessous de 2.000 m3/jour alors qu'il était à près de 3.300 m3/jour en juillet dernier ! Nous allons devoir aller pomper dans la rivière et puis il faudra encore avoir recours aux bouteilles. Soit un coût de 3.000 à 4.000 euros par jour pour l'agglomération ! » déclare à La Tribune Eric Correia (PRG), le président du Grand Guéret (25 communes pour 30.000 habitants).

Ce dernier réclame la création d'un syndicat mixte unique à l'échelle du territoire départemental pour assurer la gestion de l'eau potable et veut que Guéret puisse prélever de l'eau dans la Creuse, qui passe non loin du chef lieu du département.

Lire aussiFaut-il créer un « Parlement de l'eau » pour allouer la ressource en Gironde ?

Une tarification pour que l'eau puisse payer l'eau

Contacté juste après l'intervention d'Emmanuel Macron sur la question de l'eau, Eric Correia précise que la collectivité qu'il dirige applique déjà plusieurs des mesures annoncées :

« Nous avons par exemple déjà modifié notre grille tarifaire, parce qu'il faut que l'eau paie l'eau. Nous procédons à une augmentation solidaire des prix planifiée sur huit ans », éclaire-t-il, avec des tarifs qui augmentent plus vite que les volumes une fois passés certains seuils de consommation.

Le Grand Guéret s'est équipé depuis une quinzaine d'années d'un bassin de récupération des eaux de pluie d'un volume de 8.000 m3 situé dans la zone industrielle. Les entreprises mais aussi les agriculteurs peuvent s'en servir par le biais de bornes spécialement installées dans ce but.

La réutilisation des eaux usées traitées : un nouveau cap

Et il est plus que probable que les eaux traitées de la station d'épuration de Guéret, qui représentent un volume de 300 m3/jour, finissent elles aussi par être mises à contribution dans le cadre de la réutilisation des eaux usées traitées (Réut).

« Nous pensons aussi à la récupération de ces eaux usées traitées pour nettoyer les stades, la voirie, etc. Emmanuel Macron a annoncé un allègement de la réglementation dans ce domaine et pour une fois que ça change dans le bon sens c'est une bonne nouvelle », confirme Eric Correia.

Ce dernier est néanmoins convaincu qu'il ne pourra pas rétablir la situation sans aller pomper de l'eau dans la Creuse. En attendant, Eric Correia compte beaucoup communiquer sur la sobriété.

« La baisse de la consommation est le premier levier à activer. Ce que nous allons faire avec l'aide de l'agence de bassin Loire Bretagne, dont nous dépendons », souligne l'élu.

Lire aussiSécheresse : l'alerte rouge est déclenchée pour l'été 2023 sur le bassin Adour Garonne

Sylvie Cassou-Schotte Régie de l'eau

Sylvie Cassou-Schotte (Agence Appa)

3 à 4 millions de mètres cubes à économiser à la douche

Mis en avant par le président de la République ce recours à la sobriété est aussi un impératif pour Sylvie Cassou-Schotte, la présidente de la Régie de l'eau de Bordeaux Métropole.

« Comme nous anticipons une dégradation de la situation, nous allons inciter les habitants de la Métropole à la sobriété. Avec une campagne de communication axée sur les écogestes. Si chaque habitant de la Métropole arrivait à passer une minute de moins sous la douche, cela permettrait d'économiser 3 à 4 millions de mètres cubes d'eau par an ! », déroule cette dernière.

Mais en activant la carte de la sobriété, les gestionnaires des services d'adduction d'eau ne peuvent pas faire l'impasse sur le rendement de leurs installations. Un indicateur clé qui établit le ratio des prélèvements par rapport à la consommation. Qui dit quelle quantité d'eau potable injectée dans le réseau est finalement arrivée à destination du consommateur, et celle qui s'est perdue dans les fuites : la somme des deux équivaut au total des prélèvements.

Lire aussiManque d'eau : la réutilisation des eaux usées est devenue une priorité

Le très bon classement de la Régie de l'eau

Vice-présidente de Bordeaux Métropole (EELV) en charge de l'eau et de l'assainissement, Sylvie Cassou-Schotte préside la Régie de l'eau de Bordeaux Métropole, qui a vu le jour le 1er janvier 2023 après une trentaine d'année en délégation de service public assurée par Suez. La Régie couvre 23 des 28 communes de la métropole : à l'exception des quatre du Syndicat d'alimentation de Carbon-Blanc (Bassens, Ambarès-et-Lagrave, Carbon-Blanc, Artigues-près-Bordeaux), sur la rive droite, et, à l'opposé (rive gauche/ouest), de Martignas-sur-Jalle.

« La Régie a 3.200 km de canalisations à renouveler, c'est un gros chantier. Nous allons essayer d'être les plus performants possible. Nous sommes déjà très bien classés, avec un rendement de 85 % ! Qui signifie que 85 litres d'eau potable sur 100 arrivent à destination. Nous visons un taux de 90 % dans les dix ans qui viennent", déroule l'élue, qui ne cache pas qu'en la matière les gains sont longs et coûteux à obtenir.

Fuites d'eau : l'équivalent d'une grande ville

Pour rappel, le Smegreg comptabilise en Gironde des prélèvements annuels de 120 millions de mètres cubes (Mm3) d'eau pour l'alimentation humaine et de 100 Mm3 pour l'agriculture. Dans son enquête, la Chambre régionale des comptes (CRC) de Nouvelle-Aquitaine (sur la base des chiffres du syndicat mixte) comptabilise de 2011 à 2019 un niveau de prélèvement (toutes consommations plus fuites) pour l'alimentation en eau potable de 80 m3 par personne en Gironde.

Moyenne qui, s'empresse-t-on de préciser au Smegreg, agrège des volumes qui ne sont pas comptabilisés au final dans la consommation humaine.

"Sont comptés dans ces prélèvements d'eau pour l'alimentation humaine des volumes qui sont en réalité utilisés par les collectivités, pour remplir les piscines ou bien assurer l'arrosage des voies du tramway à Bordeaux par exemple et que nous ne retenons pas", explique-t-on au syndicat mixte.

De même, une autre partie de l'eau prélevée au titre de l'alimentation humaine sert au lavage des carottes cultivées en sud Gironde ou à l'activité vitivinicole, sans pour autant figurer dans la colonne agriculture

"Toutes consommations confondues, les pertes sont en réalité de l'ordre de 22 m3 par personne en Gironde", recadre-t-on au Smegreg.

Ce qui représente (multiplié par 1.493.978 d'habitants) un volume perdu proche de 33 Mm3 par an. Sur la base d'une consommation moyenne de 55 m3 par habitant en France et par an (Services eau France), ce volume perdu équivaut ainsi à l'alimentation d'une ville d'un peu plus de 600.000 habitants.

Paramètre important à prendre en compte : c'est dans la zone quasiment la moins peuplée de Gironde, celle du Littoral, qui va de la pointe du Médoc au sud du bassin d'Arcachon que les prélèvements d'eau par personne sont les plus élevés en 2019. Alors que les prélèvements dans la zone centre du département, où la densité de population est maximale, sont beaucoup plus faibles. Écart qui s'explique par l'énorme pression que provoque la fréquentation touristique sur la côte girondine l'été.

Lire aussiPlan eau : « les solutions doivent être territoriales » (Christian Doddoli)

Le Corrézien UV Germi équipe Disneyland Paris

Pour réussir le pari de la réutilisation des eaux usées traitées, l'État devra reformater un cahier des charges réglementaire très serré qui ne facilitait pas jusqu'ici la mise en œuvre de la Reut, pour des raisons de sécurité sanitaire. L'entreprise corrézienne UV Germi, spécialiste de la purification de l'eau par les rayons ultraviolets contenus dans la lumière, y travaille déjà pour de nombreux grands comptes.

« Nous équipons en particulier la station d'épuration de Disneyland Paris, qui s'est doté du matériel nécessaire pour pouvoir réutiliser les eaux usées traitées. Le site a construit une station d'épuration qui combine un traitement classique complété par une filtration sur membranes, une désinfection par lampes UV et un traitement biologique par boues activées. Une fois traitée, cette eau est utilisée pour nettoyer les voiries, irriguer les massifs floraux et le golf, alimenter les pièces d'eaux artificielles... », éclaire en substance pour La Tribune Willy Fortunato, directeur général d'UV Germi.

Lire aussiGestion de l'eau : ces entreprises qui innovent pour valoriser les eaux usées

Veolia Eau sur la brèche de la Reut dans le Sud-Ouest

UV Germi travaille avec de nombreuses collectivités mais aussi avec de grands groupes. C'est le cas depuis plusieurs mois concernant la Reut avec le géant de l'eau et de l'assainissement Veolia. Comme le rappelle Jan Klasinski, directeur de Veolia Eau pour le Sud-Ouest, dont le siège est à Toulouse, le groupe a identifié un risque hydrique en France début 2022 sur la base des données de l'Agence de l'eau Adour Garonne et du BRGM. D'où la décision d'intensifier la communication vers les consommateurs sur le thème de la sobriété et de développer les unités de purification nécessaires pour la réutilisation des eaux usées traitées.

« Nous nous sommes engagés en annonçant que nous allions déployer plus de 100 unités de traitement des eaux usées sur le territoire. Nous pensions qu'avec l'automne les nappes phréatiques commenceraient à se recharger mais le stress hydrique a débordé sur l'hiver », rembobine pour La Tribune Jan Klasinski.

De l'eau usée traitée pour les stations d'épuration

Au côté des pompiers du Sdis 33 lors de l'incendie de la forêt usagère de La-Teste-de-Buch l'été dernier, en particulier pour éviter toute pollution de la forêt par la station d'épuration dont le groupe à la charge au Teich, Veolia a appliqué son plan dans la région, en déployant un ensemble d'unités conteneurisées de traitement des eaux usées, équipée de la solution UV Germi.

« Ces unités sont rapides à déployer. Elles peuvent traiter entre cinq et dix mètres cubes par heure. L'eau usée traitée est récupérée puis utilisée en interne au sein de la station d'épuration, ce qui nous permet de réduire la quantité d'eau potable utilisée pour le nettoyage de la station », éclaire le directeur régional de Veolia.

Qui va notamment équiper, à la demande de la mairie, la station d'épuration de Bergerac avec ce dispositif. Un cas qui ne va pas rester isolé puisque les élus sont désormais sensibilisés à ce nouvel enjeu.

Lire aussiLa guerre de l'eau entre sylviculteurs et Bordeaux Métropole est ouverte

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 06/04/2023 à 9:39
Signaler
Et des pratiques agricoles toujours aussi gaspilleuses d'eau sans qu'elles ne soient remises en question, comme d'habitude on dédouaner les éternels coupables pour se focaliser sur du futile qui ne sert qu'à exposer qu'ils font quelque chose nos larb...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.