Gestion des eaux : le tribunal administratif de Poitiers annule la construction de six bassines

La gestion de la ressource en eau est une question de plus en plus brûlante en Nouvelle-Aquitaine. Tandis que le tribunal administratif de Poitiers vient de faire annuler la construction de six réserves d'eau, baptisées bassines, le destin de seize autres de ces retenues sera bientôt tranché. Le tribunal administratif de Bordeaux a de son côté refusé la mise en vidange du lac de Caussade, illégalement construit près d'Agen.
Président centriste du Conseil départemental de Lot-et-Garonne, Jean Dionis du Séjour a fait tout ce qu'il a pu pour avertir sur le danger du lac de Caussade.
Président centriste du Conseil départemental de Lot-et-Garonne, Jean Dionis du Séjour a fait tout ce qu'il a pu pour avertir sur le danger du lac de Caussade. (Crédits : Agence Appa)

La décision prise le 4 juin par le tribunal administratif de Poitiers d'annuler deux arrêtés préfectoraux autorisant la création de six bassines au nord de la Charente-Maritime remet en avant l'imbroglio dans lequel se trouve la gestion de l'eau en Nouvelle-Aquitaine. Cette décision a été prise par le tribunal, suite à l'action de l'association Nature Environnement 17, qui entendait s'opposer ainsi à l'initiative du Syndicat mixte des réserves de substitution (Syres) de Charente-Maritime.

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C'est ce dernier qui était aux commandes pour faire construire six de ces fameuses bassines : des retenues d'une capacité maximale de stockage représentant 1,6 million de m3 d'eau, pour approvisionner une dizaine d'exploitations agricoles. Le tribunal administratif a notamment jugé que ces retenues développaient un volume de stockage d'eau surdimensionné par rapport aux besoins mais aussi, et c'est déconcertant, que le Syres méconnaissait les règles du Schéma d'aménagement et de gestion des eaux (Sage).

Insuffisante étude d'impact Natura 2000

Du pain bénit pour les élus écologistes du conseil régional, qui entendent dénoncer une forme de désinvolture.

"Le groupe écologiste de la Région Nouvelle-Aquitaine se félicite de l'annulation, par le tribunal administratif de Poitiers, de l'arrêté autorisant la création de six réserves de substitution pour l'irrigation (ou bassines) en Charente-Maritime, sur le bassin du Curé. Ce projet, qui était passé de 16 à six ouvrages, a pourtant été jugé surdimensionné, élaboré sans une sérieuse prise en compte des enjeux du territoire, et ne respectant pas le Schéma d'aménagement et de gestion de l'eau en vigueur sur ce bassin... De plus, l'étude d'impact a été jugée insuffisante quant aux effets sur l'environnement notamment sur les zones Natura 2000 et les zones humides, et sur la biodiversité", déroulent les élus.

Ces derniers déplorent que d'autres projets de bassines soient toujours en cours, dans la Sèvre niortaise et le Marais poitevin, menaçant "de bouleverser un écosystème fragile, remettant aussi en question les conditions d'exploitation de la mytiliculture et de l'ostréiculture en aval du fleuve".

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Le projet des 16 bassines bientôt tranché

Le gros projet régional en matière de bassines reste cependant celui porté dans les Deux-Sèvres par Coop de l'eau 79, qui va aboutir à la construction de 16 bassines totalisant une capacité de stockage de 6,8 millions de m3 (Mm3). Du très lourd à l'échelle de la Nouvelle-Aquitaine. Tellement lourd qu'Alain Rousset, président de la Région, qui intervient dans le financement de ces bassines, a dû jouer le médiateur pour réduire les proportions de ce projet contesté par l'association citoyenne Bassines non merci ! C'est ainsi que le nombre de bassines a été ramené de 19 à 16, les prélèvements annuels de 8,6 Mm3 à 6,8 Mm3 et l'investissement global de 60 à 50 M€.

Si le projet est toujours sur les rails, il sera lui aussi bientôt examiné de près par le tribunal administratif. Parce que depuis mars 2019 un recours a été déposé par quatre élus EELV membres de la majorité régionale contre ce projet. Léonore Moncond'huy, coprésidente du groupe écologiste à la Région et élue de la Vienne, a beau rappeler à La Tribune qu'il n'y a que les associations et les citoyens qui puissent attaquer des décisions devant le tribunal, et non les partis politiques, il n'a échappé à personne que l'affaire est aussi portée par deux femmes (Monique Johnson, Dominique Normand) et deux hommes (Jean Lissar, Serge Morin) qui sont conseillers régionaux EELV au Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine.

Le petit lac de Caussade est une bombe

Plus au sud, en Lot-et-Garonne (ex-Aquitaine), c'est le lac de Caussade, construit en toute illégalité par la chambre d'agriculture, après avoir été -il est vrai- autorisé à l'origine, qui défraie la chronique. Au lieu d'être détruit, comme le voulait l'Etat, ce lac, alimenté par les pluies, est en eau. Soutenu par les maires du département et porté par la Coordination rurale (CR) de Lot-et-Garonne, le lac de Caussade, d'une capacité de stockage modeste comparée aux différentes bassines, avec une capacité de 920.000 m3 (0,9 Mm3), est au cœur d'un bras de fer entre l'association écologiste France Nature Environnement et la CR.

Les services de l'Etat, qui avaient au départ entamé eux aussi un bras de fer avec la Coordination rurale, ont fini par adopter une position plus proche de celle d'un arbitre dans ce dossier sous haute tension, sans renoncer à continuer à faire pression. Le 4 juin dernier le tribunal administratif de Bordeaux a notamment rejeté la requête formulée par France Nature Environnement de faire vidanger le lac de Caussade.

Dans ses attendus, s'il reconnait l'illégalité de la construction de ce lac, le juge met notamment en avant le lancement d'une procédure de concertation, la mise sous surveillance renforcée du lac et la visite en mai sur place d'une délégation interministérielle, qui va rendre un rapport éclairé sur le sujet. Autrement-dit le dossier poursuit son cours. Le prochain acte dans ces dossiers devrait encore venir du tribunal administratif de Poitiers, qui ne va pas tarder à dire si le projet des bassines des Deux-Sèvres mérite un feu vert ou au contraire un feu rouge.

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