L'affaire des Bassines enflamme la Chambre d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine

Dominique Graciet, président de la Chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine, juge que le blocage du projet des Bassines des Deux-Sèvres, de grandes retenues d’eau pour les cultures, montre la nature suicidaire de l’écologie politique appliquée au monde agricole. Une analyse qu'il a livrée lors de la présentation du premier bilan agricole 2018.
Dominique Graciet
Dominique Graciet (Crédits : Pascal Rabiller)

Le président de la Chambre d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine est d'abord revenu sur un bilan climatique régional très contrasté depuis janvier. Ce qui se comprend plus facilement quand on se rappelle que la Nouvelle-Aquitaine a la taille de l'Autriche et beaucoup moins de montagnes que ce pays alpin.

"Dans le sud des Landes et les Pyrénées-Atlantiques, nous avons connu des intempéries au printemps, avec de très violents excès d'eau, et puis la sécheresse en août. Les intempéries du printemps ont touché l'élevage. Mais les digues des gaves ont été cassées et les productions de kiwis et maïs inondées. Les vignobles de Bordeaux et Cognac ont été touchés par la grêle. Puis la sécheresse en août a principalement frappé le nord de la région. Aujourd'hui nous commençons à en sortir un peu mais nous manquons de fourrage. Parce que la sécheresse a durement frappé le nord de l'Europe qui vient acheter du fourrage en France, ce qui va raréfier la ressource", rembobine le président landais de la chambre consulaire.

Des aides seront disponibles au cas par cas, précise-t-il ensuite en substance. Malgré ces impacts météo négatifs, l'agriculture régionale a aussi eu sa part de bonnes surprises, avec une hausse des prix pour les grandes cultures (céréales, oléagineux...), qui a permis de compenser la baisse des rendements. La production de fruits et légumes est restée bien orientée, tandis que la hausse des prix doit être confirmée pour le blé et le maïs, a observé Dominique Graciet, qui a qualifié cette année de "très atypique".

Pomper de l'eau l'été en protégeant la nappe

Il a ensuite glissé le plus naturellement du monde vers le sujet qui fâche : celui de la gestion de l'eau. Le tragique épisode du projet de barrage de Sivens (Tarn - 1,5 million de m3 de retenue prévue), où en 2014 Rémi Fraisse, jeune manifestant, a été tué par un tir de grenade de la gendarmerie, a marqué les esprits et donné une dimension inédite à la gestion des ressources en eau, témoignant de très fortes tensions. Un contexte qui ne modifie pas l'approche du président de l'agriculture néo-aquitaine, qui tient à défendre ses positions sans faire d'effets de manche.

"Pour gérer les périodes d'excès d'eau et celles de sècheresse, il faut construire des retenues. C'est impératif. Nous créons des réserves d'eau pour pouvoir y pomper l'été et protéger la nappe phréatique" explique-t-il, avant de citer deux exemples régionaux.

Et en premier lieu le projet de création d'une retenue sur le ruisseau de Caussade, en Lot-et-Garonne, à Pinel-Hauterive (dans le Villeneuvois). Ce projet de retenue, validé le 2 juillet par le préfet, a été attaqué devant le tribunal administratif par les associations de défense de la nature Sepanso et Sepanlog le 18 septembre, quelques jours après la conférence de presse de la Chambre d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine.

Attention au surdimensionnement de Caussade

Comme le précise la Mission régionale d'autorité environnementale (MRAE) Nouvelle-Aquitaine, ce projet se situe "sur le ruisseau de Caussade qui se jette dans le Tolzac de Monclar (un affluent de la Garonne -NDLR) à environ 500 m en aval du projet". Le site retenu est en dehors de tout périmètre d'inventaire ou de protection, mais compte plusieurs espèces végétales et animales protégées. Il s'agit de créer sur une vingtaine d'hectares une retenue qui doit "a minima fournir un volume voisin de 660.000 m3" pour satisfaire les besoins : soit environ 430.000 m3 pour les besoins agricoles et 230.000 m3 pour soutenir le débit du ruisseau de Caussade.

La MRAE adresse néanmoins une sorte d'avertissement aux porteurs de ce projet.

"Il s'avère toutefois que la taille du bassin d'alimentation représente un risque en terme de remplissage en année sèche, conduisant à un surdimensionnement de la retenue permettant de conserver un volume de gestion interannuelle. Ainsi le volume du projet atteint 920.000 m3. Les études réalisées ont permis de mettre en évidence que, si la gestion de la retenue reste acceptable lorsque l'on retient les hypothèses actuelles, la prise en compte du changement climatique induirait un dysfonctionnement très important de l'alimentation de la retenue"...

L'affaire des Bassines, un échec pour la région ?

Dans tous les cas, le projet de Caussade n'a pas les dimensions de celui de Sivens, alors que Sepanso et Sepanlog font la comparaison. Une mise en perspective que ne partage pourtant pas la conseillère régionale EELV (Europe Ecologie Les Verts) Maryse Combres. Et puis Serge Bousquet-Cassagne, le président de la Chambre d''agriculture de Lot-et-Garonne, a déjà prévenu - dans les colonnes du quotidien agenais Le Petit Bleu - qu'en cas de blocage les paysans ont un plan B et qu'ils iront construire cette retenue avec leurs pelles. Mais c'est sur les Bassines des Deux-Sèvres que s'est concentré Dominique Graciet. Derrière cette appellation poétique se cache un projet de création, par la Coopérative de l'eau, de 19 retenues d'une capacité unitaire de 400.000 m3, pour un total de 7,6 millions de mètres cubes ! Les dimensions de ce projet à près de 60 M€ ne sont plus les mêmes mais pour Dominique Graciet les enjeux ne varient pas.

"Les autorisations ont été données mais elles sont combattues par les écologistes. Il va falloir taper du poing sur la table, parce que malgré les conclusions positives des enquêtes, le dossier n'avance pas. A force de retarder le dossier, à force d'attendre, les coûts ont grimpé. Au lieu des 3 à 4 euros par m3 stocké, on est passé à 7 euros !", s'indigne Dominique Graciet. "Cette politique, poursuit-il, est un frein aux grandes cultures. Et cette importance de l'écologie politique devient suicidaire pour l'agriculture et la région. Car il n'y a pas de politique de l'eau homogène. Alors que le projet de Bassines est bloqué dans les Deux-Sèvres, il se développe sans aucun problème dans le département d'à côté, situé en Pays-de-la-Loire. »

Un président élu pour la première fois en 2001

Dominique Graciet a ensuite dénoncé les importants retard pris par l'Etat pour accorder aux agriculteurs bio les aides auxquelles ils ont droit.

"Je suis allé à Limoges voir les services de l'Etat pour qu'ils rattrapent ces retards. Ils vont dégager quelques fonds pour rattraper un retard qui remonte à 2015 ! C'est inacceptable pour les agriculteurs qui ont investi dans le bio. D'autant plus que le bio qui arrive en France le fait avec le cahier des charges de son pays d'origine, ce qui crée une distorsion de concurrence. La moitié des fruits et légumes ont des traces de glyphosate mais dans 50 % des cas ils sont importés ! N'oubliez pas que le bio ça fait trois fois plus de marge pour la grande distribution" a prévenu le président, qui a tenu a rappeler qu'en France le glyphosate n'était utilisé qu'après récolte.

Les prochaines élections consulaires dans l'agriculture auront lieu en janvier 2019 et Dominique Graciet, élu pour la première fois à la présidence de la Chambre d'agriculture des Landes en 2001, va entamer son dernier mandat. "Je vais me représenter à la présidence de la Chambre d'agriculture des Landes mais je ne finirai pas mon mandat parce que je vais prendre ma retraite en cours de route. Pour la région je ne sais pas. Ce qui est sûr c'est que je resterai dans l'agriculture" s'amuse le président. Prochain grand rendez-vous, la venu du ministre de l'Agriculture Stéphane Travert le 9 novembre à Bayonne pour les 20 ans de l'IGP (indication géographique protégée) Jambon de Bayonne.

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