Bassin Adour-Garonne : la gestion de l'eau fragilisée par les coupes budgétaires

Face à l'urgence de s'adapter à la transition climatique, l'Agence de l'eau Adour-Garonne, qui couvre 19 départements du Sud-Ouest, doit composer avec un budget en baisse de 16 % sur la période 2019-2024 tout en assumant de nouvelles compétences sur la biodiversité. Une incohérence flagrante avec le discours officiel de l'Etat qui érige l'eau en priorité.
(Crédits : CC by Pixabay / Lareeumbah)

Martin Malvy, le président du Comité de bassin Adour-Garonne, en est convaincu :

"Nos concitoyens ne mesurent pas encore la gravité des déficits en eau annoncés à échéance de 2050. On parle d'un déficit qui atteindrait 50 % de la consommation actuelle, soit 1,2 milliard de m3 par an [sur le bassin Adour Garonne]. La vie elle-même, les activités économiques seront gravement compromises."

Transition vers un climat méditerranéen

Dans les 19 départements qui constituent ce bassin hydrographique, la pluviométrie devrait rester relativement stable d'ici à 2050, autour de 94 milliards de m3 d'eau par an. "Mais elle se répartira de manière différente en tendant vers un climat méditerranéen avec des périodes de sécheresses et des périodes d'afflux d'eau, parfois violents", explique Guillaume Choisy, le directeur général de l'Agence de l'eau Adour Garonne. Résultat, l'eau de pluie s'évaporera et ruissellera davantage diminuant d'autant la capacité d'absorption des sols et la reconstitution des réserves en eau des nappes phréatiques. Prémices de ces évolutions : au 11 juillet 2019, seulement six départements du bassin Adour Garonne (Ariège, Aude, Gironde, Lozère, Pyrénées-Atlantiques et Hautes-Pyrénées) ne font pas l'objet d'un arrêté de restriction d'eau. Une situation inédite si tôt dans l'année.

Lire aussi : Gestion de l'eau : "Le plus gros enjeu, c'est l'adaptation au changement climatique"

Face à cette situation, "l'Etat est très déterminé et fait de l'eau une priorité", proclame Etienne Guyot, le préfet de la région Occitanie et coordinateur du bassin Adour-Garonne. Dans la lignée des Assises de l'eau, qui se sont conclues il y a quelques semaines autour de 23 mesures volontaristes, le préfet rappelle les trois priorités retenues par l'Etat au niveau local comme au niveau national.  : "Nous privilégions les actions concrètes avec trois priorités : intensifier les économies d'eau de la part du grand public, des agriculteurs, des industries et des collectivités ; redonner à la nature ses fonctions régulatrices en protégeant les rivières et milieux humides et, enfin, gérer et créer de nouvelles réserves si cela est nécessaire."

Un budget en baisse...

Des déclarations volontaristes qui cadrent mal avec leur traduction budgétaire. Le financement de ces actions inquiète au plus haut point les élus locaux et à plusieurs titres. Pour la période 2019-2024, le budget de l'agence Adour-Garonne s'élève à 1,6 Md€, soit une baisse de 16 % des crédits disponibles par rapport au plan précédent (1,9 Md€ sur 2013-2018). Parallèlement, ses effectifs sont appelés à diminuer de 12 % entre 2018 et 2022 tout en assumant de nouvelles missions notamment en matière de biodiversité.

"Les moyens des agences de l'eau ont été ponctionnés par les gouvernements successifs depuis plusieurs années. C'est une réalité et c'est totalement inadmissible", attaque ainsi Alain Rousset, le président de la Région Nouvelle-Aquitaine. "Ce procédé est choquant d'autant qu'on a besoin de plus de moyens sur le terrain", abonde Martin Malvy qui chiffre le coût de la seule politique d'adaptation au changement climatique en Adour-Garonne à 160 M€ par an, sur un budget d'intervention de l'agence de 250 M€ par an (contre 280 M€ par an sur la période précédente).

... malgré des crédits consommés à 100 %

Alors comment faire plus avec moins ? "L'ensemble des services de l'Etat concourt à la baisse des dépenses publiques, c'est normal. En ce qui concerne l'eau, commençons à monter les projets et voyons ensuite s'ils sont finançables", répond Etienne Guyot. Même son de cloche du côté de Fabienne Buccio, la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine - "Le problème ce ne sont pas les financements mais les projets" - sous-entendant ainsi que les projets portés par les collectivités et l'Agence de l'eau ne seraient pas suffisants en qualité ou en nombre.

Une réponse qui ne résiste pourtant pas à l'analyse des faits : sur le précédent programme 2013-2018, 100 % des crédits disponibles de l'Agence de l'eau Adour Garonne ont en effet été consommés, ce qui laisse même penser que s'il y avait eu davantage de crédits, il y aurait eu davantage de projets de construction, d'entretien et de rénovation des réseaux et stations d'épuration et autres équipements. Et ce dynamisme des acteurs locaux se confirme depuis le début de l'année puisque 70 % des crédits de l'Agence de l'Eau pour 2019 ont d'ores et déjà été engagés au premier semestre, laissant planer le risque d'un assèchement financier en fin d'année.

Un audit pour mesurer l'impact des coupes budgétaires

C'est pour jauger précisément ce phénomène que le comité de bassin Adour Garonne, réuni à Bordeaux ce 16 juillet, a ainsi voté la réalisation d'un audit sur l'impact concret de ces coupes budgétaires.

"Nous voulons mesurer les conséquences de ces décisions budgétaires sur la réalisation des objectifs fixés lors des Assises de l'eau pour s'assurer qu'ils ne sont pas à mis à mal", détaille Martin Malvy qui poursuit : "Si la conséquence est de faire en sept ans ce qui était prévu en six, ce ne sera pas très grave... mais si cela demande dix ans au lieu de six, ce sera critique pour la suite !", met-il en garde.

D'autant que l'Agence Adour Garonne est plutôt moins bien lotie financièrement que ses homologues puisque 77 % de son territoire est situé en zone de revitalisation rurale, contre 22 % en moyenne nationale. Ces territoires ruraux comptent moins d'habitants et génèrent donc moins de recettes fiscales alors même que les réseaux sont plus longs et donc plus coûteux à entretenir. "C'est le territoire de France métropolitaine qui sera le plus affecté par le changement climatique !", répètent les responsables de l'agence de l'eau.

Dans l'immédiat un groupe de travail devra déterminer d'ici le mois de décembre "l'ensemble des actions à mettre en œuvre pour les six sous bassins du bassin Adour Garonne et les quantifier afin de garantir la ressource en eau et le bon état des rivières dans une perspective 2050." Enfin, le comité de bassin a également demandé à l'Etat de mobiliser les réserves hydroélectriques sous concession d'Etat, en particulier le long de la Dordogne, pour prendre en compte le besoin d'eau et sécuriser les différents usages. En 2017, la consommation d'eau sur le bassin Adour Garonne s'est partagée entre l'eau potable (40 %), l'agriculture (40 %) et l'industrie (20 %).

Agence de l'Eau Adour Garonne

Le comité de bassin Adour-Garonne s'est réuni à Bordeaux ce mardi 16 juillet autour notamment de Fabienne Buccio, préfète de Nouvelle-Aquitaine, Etienne Guyot, préfet d'Occitanie, Alain Rousset, président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, Martin Malvy, président du comité de bassin, et Guillaume Choisy, directeur général de l'Agence de l'eau Adour Garonne.

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Commentaires 2
à écrit le 31/10/2019 à 11:13
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Au sujet des "actions concrètes avec trois priorités : intensifier les économies d'eau de la part du grand public, des agriculteurs, des industries et des collectivités" : Un sujet qui mériterait qu’on s’y intéresse pour de bon : les toilettes sèc...

à écrit le 18/07/2019 à 11:35
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Et si on commençait par arrêter de cultiver du maïs dans cette région ?

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