Nouvelle-Aquitaine : le président de l'UIMM met l'apprentissage au centre de la reprise

Au 1er jour du déconfinement, Nicolas Foucard, président de l'Union des métiers et industries de la métallurgie (UIMM), Gironde-Landes et Nouvelle-Aquitaine, livre à La Tribune sa vision de la relance économique. En plus de souplesse pour l'application des nouvelles règles sanitaires dans les entreprises, Nicolas Foucard, par ailleurs directeur de l'établissement ArianeGroup du Haillan (Bordeaux Métropole), en appelle à un Plan Marshall centré sur la formation et l'apprentissage.
Nicolas Foucard président de l'UIMM de Nouvelle-Aquitaine
Nicolas Foucard président de l'UIMM de Nouvelle-Aquitaine (Crédits : UIMM Nouvelle-Aquitaine)

LA TRIBUNE - Nicolas Foucard comment analysez-vous la réaction du gouvernement face à la crise économique provoquée par le Covid-19 ?

NICOLAS FOUCARD - L'Etat a réagi avec promptitude et beaucoup d'énergie, les outils de soutien à l'économie qu'il a déployé nous en avions besoin. Les mesures réglementaires d'appui aux entreprises, avec le report des charges, et les volumes financiers mobilisés devraient permettre de répondre aux enjeux immédiats.

Quelles sont vos attentes particulières et quelles critiques avez-vous à formuler au nom des entreprises de la métallurgie en Nouvelle-Aquitaine ?

Ce que je déplore un petit peu c'est que les décisions viennent presque systématiquement d'en haut, et très peu d'en bas à partir des réalités du terrain. C'est la métaphore des petites villes et des campagnes, qui ne sont jamais écoutées.

Concrètement où est-ce que le bât blesse avec ce plan de relance ?

Ce plan de déconfinement est très bien, sauf que beaucoup d'entreprises avaient déjà mis en place des mesures qui pourraient se retrouver en contradiction avec les décisions ou préconisations de l'Etat. Quand on voit les bonnes pratiques qui sont mises en avant avec ce plan, on se dit qu'il y a facilement cinq à dix façons de les appliquer. Il suffit de penser à la différence de situation qu'il y a entre un chef d'entreprise qui a deux salariés et un autre qui en a cent cinquante.

Comment surmonter cet obstacle ?

Il faudrait associer plus étroitement les bonnes pratiques déjà en cours dans les entreprises au nouveau dispositif général, en passant notamment par le réseau des branches professionnelles, lesquelles actualisent en permanence des guides détaillés. Pourquoi devoir nettoyer tous les jours une zone de stockage d'un hectare où personne ne va à l'exception du salarié préposé ? Les problèmes que va poser la distanciation sociale, avec la préservation d'une surface de quatre mètres carrés par salarié, sont du même ordre.

L'application non adaptée des bonnes pratiques pourrait donc sérieusement perturber la reprise de l'activité ?

De ce point de vue, le plus dur c'est que de nombreux secteurs d'activités et d'entreprises ont arrêté de fonctionner. C'est ce qui va rendre la reprise très compliquée. Parce que le premier qui relance son activité doit être certain que le client est toujours là. Si ce dernier a disparu, alors le chef d'entreprise qui relance va patauger, il y aura des ratés à l'allumage. J'ai contacté beaucoup de collègues et bien sûr tout le monde a privilégié la santé, avec des arrêts ou des réductions dans la production. L'application du télétravail, de la distanciation sociale, avec la mise à disposition de masques quand c'est nécessaire, l'application des gestes barrières, etc. Actuellement l'essentiel des reprises d'activité sont partielles, à l'exception notable des fournisseurs de l'industrie agroalimentaire, pour lesquels l'activité reste élevée.

Vous appelez à la mise en place d'un Plan Marshall pour la formation et l'apprentissage. Et dans ce contexte vous en appelez à la Région, qui n'a pourtant plus de prérogative en matière d'apprentissage. Pour quelles raisons ?

Oui c'est vrai, maintenant l'apprentissage dépend des branches professionnelles ! Mais par rapport à la Région, quand la reprise va démarrer nous allons devoir trouver des jeunes. Nous étions jusque-là plutôt en positif, avec une vraie appétence des jeunes pour l'apprentissage et la filière industrielle. Et ceci après des années de désamour des jeunes vis-à-vis de l'industrie.

Si nous ne faisons rien il y aura beaucoup d'entreprises qui ne prendront pas d'apprentis. Et quand d'ici 2021-2022 la situation ira mieux tout le monde se dira « mince nous n'avons plus les formations pour faire face à nos besoins ! ». Parce que si les apprentis désertent les centres de formation, nous finirons par perdre les cursus de formations correspondantes et les compétences pour la reprise. Il ne faut pas perdre de vue que le coronavirus est un élément extérieur, les marchés potentiels sont toujours là, même s'ils sont aujourd'hui très perturbés. Nous allons devoir faire face à des chutes colossales du PIB mais il faut prévoir l'après.

Le programme annoncé par la Région visera 400 industriels d'ici 2022

Ne pas perdre contact avec les jeunes générations (DR).

Vous voulez dire que l'apprentissage est appelé à jouer un rôle décisif dans cette relance économique ?

Il y a les entreprises qui connaissent l'importance de l'apprentissage et les autres. L'idée c'est de leur proposer de prendre des apprentis qui leur coûteront 40 ou 50 % moins cher grâce aux aides financières de ce Plan Marshall. Et nous voulons aussi que la loi permette de rallonger le temps pendant lequel l'apprenti a le droit de chercher une entreprise où être embauché. Actuellement c'est trois mois, et nous proposons que ce laps de temps soit rallongé de manière significative pour laisser une chance aux jeunes d'être embauchés. Il ne faut pas que l'apprenti ne puisse pas entrer dans un centre de formation d'apprentis parce qu'il n'a pas de contrat avec une entreprise. S'il n'en a pas au départ ce n'est pas grave, il pourra continuer à progresser dans sa formation le temps de trouver. La Région a naturellement un tropisme vers l'entreprise, elle ne peut donc qu'être sensible à ce besoin.

Vous ne voulez pas donner un chiffrage financier de votre Plan Marshall ?

Il s'agit de mobiliser des fonds et de l'intelligence collective, y compris en cofinancements, en restant au plus près du terrain. La formation, l'apprentissage, c'est fondamental pour l'industrie. Si l'on veut relocaliser des filières industrielles en France, il va falloir reconvertir tout ou partie de l'activité des entreprises. L'objectif étant de ne pas devenir un pays industriel de seconde zone : un processus malheureusement engagé avant la crise du Covid-19.

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Commentaire 1
à écrit le 11/05/2020 à 23:31
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Nous Bretons on se bat depuis de très nombreuses années pour une régionalisation plus poussée voire un fédéralisme, et toutes les régions commencent à réaliser que c'est d'une logique évidente, les derniers évènements nous ont donné raison, les décis...

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