Stade Matmut Atlantique : « Nous sommes prêts à renoncer à nos revenus jusqu'à 2045 »

EXCLUSIF. Les années passent et les pertes dépassent désormais 21 millions d'euros pour SBA (Stade Bordeaux Atlantique), la société en charge de l'exploitation du Stade Matmut Atlantique. « Si on ne trouve pas de solution avant les Jeux olympiques, SBA sera en cessation de paiement », assure à La Tribune Loïc Duroselle, le directeur général de cette filiale de Vinci et Fayat. Alors que la conciliation avec Bordeaux Métropole vient de s'achever, il se dit prêt à renoncer à tout bénéfice futur pour « rééquilibrer » le contrat qui court jusqu'en 2045.
« Si on ne trouve pas de solution avant les Jeux olympiques de Paris 2024, SBA sera en cessation de paiement », Loïc Duroselle, directeur général de SBA.
« Si on ne trouve pas de solution avant les Jeux olympiques de Paris 2024, SBA sera en cessation de paiement », Loïc Duroselle, directeur général de SBA. (Crédits : SBA)

LA TRIBUNE - SBA affichait déjà plus de 20 millions d'euros de pertes cumulées fin 2022. L'année 2023, très riche en évènements, a-t-elle permis de redresser la barre ?

LOÏC DUROSELLE, directeur général de SBA - Cette année 2023 restera très exceptionnelle avec l'accueil de cinq grands concerts et de cinq matchs de la Coupe du monde de rugby. Malgré tous ces évènements, on se rapproche de l'équilibre en 2023 mais on n'y est pas encore, loin de là ! Pourtant, ce stade s'est très largement imposé dans le programme des tournées de grands concerts et des grands évènements sportifs. Il fait carton plein sur ce pourquoi il a été conçu ! C'est une excellente affaire pour la collectivité mais c'est surtout une vraie bonne nouvelle pour le territoire, ce qui n'est jamais acquis pour un équipement de cette ampleur. Le Matmut Atlantique a trouvé son public et est en parfait état après huit ans d'exploitation.

La conciliation avec Bordeaux Métropole sur la gestion du Stade Matmut Atlantique s'est achevée en décembre. La collectivité s'en félicite et se montre confiante pour trouver un compromis. Que retenez-vous de ce rapport ?

Nous sommes en ligne avec la philosophie de la Métropole puisqu'il faut impérativement trouver une solution. Nous discutons depuis deux ans en vain mais l'issue de cette conciliation, qui est prévue dans le contrat de partenariat, nous permet maintenant d'avancer. Je suis extrêmement satisfait de ce rapport qui est d'une grande qualité et permet d'objectiver les éléments et les montants brandis par les uns et les autres. Le rapport se prononce sur les causes de ce déséquilibre structurel du contrat au profit de la collectivité qui résulte du décalage entre la réalité de l'exploitation du stade et le pari initial.

Mais ce décalage résulte précisément « d'une mauvaise prévision des charges et recettes associées » élaborée par SBA...

Oui mais ce n'est pas vraiment le sujet aujourd'hui... Il y a des responsabilités des uns et des autres et un contexte qui a changé aussi. L'enjeu c'est désormais de trouver des solutions pour éviter la cessation d'activité de SBA ! Si on ne trouve pas de solution avant les Jeux olympiques de Paris 2024 [du 26 juillet au 11 août, NDLR], SBA sera en cessation de paiement. Ce n'est pas une menace mais une réalité économique ! Les actionnaires Vinci et Fayat ont déjà perdu plus de 21 millions d'euros depuis 2015 et s'ils continuent à soutenir SBA de la sorte, ça pourrait s'assimiler à du soutien abusif. Ils ne peuvent donc pas aller plus loin et la conséquence ce sera la saisine du tribunal de commerce en 2024 pour une procédure de redressement judiciaire voire de liquidation.

Un scénario que toutes les parties prenantes souhaitent éviter ?

Oui, il faut trouver une solution à tout prix. En cas de cessation de paiement, Bordeaux Métropole devrait récupérer l'exploitation du stade et ce n'est pas son métier. Il y aurait un coût considérable pour les finances publiques. Et ça ne serait pas non plus une bonne nouvelle pour les actionnaires de SBA. La bonne nouvelle c'est que ce rapport donne les voies de passage pour trouver un accord avec des efforts partagés. Nous sommes disposés à suivre 100 % des conclusions du rapport.

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Quels sont les paramètres qui pourraient évoluer dans le cadre d'un accord avec la Métropole ?

Je ne peux pas dévoiler les conclusions du rapport qui sont confidentielles mais le contrat de partenariat prévoit déjà des possibilités d'évolution sur, par exemple, le coût des normes de la pelouse fixées par la Ligue de football professionnel qui a énormément augmenté depuis 2015. Il faut prendre en compte ce type d'éléments extérieurs qui s'imposent à nous. Et s'il y a une volonté politique, il y a forcément une voie de passage technique.

Jusqu'où êtes-vous prêt à aller pour trouver un compromis ?

Les actionnaires de SBA, Vinci et Fayat, ont déjà perdu beaucoup d'argent depuis le début de l'exploitation en 2015 et ils ne sont plus en mesure de poursuivre leur soutien. Ils sont tout à fait prêt à ne pas revoir la couleur des 21 millions d'euros perdus jusque-là et de l'argent injecté pour combler une partie de ce déficit. Mais ils sont également tout à fait prêts à renoncer à percevoir des revenus jusqu'à la fin de ce contrat en 2045 ! C'est un effort énorme puisque le but même de ce type de contrat est de permettre à l'entreprise de gagner de l'argent. Pour ne plus avoir à réinjecter artificiellement de l'argent dans l'exploitation, ils sont donc prêts à renoncer à leurs bénéfices, c'est un effort de plusieurs dizaines de millions d'euros [lire l'encadré, NDLR]. L'objectif est de trouver un moyen d'équilibrer l'exploitation au bénéfice du territoire. Nous avons déjà fait cette proposition à Bordeaux Métropole et il faut aboutir avant les Jeux olympiques faute de quoi on sera en situation difficile.

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Un contrat de partenariat jusqu'en 2045

En 2015, Bordeaux Métropole a signé un contrat de partenariat confiant à SBA, filiale de Vinci et Fayat, la conception, la construction, l'exploitation et l'entretien de ce stade de 42.000 places édifié pour l'Euro 2016. Le modèle économique initial prévoyait une perte cumulée de sept millions d'euros de 2015 à 2023 avant de passer à l'équilibre en 2024 puis de générer autour de 30 millions d'euros de bénéfices cumulés de 2025 à 2045. Dans la réalité, les pertes sont trois fois plus importantes et dépassent déjà les 21 millions d'euros, malgré un soutien financier de la Métropole lié au Covid. Dans ce contexte, les 30 millions d'euros de gains auxquels assure renoncer SBA restent donc très théoriques.

« Ce rapport conforte la position de Bordeaux Métropole [...] qui n'est en rien responsable du déséquilibre économique constaté depuis l'origine de l'exploitation, ce dernier résultant d'une mauvaise prévision des charges et recettes associées », a rappelé Bordeaux Métropole fin décembre esquissant la possibilité de trouver un compromis aux termes « équitables » et « conformes au droit des contrats publics et ne se traduisant pas par des profits pour les exploitants actuels ». Un accord formel est espéré pour le premier trimestre 2024.

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Commentaire 1
à écrit le 16/01/2024 à 8:13
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"Stade Matmut Atlantique " Ce nom de multinationale imposé aux stades et autres salles de concerts n'est il pas déjà particulièrement repoussant ?

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