Panneaux solaires sur les toits : Bordeaux au défi des énergies renouvelables

ENJEUX. « J'examinerai personnellement les cas problématiques ! » Épinglé récemment pour un refus de panneaux solaires en toiture par sa municipalité écologiste, Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux, est bien décidé à accélérer le déploiement du photovoltaïque. Ce qui n'a rien d'évident dans une ville où le patrimoine bâti est très largement classé même si la tendance est à la hausse depuis 2020.
Le cadastre solaire de Bordeaux Métropole permet d'avoir rapidement les informations sur l'installation de panneaux photovoltaïques en toiture mais une grande partie de la ville centre est soumises à des règles de protection du patrimoine.
Le cadastre solaire de Bordeaux Métropole permet d'avoir rapidement les informations sur l'installation de panneaux photovoltaïques en toiture mais une grande partie de la ville centre est soumises à des règles de protection du patrimoine. (Crédits : Bordeaux Métropole)

Est-ce le panneau qui cache la forêt ? Mi-octobre, un couple de Bordelais, se voyant refuser la pose de panneaux solaires en toiture, pointait l'incohérence de cette décision avec le discours sur « l'état d'urgence climatique » brandi par la mairie écologiste depuis 2020. « Je comprends leur mécontentement et j'ai demandé aux services de les rencontrer pour envisager, ensemble, une solution », assure le maire Pierre Hurmic à La Tribune. L'élu écologiste promet que les choses ont changé :

« J'appelle les Bordelais, particuliers et entreprises, à déposer des demandes de panneaux solaires en toiture. S'il y a des réticences, j'examinerais personnellement les cas problématiques ! »

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Des demandes en hausse

Et la demande des particuliers est bien réelle puisqu'en France le nombre d'installations photovoltaïques en autoconsommation individuelle est en hausse de 200 % depuis 2021, selon Enedis. La Gironde figurant même sur le podium national avec 63 MW de puissance installée. La tendance est la même à Bordeaux où, selon les données municipales, les demandes d'installations de panneaux solaires en toiture ont été multipliées par six en trois ans.

Mais encore faut-il que ces installations soient autorisées. En effet, de l'avis de plusieurs installateurs, il était encore récemment très compliqué d'obtenir le feu vert pour ce type d'installations dans la ville de pierre. Les refus étant justifiés autant par les règles de protection du patrimoine que par l'excès de zèle des services instructeurs. Ces derniers avaient, par exemple, tendance à exiger une isolation préalable de la toiture, ce qui est parfaitement logique d'un point de vue de l'efficacité énergétique mais coûte plus cher, ou une intégration des panneaux dans la toiture, une solution plus esthétique mais problématique.

« Jusqu'en 2021, environ 80 % de nos dossiers étaient refusés à Bordeaux et les autres faisaient l'objet de spécifications précises sur la couleur ou le système de pose privilégiant l'intégration au toit ce qui divise le rendement énergétique par deux et renchérit le coût de l'assurance habitation », témoigne ainsi Ismaël Kerbouche, fondateur de BePower une entreprise bordelaise de maîtrise d'œuvre dans l'autonomie énergétique.

« Un virage depuis début 2023 »

D'autant que ces exigences étaient parfois dépourvues de base légale. Ce qui n'est pas contesté en interne. « Pour valider ou refuser un projet, on s'appuie sur l'aspect architectural au regard du bâti existant », explique Guillaume Desormeaux, architecte-conseil coordonnateur depuis le mois de septembre 2023. « Ce n'est pas possible de justifier un refus par une demande d'isolation de la toiture. Mais j'ai entendu que ça a pu arriver par le passé, c'est vrai. » Une page que l'équipe municipale veut désormais s'attacher à tourner mettant en avant un taux de refus des dossiers qui a fondu à Bordeaux, passant de plus d'un tiers en 2020 à environ 1 % en 2023.

« J'ai demandé beaucoup de bienveillance pour toutes les demandes de photovoltaïque en toiture qui représentent souvent un effort financier conséquent pour les ménages et sont indispensables face à l'urgence climatique », réagit le maire.

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L'objectif est surtout d'entériner un changement de posture, complète l'architecte-conseil Guillaume Desormeaux : « Notre objectif est d'accompagner les projets de bonne qualité pour qu'ils se fassent, avec un premier échange en amont même du dépôt de la demande. » Un site dédié au cadastre solaire a ainsi été mis en ligne par Bordeaux Métropole avec des interlocuteurs dédiés. De quoi s'assurer que le courant passe mieux avec les installateurs. « Ce n'est pas simple mais on a ressenti un virage depuis début 2023 avec beaucoup d'acceptations, y compris pour des panneaux en surimposition », confirme Ismaël Kerbouche, qui insiste sur un point : « Il faut que le dossier de demande soit très solide, complet et même avec des pièces supplémentaires pour prouver le sérieux de la démarche. »

Des obligations durcies en 2024

Au-delà de l'installation de 60.000 m2 de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments municipaux avec un objectif de 40 % d'autonomie énergétique fixé pour 2026 contre 8 % en 2022, la mairie de Bordeaux met en avant les évolutions règlementaires à venir en 2024. La 11e modification du Plan local d'urbanisme imposera à Bordeaux une obligation de production d'énergie renouvelable pour toute construction neuve de plus de 80 m2 et toute extension d'un bâtiment existant de plus de 40 m2.

Le patrimoine et l'urgence climatique

Mais la « bienveillance » ne fait pas tout car, de fait, les contraintes architecturales restent nombreuses et probablement plus à Bordeaux qu'ailleurs. Le centre de la ville de pierre est en effet largement couvert par le plan de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine (PSMV), où c'est l'Architecte des bâtiments de France (ABF) qui a la main, et/ou par le périmètre du patrimoine mondial Unesco. Deux règlements qui limitent drastiquement les installations photovoltaïques ou de performance énergétique dès lors qu'elles sont visibles depuis la rue mais aussi, par exemple, depuis le sommet de la tour Pey Berland. « Nous sommes souvent confrontés à ces questions d'architecture pour l'isolation par l'extérieur et la pose de double vitrage. L'ABF a des règles très bornées ce qui explique qu'en secteur sauvegardé il y ait encore 80 % de simples vitrages : les menuiseries compatibles avec les exigences de l'ABF ont un coût exorbitant ! », regrette le patron de Be Power.

Fondamentalement, tout le débat est de savoir où placer le curseur entre une préservation stricte du patrimoine architectural existant, d'une part, et un déploiement aveugle des énergies renouvelables, d'autre part. « Ces injonctions sont a priori contradictoires mais la ville doit s'adapter à l'impératif de transition écologique et cela passera par l'installation de photovoltaïque sur les surfaces déjà artificialisées, considère pour Pierre Hurmic. Notre paysage urbain peut et doit accueillir ces panneaux tout en conservant sa cohérence et sa beauté. » Au-delà de la 11e révision du plan local d'urbanisme (lire encadré), le maire travaille ainsi à faire bouger les lignes au sein du club des villes Unesco.

Au regard de la bonne dynamique à l'œuvre, avec probablement autour de 250 demandes déposées en 2023, l'enjeu est désormais d'amplifier le mouvement. Les services instructeurs vont rencontrer les professionnels du secteur pour « faire de la pédagogie » pour affirmer leur nouveau rôle de facilitateur plutôt que de prescripteur.

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