La feuille de route à quatre milliards d'euros de Technique Solaire dans les énergies renouvelables

Plutôt discret jusqu'ici, Technique Solaire affiche désormais ses ambitions nationales et internationales. Le producteur indépendant d'énergies renouvelables lève 200 millions d'euros pour décupler sa puissance solaire installée d'ici 2030. La PME poitevine va aussi accélérer sur le biogaz, se lancer dans le stockage et mettre un pied en Inde, expliquent à La Tribune ses trois cofondateurs qui entendent, au total, mobiliser quatre milliards d'euros d'investissements.
Lionel Themine, Thomas de Moussac et Julien Fleury ont fondé Technique Solaire en 2008. Ils viennent de lever 200 millions d'euros pour décupler leur puissance photovoltaïque d'ici 2030.
Lionel Themine, Thomas de Moussac et Julien Fleury ont fondé Technique Solaire en 2008. Ils viennent de lever 200 millions d'euros pour décupler leur puissance photovoltaïque d'ici 2030. (Crédits : Technique Solaire)

Thomas de Moussac mesure le chemin parcouru depuis les débuts de Technique Solaire qu'il a cofondé en 2008 avec Julien Fleury et Lionel Themine : « À l'époque, malgré les tarifs réglementés instaurés en 2006, le photovoltaïque coûtait cher et était considéré comme un gadget sans forcément d'avenir... Aujourd'hui, c'est devenu une évidence, c'est l'énergie la moins chère et celle qui est la plus installée dans le monde ! ». Avec autour de 200 GW supplémentaires branchés en 2022 sur la planète, le marché de la production d'électricité photovoltaïque a en effet radicalement changé d'échelle ces dernières années. Rien qu'en France, les investissements s'y comptent désormais en centaines de millions voire en milliards d'euros portés à la fois par des fonds en quête de placements verts, sûrs et de long terme et par des trajectoires de décarbonation de plus en plus ambitieuses. Après les rachats marquants de Reden Solar et de GreenYellow en 2022, cette fois, c'est bien Technique Solaire, à Biard, près de Poitiers, qui capte la lumière.

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Ce producteur indépendant d'énergies renouvelables vient de signer une levée de 200 millions d'euros auprès d'investisseurs menés par ses partenaires bancaires historiques : Bpifrance et le groupe Crédit agricole. Après deux levées timides de cinq millions en 2017 puis 25 en 2020, ce tour de table les propulse de fait parmi les plus grosses opérations de capital-risque de l'année 2023 en France, tous secteurs confondus. Mais les trois associés, qui se sont connus sur les bancs de l'Edhec, assurent rester « largement majoritaire » au capital de l'entreprise, laissant augurer d'une valorisation plus très éloignée du milliard d'euros. Ce cap, qui pourrait le dépasser en 2025, les ferait alors devenir licorne - cette élite des sociétés innovantes.

« Une activité extrêmement compliquée »

« Mais le sujet n'est pas là ! », tranche Thomas de Moussac. À l'inverse de beaucoup de startups qui rencontrent des difficultés aujourd'hui, « Nous avons été rentables dès la première année, avec des clients et toujours en forte croissance », appuie-t-il. Pourtant l'entreprise de 200 salariés pour 200 millions d'euros de chiffre d'affaires affiche encore une puissance installée relativement modeste : 250 MWc en France - sur un total de 16 GWc dans l'Hexagone - et 200 MWc en Espagne, Hollande et Inde. Cette valorisation à l'issue d'un tour de table bouclé en seulement six mois sur un marché du capital-risque devenu très sélectif témoigne donc de l'appétit des investisseurs pour l'expertise métier développée depuis quinze ans par Technique Solaire. Et surtout du potentiel marché que cela peut ouvrir :

« Le solaire est un investissement considéré comme sûr et c'est le cas. Mais c'est aussi une activité extrêmement compliquée avec de l'ingénierie fiscale, juridique, financière, des métiers techniques dans le bâtiment et l'électrique, du commercial, etc. Ce sont tous ces savoir-faire, que nous maîtrisons, qui sont valorisés », juge ainsi Lionel Themine.

En l'occurrence, Technique Solaire s'est développé historiquement sur l'ensemble de l'aval de la chaîne de valeur du photovoltaïque - développement, construction, exploitation et maintenance - en se spécialisant sur le solaire en toiture, segment sur lequel il se dispute la pole position en France avec Urbasolar. Très active dans la couverture de bâtiments agricoles et la pose de volières photovoltaïques, la société poitevine est également présente sur les centrales au sol et flottantes depuis 2018 et s'est également lancée dans le biogaz avec trois sites de production de biométhane.

Technique Solaire

Le producteur indépendant d'énergies renouvelables Technique Solaire, basé à Poitiers, est spécialisé dans le photovoltaïque en toiture, notamment sur les exploitations agricoles qui représentent 45 % de sa puissance installée. (crédits : Technique Solaire).

Porter quatre milliards d'euros d'investissement

Et pour les trois associés, malgré cette croissance organique avec un chiffre d'affaires multiplié par quatre en cinq ans, l'heure est désormais au changement d'échelle :

« Le marché accélère de façon assez rapide et continuera sur cette tendance jusqu'à 2035 sachant, qu'en plus, la France est en retard sur le déploiement des renouvelables. Pour être capable de répondre à cet enjeu et avoir davantage d'impact, il fallait aller chercher des fonds », explique Lionel Themine.

Technique Solaire a donc réuni 200 millions d'euros pour être en mesure de mobiliser, au total, pas moins de quatre milliards d'euros d'investissement d'ici 2030, dont les trois quarts seront investis en France. « Le premier objectif de cette levée est d'augmenter notre capacité à produire des énergies renouvelables à l'horizon 2030 en multipliant par neuf notre puissance photovoltaïque installée pour atteindre 4 GWc, dont la moitié des projets, soit 2 GWc, est déjà sécurisée, et en multipliant par quinze notre production de biogaz avec vingt unités en cours de développement », déroule Thomas de Moussac.

Mais les trois associés n'entendent pas s'arrêter là avec aussi des projets de R&D dans les installations agrivoltaïques - volières, ombrières, serres et abris climatiques -, dans des nouveaux modèles économiques tels que les CPPA (corporate power purchase agreements, contrat de vente directe à une entreprise) et l'autoconsommation et, aussi, dans les solutions de stockage de l'électricité solaire à l'aide de batteries.

Enfin, l'international n'est pas en reste. Technique Solaire est l'une des quatre entreprises du solaire présente en Inde avec TotalEnergies, Engie et EDF et compte bien pousser son avantage, comme l'ajoute Julien Fleury. « C'est un marché très stratégique pour nous tant par sa taille que par ses capacités foncières et par ses enjeux prégnants de décarbonation et de dépollution ». La PME poitevine vient ainsi d'acquérir, auprès de l'opérateur indien Renew Power, cinq centrales solaires déjà en exploitation pour une puissance de 135 MWc.

200 recrutements et des BSPCE

Pour tenir la cadence de l'accélération, Technique Solaire prévoit de doubler de taille dans les années qui viennent avec 200 recrutements d'ici 2030. Et pour attirer les bons profils sur un marché concurrentiel, les fondateurs ont emprunté aux startups l'outil du BSCPE. Cette catégorie particulière de stocks options permet une forme d'actionnariat salarié lié à la durée de présence dans l'entreprise. « Lors de cette levée, les salariés qui avaient des BSPCE ont récupéré 6,3 millions d'euros, c'est un moment important de partage de la création de valeur et de reconnaissance du travail collectif », considère Lionel Themine.

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Commentaires 3
à écrit le 15/11/2023 à 12:01
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@Photo73 : " Un pays pur hydroélectrique c'est le Canada, vous ne leur vendrez jamais d'éoliennes ni de réacteurs nucléaires, ils ont tout ce qu'il faut, à pas cher " // LOL vous confondez Québec avec le Canada car au Canada ( hors Québec ) il y'...

à écrit le 10/11/2023 à 19:49
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" Aujourd'hui, c'est devenu une évidence, c'est l'énergie la moins chère et celle qui est la plus installée dans le monde ! " Oui mais c'est une énergie incapable de satisfaire les besoins des consommateurs, vu qu'elle dépend de l'insolemment et que...

le 11/11/2023 à 20:08
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Y a 2 hivers la Norvège a dû brûler du gaz (norvégien, qu'elle n'a pas pu nous vendre) à cause du vent qui ne soufflait pas assez fort. Un pays pur hydroélectrique c'est le Canada, vous ne leur vendrez jamais d'éoliennes ni de réacteurs nucléaires, i...

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