Comment Immunrise Biocontrol propose de débrider l'innovation agricole en France

Immunrise Biocontrol deviendra-t-elle le symbole de la lourdeur des procédures européennes d'autorisation de nouveaux produits phytosanitaires ? Des élus girondins montent au créneau pour défendre cette biotech bordelaise qui développe des alternatives aux pesticides classiques. Son dirigeant propose des solutions « pour gagner trois ou quatre ans » et ainsi faciliter le retour sur investissement des jeunes entreprises innovantes face aux géants du secteur qui verrouillent le marché.
Immunrise Biocontrol a développé une microalgue antifongique capable de protéger les cultures agricoles et de remplacer les pesticides de synthèse.
Immunrise Biocontrol a développé une microalgue antifongique capable de protéger les cultures agricoles et de remplacer les pesticides de synthèse. (Crédits : Immunrise Biocontrol)

Créée en 2016 par Lionel Navarro, directeur de recherche au CNRS et Laurent de Crasto, ingénieur agronome et oenologue, Immunrise Biocontrol développe une bio-solution pour lutter contre les ravageurs et les maladies des cultures en utilisant les micro-algues. Cette solution a été testée ces cinq dernières années sur des vignes en Gironde, dans le vignoble de Cognac et en Champagne. Des essais vont désormais débuter sur des cultures maraîchères.

Les avantages de cette solution ? « Elle peut être une alternative aux produits chimiques et au cuivre. C'est un produit naturel et biodégradable qui ne laisse pas de résidu et permet de lutter contre la maladie sans impacter l'environnement et la santé des consommateurs  », explique Laurent de Crasto pour qui « ces produits de biocontrôle doivent être développés et accéder au marché. » Le plus tôt sera le mieux mais c'est bien là tout le problème !

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Les  voix d'élus s'élèvent

Immunrise Biocontrol travaille précisément à la constitution d'un dossier de demande d'autorisation pour une homologation au niveau européen. Et Laurent de Crasto cible désormais une mise sur le marché en 2028 ou 2029, soit douze à treize ans après la création de l'entreprise. « Sur un produit classique, on estime à cinq ans la procédure d'approbation de la substance active au niveau européen, et au moins deux ans au niveau national pour obtenir l'AMM [autorisation de mise sur le marché, ndlr]. Soit à peu près sept ans en moyenne », se désolait ainsi il y a quelques mois François Hervieu, chef du service régional de l'alimentation de la Draaf (Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt) Nouvelle-Aquitaine.

De quoi faire réagir Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine, qui en décembre dernier au moment de signer le Pacte d'ambition pour l'agriculture biologique, a tiré la sonnette d'alarme sur ces complexités administratives. « Immunise Biocontrol cherche à se faire homologuer aux Etats-Unis », avait-il lâché ciblant la lenteur et la lourdeur des procédures administratives en France et en Europe. Frédéric Zgainski, député de la Gironde (*), a également interpellé le ministre de l'Agriculture, début mars, sur cette question :

« La transition vers une agriculture plus durable passe par une modification des pratiques agricoles. Cela nécessite un vrai soutien à l'innovation pour trouver des alternatives aux produits de synthèse, je pense en particulier aux solutions de biocontrôle qui font appel à des mécanismes naturels. Il est urgent de soutenir cette filière. En parallèle, il est nécessaire d'alléger les procédures d'homologation particulièrement longues, complexes et parfois décourageantes pour nos jeunes entreprises. »

Et de citer en particulier Immunrise Biocontrol implantée sur sa commune, Cestas, au sud de l'agglomération bordelaise.

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Des autorisations de mise sur le marché provisoires ?

Immunrise Biocontrol doit faire face à deux obstacles. Le premier est scientifique et technique, le second règlementaire avec des délais et des coûts d'homologation importants pour de jeunes entreprises comme la sienne. « De l'ordre de deux à quatre millions d'euros », confie Laurent de Crasto. « Le coût du niveau actuel d'exigences réglementaires pour obtenir une autorisation de mise sur le marché ou une approbation est tel que globalement seules des grandes entreprises leader du marché sont en capacité de l'assumer », souligne Laurent de Crasto. Une barrière à l'entrée qui tend à verrouiller le marché. L'entrepreneur girondin a écrit début décembre à Emmanuel Macron en proposant une alternative sur la base d'une adaptation des dispositifs réglementaires.

« Je considère qu'il faut respecter les règles et que modifier l'Europe serait très compliqué, mais il y a une option qui consisterait à ce que la France délivre des autorisations de mise sur le marché provisoires, sous réserve que le dossier soit construit, validé et ne présente pas de danger. Ce système préexistait il y a une vingtaine d'années. Cela permettrait de gagner trois ou quatre ans qu'il faudrait de toute façon à l'Europe pour homologuer le produit. Les autorisations temporaires auraient l'avantage d'assurer un retour sur investissement aux entreprises tout en assurant l'accès plus rapide aux utilisateurs. Cela permettrait aussi de réaliser des études d'impact qui n'existent pas aujourd'hui », explique Laurent de Crasto.

À ce stade, Immunise Biocontrol réfléchit effectivement à lancer d'autres homologations pour d'autres zones du monde.

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(*) Député de la 7e circonscription de Gironde depuis 2022 en qualité de suppléant de Bérangère Couillard lorsque celle-ci était ministre, Frédéric Zgainski est redevenu suppléant après le dernier remaniement de début 2024 qui a vu Bérangère Couillard quitter le gouvernement.

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