Biosolutions : la sortie des pesticides face à la « lenteur administrative »

Alors que les produits de biocontrôle doivent permettre de se passer des pesticides en agriculture, leurs processus d'autorisation sanitaire et commerciale peuvent traîner de cinq à dix ans. Un vrai frein à la transition agronomique que la Région Nouvelle-Aquitaine veut toujours lever, un an après avoir voté une feuille de route dédiée.
Maxime Giraudeau
Les agronomes d'Elicit Plant testent un produit biostimulant sur des parcelles expérimentales en Charente.
Les agronomes d'Elicit Plant testent un produit biostimulant sur des parcelles expérimentales en Charente. (Crédits : DR)

« La priorité, c'est de supprimer les molécules traditionnelles en les remplaçant par des solutions alternatives. » Prononcée au milieu du Salon de l'Agriculture de Nouvelle-Aquitaine, qui se tient du 13 au 21 mai à Bordeaux, la citation est celle de Lydia Héraud, conseillère régionale déléguée à la viticulture. Un an après le vote d'une feuille de route pour développer la filière produits de biocontrôle en Nouvelle-Aquitaine, la Région doit presser le pas. Si elle veut tenir son engagement - ambitieux - de doubler la part des produits de biocontrôles d'ici 2026, des difficultés majeures qui ne dépendent absolument pas d'elle doivent être surmontées.

« Sur un produit classique, on estime à cinq ans la procédure d'approbation de la substance active au niveau européen, et au moins deux ans au niveau national pour obtenir l'AMM [autorisation de mise sur le marché, ndlr]. Soit à peu près sept ans en moyenne », se désole François Hervieu, chef du service régional de l'alimentation de la Draaf (Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt) Nouvelle-Aquitaine. Un parcours que la ferme charentaise Elicit Plant a, par exemple, accompli auprès de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail). Or, les promoteurs des biosolutions estiment que ces produits, non-issus de la chimie de synthèse, devraient moins avoir à prouver leur fiabilité vis-à-vis de la santé environnementale et humaine que les pesticides.

L'Anses moins exigeante ?

« Les délais peuvent être pénalisants car, pour un même produit, nous devons obtenir une autorisation de mise sur le marché pour chaque type de culture. Nous devons à chaque fois démontrer l'efficacité du produit sur les plantes, l'impact sur l'environnement... Sans cela, le produit pourrait être transposé d'une culture à l'autre en 18 mois au lieu de cinq ans ! », estime Damien Facci, directeur commercial agriculture chez Koppert France, filiale d'un groupe hollandais. « Le problème, c'est la lenteur administrative », résume-t-il alors que le potentiel commercial est énorme.

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Une filière à forte croissance

En 2021, le marché des produits de biocontrôle s'est porté à 274 millions d'euros en France. Un record en hausse de 16 % par rapport à 2020, contre 9 % l'année précédente, selon les chiffres du lobby international IBMA. Alors que la filière représente 13 % des traitements en France, la Région Nouvelle-Aquitaine veut atteindre les 25 % d'ici 2026.

Pour raccourcir ces délais et favoriser la transition, le monde des biosolutions plaide pour un traitement particulier. « Il faudrait adopter une approche qui soit spécifique de ce type de produit, avec éventuellement moins d'exigences en termes d'étude et d'évaluation du risque », propose François Hervieu. « On travaille avec l'Anses pour essayer d'accélérer les délais », indique Lauraent Augier, directeur d'Agri Sud-Ouest Innovation, qui fédère une centaine d'acteurs entre les pôles de Bordeaux, Toulouse et Montpellier. Un réseau que l'Anses a d'ailleurs rejoint.

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Une ouverture intéressante aussi pour l'agrochimie

Mais cette faveur demandée, certes nécessaire pour la transition écologique, pourrait être empêchée par le lobby agrochimique. « Cela peut créer un problème de distorsion de traitement mais l'agrochimie est présente aujourd'hui sur l'ensemble des secteurs d'activité, y compris sur la biosolution et le biocontrôle. Une accélération de la mise sur le marché est intéressante pour tout le monde », argumente François Hervieu.

Depuis la constitution d'un cluster sous l'égide de la Région Nouvelle-Aquitaine en 2019, une vingtaine d'AMM ont été acquises parmi les 90 membres qui le forment. La signature de la feuille de route régionale en 2022 n'a pas encore produit ses effets mais les acteurs concernés saluent une politique tout à fait unique à cet échelon et « dans l'ère du temps ». « Nous avons besoin d'une action collective qui soit plus massive, en partant de la recherche, de l'expérimentation pour accélérer la mise sur le marché. Ça fait partie des briques de la transition agricole en Nouvelle-Aquitaine », insiste la conseillère régionale Lydia Héraud.

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Un nouveau président à la tête du Salon de l'Agriculture Nouvelle-Aquitaine

Ce mardi 16 mai, le conseil d'administration du Salon de l'Agriculture de Nouvelle-Aquitaine a élu un nouveau président à sa tête en la personne de Luc Servant, président de la Chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine depuis 2020. Il succède à une figure emblématique de l'agriculture aquitaine, en la personne de Dominique Graciet, agriculteur landais de Benesse-Maremne. Luc Servant, agriculteur à Benon (Charente-Maritime), où il cultive 183 hectares de céréales et protéagineux, prend logiquement la tête du Salon de l'agriculture de Nouvelle-Aquitaine et d'Aquitanima en tant que nouveau président consulaire régional.

« Mon objectif est d'ancrer ce salon régional comme un outil de communication de l'agriculture vers le grand public et les élèves. Ils viennent déjà nombreux et c'est très important. Nous allons également donner une envergure plus régionale au salon. Il faut que les gens n'aient pas peur de venir à Bordeaux pour passer une journée au salon », a souligné ce mardi Luc Servant à La Tribune, en référence à la nouvelle taille de la région créée en 2016.

Maxime Giraudeau

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