Une coopérative du Limousin cherche 1 million d'euros pour cultiver l'urbanisme rural

Rénover des logements et animer des ateliers d'urbanisme partagé en milieu rural, telles sont les missions de l'Arban sur le plateau de Millevaches dans le Limousin. Forte de quinze ans d'expérience, la coopérative veut réunir 1 million d'euros pour réhabiliter habitations vacantes et bourgs en déshérence. Pour la première fois, elle fait appel à l’État.
Stéphane Grasser, directeur de l'Arban, devant une maison réhabilité par la coopérative à Faux-la-Montagne.
Stéphane Grasser, directeur de l'Arban, devant une maison réhabilité par la coopérative à Faux-la-Montagne. (Crédits : MG / La Tribune)

A quel âge est-on légitime pour se donner les moyens de réaliser de grandes ambitions ? Les plus hâtifs ne se posent même pas la question. L'Arban, elle, aura attendu quinze ans. Depuis sa base vie de Faux-la-Montagne, sur les hauteurs du plateau de Millevaches en Creuse, la coopérative a atteint l'âge des possibles. A proximité de la place du village entourée de maisons en pierre granitique, passoires thermiques pour certaines, l'équipe veut continuer à « remettre en vie le patrimoine foncier du territoire » à l'heure de la crise immobilière.

Une œuvre défendue par celui qui dirige l'Arban depuis ses débuts, Stéphane Grasser. A la tête de la Société coopérative d'intérêt collectif et de ses six salariés, l'homme de 56 ans peut autant regarder dans le passé que vers l'avenir. Les locaux partagés avec d'autres associations donnent sur une maison réhabilitée par l'équipe dans un village qui compte 52 % de résidences secondaires. Et abrite aussi les plans d'un projet de reconfiguration d'un centre-bourg. « La coopérative a été créée en réaction à un manque de logements disponibles pour maintenir les populations existantes et en attirer de nouvelles. Dans une zone rurale isolée comme la nôtre, les opérateurs classiques ne venaient plus », rembobine-t-il pour La Tribune. Foncière solidaire, agence d'urbanisme rural et conseil en rénovation thermique : la structure cumule aujourd'hui les missions.

Elle gère huit biens en location sur le territoire du parc naturel régional, participe au réaménagement de plusieurs centres-bourg et anime des ateliers de coconstruction réguliers avec les habitants, pour un modèle économique légèrement excédentaire. Toute municipalité, tiers-lieu ou propriétaire en quête d'un œil avisé a désormais pour habitude de toquer à la porte de l'Arban - qui évoque l'idée de chantier collectif pour le bien public en occitan. « On a créé une notoriété qui fait qu'on vient nous chercher », commente le directeur. Et qui va désormais nécessiter de nouveaux financements pour être honorée.

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Ressources limitées

Pour relancer la machine coopérative et répondre aux demandes croissantes, l'équipe veut réunir 1 million d'euros. Une ambition élevée, qui représente quatre fois son chiffre d'affaires annuel et presque la moitié de son capital social (600.000 euros), mais indispensable pour assurer la continuité du service à l'heure de l'inflation. L'apport des 180 sociétaires, aux deux tiers des citoyens, ne suffit plus. L'Arban s'en remet à l'État via la Banque des Territoires. « On a un peu épuisé notre territoire au regard de ses faibles ressources, ce n'est pas une communauté de communes qui peut faire face au projet qu'on porte. La Banque des Territoires est un acteur auprès duquel on veut le faire entendre », en appelle Stéphane Grasser.

En quête de fonds depuis un an, la coopérative est toujours dans l'attente d'un retour. Elle a également approché le fonds France Active, dédié aux entreprises engagées. En attendant, les projets sur plan fleurissent entre maisons adaptées pour personnes âgées ou extension d'un centre d'accueil pour demandeurs d'asile. Au capital de la société, le Parc naturel régional de Millevaches, le département, la communauté de communes et les municipalités s'impatientent. « On utilise les outils de l'Arban pour pleins de projets, appuie Catherine Moulin, la maire de Faux-la-Montagne. Dans l'écoquartier du four à pain, c'est un logement passerelle qui permet d'accueillir des habitants pour tester leur envie d'habiter sur le territoire. Dans le centre-bourg, ce sont des maisons pensées pour loger des personnes âgées ou à mobilité réduite. C'est aussi un travail pour anticiper le futur PLUi ou pour aborder la question de l'habitat léger. »

maison arban urbanisme

Une maison réhabilitée par l'Arban pour des personnes âgées. A gauche, une partie a été démolie pour créer un espace extérieur. (crédit : MG / La Tribune)

Démolir pour mieux vivre ?

Alors que les élus doivent agir pour la rénovation thermique des bâtiments et commencent à anticiper le Zéro artificialisation nette, l'expertise de l'Arban devient incontournable sur le plateau. Et même au-delà. La coopérative accompagne une vingtaine de communes sur les trois départements de l'ex-Limousin. Avec une compétence plébiscitée : l'étude-action sur le bâti vacant, qui permet de recenser les logements inoccupés et de flécher certains biens vers l'Établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine pour porter des programmes ambitieux.

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Mais la structure doit aussi bousculer les élus quand il s'agit de toucher au patrimoine pour répondre aux nouveaux besoins. A Faux-la-Montagne, l'Arban a dû démolir une partie d'une maison pour donner un peu de lumière. « On a préféré réaliser une démolition partielle pour créer un espace privatif extérieur, dessine Stéphane Grasser. Cette manière de repenser le bâti de nos bourgs, c'est une façon de ramener de l'attractivité en répondant aux besoins de nos modes de vie contemporains. » De quoi bousculer les habitudes à l'ombre des clochers. L'équipe va aussi lancer un service de conseil à l'adaptation au changement climatique pour les petites communes. Histoire d'être encore agitatrice d'idées foncières servies sur un plateau.

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Commentaire 1
à écrit le 24/04/2024 à 9:46
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Le tourisme a permis de sauver une partie de notre patrimoine immobilier mais cela reste un trou noir sémantique.

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