Dans un mois, Peio Etxeleku, PDG d'Agour, accueillera ses premiers locataires. Un nouveau métier pour le groupe agroalimentaire, connu pour son fromage Ossau-Iraty et son jambon de Bayonne ? « Une réponse d'une entreprise privée à un problème public », souligne celui qui est par ailleurs élu à la communauté d'agglomération Pays basque, conseiller municipal à Cambo-les-Bains et président du parti basque EAJ-PNB.
« La pénurie de logements est telle qu'il devient très complexe de vivre et travailler au Pays basque. Nos salariés sont contraints de s'éloigner ou d'accepter des logements inadaptés. Nous avons aussi dû refuser des candidats qui viennent d'autres régions et avons plusieurs saisonniers qui ne peuvent accepter un poste à l'année car ils n'ont pas de solution pérenne ! »
Il n'est certes pas le seul à faire ce constat, car de nombreuses entreprises locales citent le logement parmi leurs préoccupations principales. Mais il a été le premier à réintroduire une vieille pratique : celle de proposer un toit à une partie de ses collaborateurs, comme de nombreuses entreprises dans le Nord de la France et de l'Europe le faisaient au 19e siècle et début du 20e. « Surtout des sociétés industrielles et familiales comme Agour », pointe le dirigeant de l'entreprise cofondée par son père Jean en 1981.
Emplois pérennisés
Dans un mois, les premiers salariés pourront aménager dans les six appartements qui ont été créés dans une ancienne ferme à Cambo-les-Bains. « La localisation est proche du siège à Hélette, où travaillent 110 personnes. Nous avons choisi une rénovation complète, avec notamment un toit équipé de panneaux photovoltaïques, plutôt qu'une construction car cela est plus respectueux de l'environnement. Malgré les surcouts engendrés, nous proposons des prix de location 25 % à 35 % inférieurs à ceux du marché », souligne Peio Etxeleku.
Une offre plus qu'attractive. Quatre jeunes salariés ont déjà été sélectionnés pour les deux T2 et deux T3. « Parmi eux, il y a des saisonniers à qui nous pouvons offrir un contrat à l'année. Le plus petit des six appartements est réservé aux alternants et stagiaires et le plus grand sera dédié à la colocation et proposé aux startuppeurs que nous accueillons depuis quelques mois car l'on manque aussi de locaux d'entreprise dans notre région », rappelle l'industriel.
Dix entreprises associées
C'est bien pour cela que trois espaces sont réservés aux artisans dans les deux projets plus ambitieux qu'il a lancé en parallèle. Pas tout seul cette fois, mais par un consortium de dix entreprises qui vient d'être créé : outre Agour, l'on y trouve le fabricant de selles Voltaire de Bidart, le plasturgiste Somocap de Jatxou, le fabricant de yaourts Bastidarra de Bardos ainsi que le cabinet comptable Sogeca (Anglet). Mais aussi cinq spécialistes du bâtiment : le bureau d'études Groupe Ingénierie Construction (Anglet), la société de maîtrise d'œuvre Betiko (Bayonne), E.L.M Construction (Hasparren) et les entreprises Capet (électricité, climatisation) et Abilan (menuiserie), respectivement de Lahonce et Macaye.
« Nous sommes unies par la même ambition et investissons 2,5 millions d'euros pour rénover deux maisons, à Ayherre et à Hasparren, d'ici la fin de cette année. Nous avons imaginé cette fois un parcours résidentiel : nos salariés pourront d'abord louer l'un des onze logements pendant six ans au maximum puis en acquérir l'usufruit à un prix là aussi inférieur au marché, détaille Peio Etxeleku. Ce mécanisme évite à la fois qu'un bien soit acheté pour de la spéculation et permettra aux entreprises de le racheter, au maximum cinq ans après la fin du contrat du travail, à un prix défini ».
Dans ce montage immobilier innovant, le consortium gardera en effet la nue-propriété des biens, alors que l'usufruit, le droit d'utiliser le bien, peut se transmettre. Pour définir les heureux élus, une commission d'attribution sera créée. « Onze logements pour dix entreprises, c'est peu, mais c'est un début. Et les dix associés n'ont pas les mêmes besoins aux mêmes moments. Ces projets montrent qu'il est possible de trouver des solutions », appuie le dirigeant.
Avec beaucoup de persévérance. Le plus difficile pour les dix associés a été, contre toute attente, de trouver des banques prêtes à financer cette opération. Outre la disponibilité des financements et des biens à rénover, la rigidité des règles de l'urbanisme freine des entreprises qui aimeraient, elles aussi, aider leurs salariés. « Dans notre projet de nouvelle usine, nous aurions aimé créer des studios pour accueillir nos nouveaux salariés et nos stagiaires qui ont beaucoup de mal à se loger. Or, la règlementation actuelle ne le permet pas... », regrette Pierre Forté, PDG de Pragma Industries, spécialiste des piles à hydrogène à Biarritz.
Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !