Le logement, un casse-tête pour les travailleurs saisonniers au Pays basque

Sur un marché immobilier très tendu dans les Pyrénées-Atlantiques, les travailleurs de courte durée refusent des offres d'emploi faute de logement, que ce soit sur le littoral ou en montagne. Des initiatives publiques et privées émergent mais peinent encore à satisfaire les besoins alors que la saison estivale va débuter.
Une fois la saison terminée à La Pierre-Saint-Martin (Pyrénées-Atlantiques), les deux maisonnettes de Mugi, installées depuis début décembre sur un parking de la station pour loger des travailleurs saisonniers, passeront l'été à Anglet, sur la côte.
Une fois la saison terminée à La Pierre-Saint-Martin (Pyrénées-Atlantiques), les deux maisonnettes de Mugi, installées depuis début décembre sur un parking de la station pour loger des travailleurs saisonniers, passeront l'été à Anglet, sur la côte. (Crédits : Mugi)

Une fois la saison terminée à La Pierre-Saint-Martin (Pyrénées-Atlantiques), deux maisonnettes d'un genre particulier, installées depuis début décembre sur un parking de la station, passeront l'été à Anglet, sur la côte. Après le cuisinier de l'un des restaurants d'altitude, ce sera au tour de saisonniers accueillant les touristes estivaux de tester ces habitations itinérantes imaginées en 2020 par Soliha, une association nationale de l'habitat privé à vocation sociale, avec l'institut Nobatek/INEF4, basé à Bordeaux et Anglet, et l'architecte basque Iñaki Noblia.

« Offrir des logements abordables et durables est un enjeu économique et sociétal. Avec ce projet, nous visons une population particulièrement vulnérable, celle des travailleurs saisonniers et temporaires, pour lesquels l'hébergement est insuffisant. De nombreuses offres d'emplois ne sont pas pourvues pour cette raison », explique Benoît Caussade, le directeur de Soliha au Pays basque.

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Un village itinérant

Comme leur nom l'indique, Mugi signifiant « bouge » en basque, les modules se déplacent sur des remorques, sans besoin de grue, pour être installés la même année à différents endroits du territoire, près de la mer, en montagne, mais aussi dans les champs au moment des vendanges ou de la cueillette du piment d'Espelette. Un troisième module est en construction et, à terme, douze modules privatifs et trois modules communs (salle de bains, cuisine), pouvant loger 15 à 20 saisonniers, seront proposés par Soliha.

Soutenu par de nombreux partenaires dont la Région Nouvelle-Aquitaine, le Département des Pyrénées-Atlantiques, la Communauté d'agglomération Pays basque (CAPB), la CAF et Action logement, l'association s'occupe de déplacer, installer puis louer les maisonnettes.

« Les modules sont aujourd'hui sur des terrains (mis à disposition par les collectivités, ndlr) raccordés aux réseaux, mais notre solution lombrifiltre, des lombrics traitant les eaux usées, permettrait de se passer d'un réseau d'assainissement. Quant à l'électricité, une alternative consiste à mettre en place des panneaux photovoltaïque avec un système de stockage », détaille Thomas Garnesson, chef de projet chez Nobatek/INEF4.

Les partenaires visent un coût par module environ deux fois moindre que pour une « tiny house » (une cinquantaine de milliers d'euros).

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« Nous avons travaillé uniquement avec des matériaux locaux et biosourcés, comme le bois de tulipier. Pour qu'ils soient abordables, les modules sont simples, mais bien isolés et avec deux façades vitrées pour avoir de la lumière naturelle et limiter les besoins en chauffage », expose Iñaki Noblia. Autre particularité du projet, les partenaires proposent de partager leur méthode pour que d'autres puissent construire leur propre village itinérant dans des régions où la crise du logement saisonnier est forte.

Prise de conscience

« Les saisonniers ont de plus en plus de difficultés pour se loger, mais dans d'autres secteurs les entreprises peinent aussi à recruter en raison de la pénurie de logements », souligne Florence Burdin, directrice marketing, immobilier et technologies du Crédit agricole Pyrénées Gascogne. Puisque la difficulté de recrutement ne concerne plus seulement le secteur touristique, la prise de conscience semble devenir plus forte. Toutefois, très peu de projets sont, comme Mugi, dédiés aux saisonniers, car leurs demandes sont sans doute les plus complexes à satisfaire pour, au moins, trois raisons. Premièrement, la pénurie est telle que ces locataires qui cherchent un toit pour quelques semaines ou mois ne sont pas les premiers servis. La nouvelle réglementation limitant la location meublée, entrée en vigueur au premier mars, devrait, en outre, plutôt jouer en leur défaveur en limitant l'offre.

Deuxièmement, les saisonniers sont de moins en moins des locaux. Enfin, si les besoins d'hébergement restent concentrés sur les deux mois estivaux, ils peuvent désormais durer trois voire quatre ou cinq mois car la saison touristique s'allonge. Par conséquent, il est plus difficile de coupler leurs besoins avec ceux des étudiants, qui partent de leurs appartements l'été.

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La cohabitation se développe

Les saisonniers devraient, cependant, profiter des différents projets privés et publics, certes plutôt de petite taille, ciblant les étudiants, dont le nombre devrait passer de 7.500 à 10.000 à l'horizon 2025 selon l'ambition partagée de la CAPB et de l'Université de Pau et des pays de l'Adour. Le Crous de Bordeaux-Aquitaine propose à date, seulement, 500 places en résidences universitaires sur le territoire, un taux inférieur à d'autres régions, et en prévoit une petite centaine de plus dans de nouvelles résidences d'ici fin 2024. Pour élargir son offre, l'organisme a innové en signant fin février avec l'Office 64 de l'Habitat une convention pour « répondre à l'urgence de la situation » en proposant aux étudiants, stagiaires et aussi aux saisonniers des chambres dans des logements sociaux occupés par des personnes de plus de 60 ans.

Cette cohabitation intergénérationnelle, introduite par la loi Elan et réservée aux seniors et jeunes de moins de 30 ans, a également inspirée Manuela Dizier Chanfreau, fondatrice de l'agence Butrfly qui met des familles en relation avec des filles au pair.

« Nous avons créé fin 2022 Chambrehabitant.fr pour faciliter la location -minimum un mois, maximum dix - de chambres par des particuliers, propriétaires ou non et de tous âges. Mais ce uniquement aux moins de 30 ans, qu'ils soient salariés, saisonniers, apprentis, étudiants ou stagiaires. Nous avons déjà dix à quinze inscriptions par jour, alors que la recherche de logements par les saisonniers, pour cet été, et les étudiants, pour septembre, n'a pas réellement commencé », témoigne-t-elle. Chambrehabitant.fr, qui assiste les locataires et loueurs avec les démarches administratives, référence à date une vingtaine de logements situés dans des résidences principales ou secondaires.

Alors qu'il devient complexe de trouver des terrains à bâtir, les efforts se concentrent aussi sur la rénovation. A Bayonne, l'auberge de jeunesse propose depuis sa reprise par le groupe bordelais Hotel20 quelques lits aux saisonniers. De même, l'auberge de Biarritz devrait en proposer, mais à horizon 2025 ou 2026.

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Commentaires 2
à écrit le 27/03/2023 à 10:21
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Tout le monde connaît la solution : les réfugiés ukrainiens, qui sont hébergés gratuitement par des sympathisants, dans leurs maisons de vacances le plus souvent. Où est le problème ?

à écrit le 23/03/2023 à 9:18
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Et avec l'effondrement du pouvoir d'achat et l'inflation c'est un phénomène qui se propage un peu partout en France commençant forcément par les régions touristiques mais pas que, combien de parisiens dorment dans leurs bagnoles alors qu'ayant un tra...

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