Aéronautique : Sylphaero innove pour voler plus propre et plus vite

Dans un contexte de décarbonation de l’aéronautique, Sylphaero veut faire sa part et développe un moteur à réaction 100 % électrique. Au stade de la preuve de concept, la jeune entreprise mérignacaise mène une levée de fonds pour mettre au point un premier démonstrateur destiné à des essais en vol. Elle vise la mise sur le marché d’un moteur pour avions régionaux d’ici à 2030.
Paul Filliette, ingénieur, Damien Engemann et Tom Bernat, les deux associés de Sylphaero.
Paul Filliette, ingénieur, Damien Engemann et Tom Bernat, les deux associés de Sylphaero. (Crédits : Hélène Lerivrain)

Après avoir évolué dans l'ombre, elle se retrouve dans la lumière. La Mérignacaise Sylphaero, créée en 2021 et accompagnée par Bordeaux Technowest, fait partie des seize startups dans le monde à avoir été récompensées en début d'année par le Forum économique mondial dans le cadre du Sustainable aviation challenge (Défi de l'aviation durable). Un prix décerné aux startups qui ont le plus de potentiel pour réduire les émissions mondiales de CO2. Sylphaero développe en l'occurrence les premiers moteurs à réaction 100 % électriques à base de plasma. Concrètement, au lieu de brûler du carburant pour chauffer l'air à l'intérieur du moteur, l'air est chauffé à partir d'arcs électriques de forte puissance.

« Dans l'aéronautique, les acteurs se concentrent sur la propulsion électrique conventionnelle avec des moteurs électromagnétiques, alors que nous travaillons sur un moteur électro-thermique. Nous sommes les premiers à faire ça, presque les seuls », confie Damien Engemann, directeur général de Sylphaero.

Cette technologie n'est pas nouvelle. « Elle est utilisée dans d'autres secteurs, tels que la métallurgie, le nucléaire ou la destruction des déchets d'amiante. Mais l'usage en aéronautique est nouveau pour une raison principale : les batteries n'étaient pas encore assez performantes. Mais nous sommes aussi confrontés à d'autres challenges à côté. L'arc électrique doit être généré en continu en vol », avance notamment Damien Engemann.

L'enjeu de la puissance

Si Sylphaero s'intéresse à cette technologie, c'est parce qu'elle présente plusieurs avantages pour le secteur. « Le premier, c'est de ne plus émettre de CO2 en vol », explique Damien Engeman. Mais il met aussi et surtout en avant la performance, elle-même liée à l'enjeu de décarbonation.

« Il y a déjà sur le marché des avions électriques, mais les moteurs ne sont pas très puissants. Le record en aéronautique, avec les moteurs électromagnétiques dont je parlais, c'est 2 mégawatt sachant qu'un Airbus A320 a besoin de 40 mégawatts. Même si les moteurs évoluent, il sera impossible de décarboner le secteur de l'aviation de cette manière », assure Damien Engemann.

D'où la recherche d'une nouvelle solution pour voler plus vite, avoir plus de puissance et plus grandes capacités d'emport. « Aujourd'hui, le record du monde de vitesse en électrique est de 556 km/h sachant que les avions de ligne volent à plus de 800km/h. Avec un moteur électro-thermique, nous pouvons cibler les mêmes vitesses qu'un réacteur conventionnel dans le civil, à savoir de 900 à 1.100 km/h. Pour d'autres applications, plutôt militaire ou spatiale, il sera possible d'aller encore plus vite et de dépasser 10.000 km/h », prévient Damien Engemann.

Dans un premier temps Sylphaero ciblera le civil, les avions régionaux d'affaires jusqu'à une vingtaine de passagers, puis à terme les avions de ligne comme l'A320. L'objectif, à ce stade, est de mettre sur le marché un moteur pour avions régionaux d'ici à 2030.

En attendant, après deux ans de R&D, la preuve de concept devrait être terminée d'ici au mois de juin. Sylphaero mène en parallèle une levée de fonds, car elle travaillera dès janvier 2025, sur un nouveau moteur, plus puissant, dédié à des essais en vol sur drone.

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Des freins financiers plus que technologiques...

Reste que le plus gros frein selon Sylphaero aura, jusqu'à présent, été financier. « Dans le secteur deeptech, les coûts sont très importants et au stade de pré-amorçage, les fonds n'investissent pas. Nous avons consacré donc toute l'année 2021 à remplir des dossiers pour des demandes de financement. Bilan, nous avons mis deux ans à développer l'alimentation électrique que nous avons aujourd'hui. 500 000 euros ont jusqu'à présent été investis », explique Damien Engemann et Tom Bernat, son associé, en guise de retour d'expérience.

Avec le Sustainable Aviation Challenge, la reconnaissance est en revanche déjà là et c'est tout un écosystème de partenaires qui suit de près l'entreprise, notamment Dassault Systèmes et Airbus.

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