Horaires, salaires, management : l'hôtellerie-restauration s'adapte pour arriver à recruter

Sur un marché de l'emploi toujours très tendu, les professionnels de l'hôtellerie-restauration découvrent les vertus de la marque employeur pour recruter et fidéliser leurs salariés. Ergonomie des postes, salaires, gestion des plannings et valeurs de l'entreprise sont devenus des arguments indispensables pour se démarquer et espérer constituer les équipes avant la saison estivale.
À l'image des Burgers de Colette, ici à Claouey, sur le Bassin d'Arcachon, de plus en plus de restaurateurs adaptent leurs postes aux attentes des candidats et de leurs salariés.
À l'image des Burgers de Colette, ici à Claouey, sur le Bassin d'Arcachon, de plus en plus de restaurateurs adaptent leurs postes aux attentes des candidats et de leurs salariés. (Crédits : Les Burgers de Colette)

« On entend que les gens ne veulent plus travailler, je n'y crois pas ! Il faut arrêter de pleurer sur notre sort et plutôt respecter et considérer les gens qui travaillent dans l'hôtellerie-restauration, y compris les jeunes, parce que c'est un métier dur », lance Cédrick Poucineau, le directeur opérationnel de Cosy Hôtels qui gère quatre établissements à La Rochelle. Face aux difficultés persistantes de recrutement dans l'hôtellerie-restauration, ce groupe indépendant a revisité son processus de recrutement, ses fiches de postes et son organisation pour arriver à constituer ses équipes à l'approche de la haute-saison et de la réouverture de l'hôtel Saint-Nicolas le 8 avril.

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Face à des candidats structurellement moins nombreux, les employeurs de la filière se retrouvent plus que jamais en concurrence. Un rapport de force inversé qui les contraint à soigner des conditions de travail pour redorer une image souvent dégradée de leurs métiers. « Les difficultés de recrutement ne se sont pas atténuées, au contraire, mais on s'est un peu habitué et adapté. On anticipe davantage et on est beaucoup plus qu'avant à l'écoute des demandes des candidats », confirme ainsi le restaurateur Franck Chaumes qui préside l'Umih Gironde (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie). « On ne peut pas dire oui à tout mais on fait des concessions notamment sur les horaires et la gestion des plannings pour trouver des compromis satisfaisants pour tout le monde. »

Cosy Hotel

Avec quatre établissements à La Rochelle allant du 2 au 4 étoiles, Cosy Hôtels représente 15 % de la capacité hôtelière de la ville (crédits : Cosy Hôtels).

Comme l'an dernier, Cosy Hôtels a ainsi recours à une agence de recrutement pour arriver à trouver les quinze salariés attendus. Et plusieurs tendances sont exprimées clairement par les candidats, témoigne Cédrick Poucineau : « les jeunes, surtout les BAC +2/+3 veulent savoir ce que ça va leur apporter de bosser chez nous, ils consultent beaucoup notre site et nous interrogent sur notre fonctionnement et nos valeurs, notamment environnementales ».

Adapter les horaires autant que le salaire

Pour l'employeur rochelais, cela se traduit par des évolutions concrètes sur la gestion des plannings pour supprimer les coupures, doubler les postes et garantir deux jours de congés consécutifs, dont un weekend par mois. La masse salariale devrait aussi progresser de 8 à 10 % en 2023 à périmètre constant :

« Le salaire n'est pas le critère le plus important à partir du moment où on est bien placé par rapport à la concurrence. Chez Cosy, pour un poste de 39 heures à 1.980 € bruts mensuels, nos primes représentent un gain d'un mois de salaire sur un an pour les CDI et CDD. On y ajoute 1.300 euros de prime Macron en année pleine. C'est aussi un moyen de fidéliser nos 50 salariés qui sont là depuis 4,7 années en 2022 », poursuit Cédrick Poucineau.

Toutes ces problématiques sont bien connues par Christopher Petit, l'un des fondateurs des Burgers de Colette, une chaîne de restauration rapide créée en 2019 qui compte déjà cinq établissements à Bordeaux, Claouey et Rennes. À la tête de cette entreprise de 60 salariés, il a fait des choix clairs : « On s'en sort plutôt bien par rapport à d'autres parce qu'on ne recrute pas de cuisiniers mais des postes d'équipiers polyvalents sur le principe d'un assemblage avec des process très simplifiés à la McDo. On se voit comme un fast good, de la restauration rapide de qualité avec des produits frais et zéro congélation ».

44.000 offres d'emplois en Nouvelle-Aquitaine

44.000 offres d'emplois ont été déposées chez Pôle emploi en Nouvelle-Aquitaine de mars à février 2023 dans l'hôtellerie-restauration, un total en hausse de 9 % sur un an (contre +7 % France entière). La Gironde (13.000 offres, +10 % sur un an), les Pyrénées-Atlantiques (7.000 offres, +8 % sur un an) et la Charente-Maritime (7.000 offres, +6 % sur un an), représentent près des deux tiers du total régional. Il s'agit majoritairement de CDI et de CDD d'un à cinq mois, à temps plein et pour des métiers qualifiés ou non. Les trois profils les plus recherchés sont les personnels de cuisine, les postes de service et les profils polyvalents en restauration. Sur l'année écoulée, 356.000 recrutements ont été effectués dans l'hôtellerie-restauration en Nouvelle-Aquitaine, en hausse de 34 % sur un an.

Management de proximité et reconnaissance

L'autre choix des Burgers de Colette c'est l'attention apportée à la marque employeur pour séduire des salariés de moins de 35 ans : « Il y a une forte attente de convivialité, de management de proximité et de reconnaissance. Cela se traduit, par exemple, par des salaires un peu plus élevés que la concurrence et des primes atteignables chaque mois qui peuvent représenter 200 euros nets par mois pour un manager », détaille Christopher Petit. En parallèle, la chaîne, qui vise dix millions de chiffres d'affaires en 2023, fait aussi un effort sur les plannings, là aussi pour supprimer les coupures, garantir deux jours de congés consécutifs et s'adapter autant que possible aux demandes des candidats et salariés. Et ça semble fonctionner : « Sur la dernière session de recrutement, on a reçu 160 candidatures à Bordeaux et 70 au Cap Ferret en seulement 30 jours. Et on prévoit de recruter 50 personnes en 2023 », sourit le fondateur qui vise l'ouverture de 50 restaurants en cinq ans, dont deux tiers franchisés. Les prochains sont prévus à Angoulême et à Caen.

Chez Sunêlia, groupe de campings qui emploie 2.000 salariés à l'année, une cellule de recrutement est installée à Bordeaux pour l'ensemble de la marque. « Bien sûr nous rencontrons des problèmes de recrutements. Les gens ne veulent travailler ni le samedi ni le dimanche ni après 18 heures, c'est pour ça que nous leur proposons une annualisation du temps de travail », avance son dirigeant Alain Faveau, qui met aussi en avant un salaire supérieur à la moyenne et l'avantage de s'appuyer sur « une marque forte ». Mais, pour lui aussi, il y a également un enjeu de management : « Les propriétaires de campings doivent comprendre que leur management est souvent bien trop souvent directif, paternaliste. Ce qui colle mal avec l'esprit des jeunes qui viennent travailler pour apprendre des choses mais aussi prendre des initiatives. Il y a un aspect qui relève du développement personnel ».

L'enjeu du logement

Des adaptations qui portent aussi leur lot de biais : il est bien plus facile pour une chaîne ou un groupe que pour un petit restaurateur d'adapter les horaires et les plannings de ses salariés. D'autant que s'ajoute aussi à Bordeaux et sur tout le littoral régional des problématiques de logement des travailleurs, saisonniers ou non. À La Rochelle, Cosy Hôtels met à disposition des places de parkings pour ses salariés qui ne peuvent venir autrement qu'en voiture compte tenu du coût du logement sur place. Des campings privés ou municipaux sont mis à contribution dans les zones touristiques et d'autres initiatives voient le jour, notamment sur la côte basque où sur le sujet du logement est hautement inflammable. Tandis que certains établissements, contraints ou par choix, décident de réduire leur offre.

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