
LA TRIBUNE - Quelle est la situation de l'emploi saisonnier au Pays basque ?
Corinne CERVEAUX - Nous faisons face à une véritable pénurie de main d'œuvre saisonnière ! Comme ailleurs en France, la situation s'est empirée ces dernières années, mais dans des proportions plus importantes dans notre région. D'après une étude de l'Afdas en 2019, on compte 317.000 saisonniers en France dans différents secteurs, dont 55 % travaillent dans le tourisme (restaurant, hôtellerie, loisirs). Pour le Pays basque, on dénombrait à cette date 9.664 emplois et un peu plus de 4.000 offres. Or, alors que le taux de chômage au Pays basque était de 11,3 % en 2018, il est descendu à 6,4 % en 2022. Cela signifie que peu de ressources sont disponibles localement pour les employeurs, qui sont contraints de faire venir des personnes d'autres régions. Ces dernières ont toutefois le plus grand mal à trouver un logement pendant la période estivale, qui s'étale désormais d'avril à fin octobre.
Que peuvent faire les employeurs ?
D'après une étude de l'Audap (Agence d'urbanisme Atlantique et Pyrénées), 23 % des entreprises logent elles-mêmes leurs salariés saisonniers en louant des mobile-homes dans des campings ou encore des logements libérés par les étudiants pendant juillet et août. Mais tous ne le peuvent pas. Nous leur conseillons avant tout de fidéliser leurs employés saisonniers. D'un côté, avec l'allongement de la saison estivale en raison du morcellement des vacances et le souhait des touristes de partir en France, les employeurs ont plus de visibilité. De l'autre, depuis le Covid, la tension sur les recrutements est devenue plus forte, car de nombreux saisonniers « professionnels », qui faisaient la saison estivale et hivernale, ont changé de projet professionnel. La réforme de l'assurance-chômage des saisonniers a également contribué au fait que les saisonniers se soient sédentarisés (*).
Enfin, les dates de reprise des cours à l'université ont été avancées à mi-septembre, ce qui rend les postes saisonniers moins attrayants pour les étudiants. Et ce même si les salaires ont été largement revalorisés, avec une hausse de 16 % en moyenne, et que les chefs d'entreprise ont beaucoup travaillé sur l'amélioration de l'équilibre vie privée-professionnelle en proposant par exemple des plannings mensuels. Mais une telle organisation peut être mise en place uniquement si l'effectif est au complet...
Corinne Cerveaux, responsable du cluster de tourisme GOazen (crédits : CCI Bayonne Pays basque).
Quelles actions faites-vous pour soutenir les entreprises ?
Nous organisons depuis trois ans des job datings, dont le dernier en date a eu lieu le 7 mars. Il a été fréquenté par 120 candidats et 25 recruteurs qui proposaient plus d'une centaine de postes à pourvoir. Nous œuvrons, par ailleurs, avec le GE64, le groupement d'employeurs Pays basque-Béarn, pour faciliter la pluri-activité entre entreprises et accompagner les salariés en pluri-compétences pour consolider l'emploi local à l'année. Le groupement propose et gère une convention tripartite de contrat de travail, entre l'entreprise, le groupement et le salarié. Ce dernier est employé en CDI par le groupement et partage son temps entre différents postes. Imaginée pour le partage de ressources humaines entre les secteurs agricole et agroalimentaire, nous étendons cette solution au secteur du tourisme depuis 2012.
Ce dispositif permet à un salarié de partager son temps entre des entreprises de deux filières en fonction de la saison, mais aussi au sein de la même filière. Ainsi, une femme de chambre, un métier en forte tension, peut être employé par deux hôtels et un webmaster gérer les sites d'un musée et d'un hôtel. Sur le logement spécifiquement, nous venons de démarrer une enquête pour quantifier les logements sous-occupés une partie de l'année pour trouver des solutions sur la zone côtière, mais pas uniquement. Les stations et communes touristiques - on en compte 16 sur notre territoire - ont d'ailleurs l'obligation de proposer des logements pour les saisonniers sous peine de se voir retirer ce label attribué pour douze ans.
(*) Depuis décembre 2021, la durée minimale de travail pour recharger les droits à l'allocation chômage des saisonniers est passé de quatre à six mois sur les 24 derniers mois pour quatre mois d'indemnisation contre six mois auparavant.
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