3,2 millions d'hectolitres de vins de Bordeaux ont été écoulés l'an dernier, un volume en baisse de 4 % sur un an, pour une valeur totale qui tombe en dessous des quatre milliards d'euros, soit peu ou prou le même niveau qu'en 2019. Alors que le vignoble bordelais est rongé par la crise et arrache actuellement 8.000 hectares de vigne, le CIVB (Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux) a présenté ce 29 avril le bilan de la campagne de commercialisation 2022-2023. Si les chiffres ne sont pas bons, il s'inscrivent dans un marché global du vin qui est, lui-aussi, à la peine avec, notamment, un repli de près de 10 % à l'export après les belles années de la sortie de la pandémie.
Des efforts marketing à l'export
Pour les bordeaux, les ventes diminuent en France (55 % du total) où les AOP rouges sont particulièrement en difficulté dans les rayons de la grande distribution sur fond de désaffection croissante pour le vin et le vin rouge en particulier. La tendance est également à la baisse à l'export (45 % du total) avec un volume en repli de 12 % en volume, au plus bas depuis dix ans, mais de seulement 5 % en valeur. La Chine et le Japon, respectivement 1er et 5e marchés à l'export, sont ceux qui souffrent le plus.
Pour relancer la machine, le CIVB orchestre une vaste campagne de marketing numérique en France et dans le monde anglo-saxon sous les bannières « Ensemble tous singuliers » et « Join the Bordeaux Crew ». Lancée début 2024 au salon Wine Paris, cette stratégie promeut la diversité des vins et des vignerons bordelais pour aller chercher un public plus jeune et féminin, tout particulièrement la génération Z qui aura entre 25 et 40 ans en 2035.
Des prix de transactions inadmissibles
Mais, plus largement, c'est le long combat pour obtenir des prix plus rémunérateurs pour les viticulteurs qui mobilise actuellement l'énergie des équipes et des élus du CIVB. En grande distribution, le prix moyen d'une bouteille de Bordeaux était de 6,16 euros l'an dernier, soit un euro de plus qu'il y a trois ans, mais des offres promotionnelles avec des bouteilles à moins de deux ou trois euros ont suscité la colère des vignerons bordelais ces derniers mois en pleine crise agricole.
Et Allan Sichel, le président du CIVB, de fustiger des « prix de transactions inadmissibles répondant à un besoin de trésorerie immédiat mais très loin de couvrir les coûts de production ». Mais pour y remédier, chacun en a bien conscience, il n'y aura ni baguette magique ni prix plancher automatique. « L'objectif est plutôt de déterminer des indicateurs pertinents qui permettront de calibrer les prix du contrat amont sur des bases éclairées [...] pour que chaque viticulteur puisse vivre de son travail », explique Allan Sichel. Le chemin est aussi étroit que technique mais les professionnels bordelais sont décidés à avancer.
Dans la foulée de la grande réunion du 8 avril dernier qui a fixé un cap vers un contrat de filière, le CIVB a enchaîné les rencontres bilatérales pour faire valoir ses positions auprès des instances du CNIV (Comité national des interprofessions de Vins), des députés Anne-Laure Barbaut et Alexis Izard, qui rédigent un rapport parlementaire sur la loi Egalim, d'Agnès Pannier-Runacher, la ministre déléguée à l'Agriculture, et du ministre chargé du Budget, le Bordelais Thomas Cazenave.
« Approcher l'équilibre volumique »
Dans le même temps, le vignoble bordelais espère pouvoir souffler temporairement en 2024 grâce à la conjonction d'une « très faible récolte 2023 » liée à l'épidémie de mildiou, des dispositifs de distillation et des opérations d'arrachage qui ont débuté sur le terrain : 8.000 hectares auront disparu au 31 mai et 1.500 hectares de plus l'hiver prochain, soit près de 10 % des 103.000 hectares AOP. « Nos projections nous indiquent que nous allons approcher l'équilibre volumique dans les prochaines semaines », déclare ainsi le président du CIVB alors que les volumes disponibles, fortement réduits, pourraient se rapprocher des volumes commercialisés et ainsi « contribuer au redressement des cours les plus bas de Bordeaux rouge ».
Un premier pas auquel devra répondre une indispensable relance de la demande. Outre le marketing en ligne, les vins de Bordeaux s'afficheront en 2024 sur les écrans de Picadilly Circus à Londres ou encore de Times Square à New York. Plus localement, l'évènement « Bordeaux fête le vin » reviendra du 27 au 30 juin 2024.
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