Les vins de Bordeaux en croisade contre « les prix inadmissibles »

16 bouteilles des vins de Bordeaux se vendent chaque seconde dans le monde. C'est sept de moins qu'il y a dix ans. Alors que les ventes ont encore dévissé l'an dernier, le vignoble bordelais espère retrouver un certain équilibre à la faveur d'une petite récolte 2023, du plan d'arrachage et d'efforts marketing. Mais c'est bien le combat pour des prix plus rémunérateurs qui mobilise actuellement les professionnels bordelais.
Rouge, rosé, blanc, pétillant : la nouvelle identité visuelle met en avant la diversité des vins et des vignerons bordelais.
Rouge, rosé, blanc, pétillant : la nouvelle identité visuelle met en avant la diversité des vins et des vignerons bordelais. (Crédits : CIVB)

3,2 millions d'hectolitres de vins de Bordeaux ont été écoulés l'an dernier, un volume en baisse de 4 % sur un an, pour une valeur totale qui tombe en dessous des quatre milliards d'euros, soit peu ou prou le même niveau qu'en 2019. Alors que le vignoble bordelais est rongé par la crise et arrache actuellement 8.000 hectares de vigne, le CIVB (Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux) a présenté ce 29 avril le bilan de la campagne de commercialisation 2022-2023. Si les chiffres ne sont pas bons, il s'inscrivent dans un marché global du vin qui est, lui-aussi, à la peine avec, notamment, un repli de près de 10 % à l'export après les belles années de la sortie de la pandémie.

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Des efforts marketing à l'export

Pour les bordeaux, les ventes diminuent en France (55 % du total) où les AOP rouges sont particulièrement en difficulté dans les rayons de la grande distribution sur fond de désaffection croissante pour le vin et le vin rouge en particulier. La tendance est également à la baisse à l'export (45 % du total) avec un volume en repli de 12 % en volume, au plus bas depuis dix ans, mais de seulement 5 % en valeur. La Chine et le Japon, respectivement 1er et 5e marchés à l'export, sont ceux qui souffrent le plus.

Pour relancer la machine, le CIVB orchestre une vaste campagne de marketing numérique en France et dans le monde anglo-saxon sous les bannières « Ensemble tous singuliers » et « Join the Bordeaux Crew ». Lancée début 2024 au salon Wine Paris, cette stratégie promeut la diversité des vins et des vignerons bordelais pour aller chercher un public plus jeune et féminin, tout particulièrement la génération Z qui aura entre 25 et 40 ans en 2035.

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Des prix de transactions inadmissibles

Mais, plus largement, c'est le long combat pour obtenir des prix plus rémunérateurs pour les viticulteurs qui mobilise actuellement l'énergie des équipes et des élus du CIVB. En grande distribution, le prix moyen d'une bouteille de Bordeaux était de 6,16 euros l'an dernier, soit un euro de plus qu'il y a trois ans, mais des offres promotionnelles avec des bouteilles à moins de deux ou trois euros ont suscité la colère des vignerons bordelais ces derniers mois en pleine crise agricole.

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Et Allan Sichel, le président du CIVB, de fustiger des « prix de transactions inadmissibles répondant à un besoin de trésorerie immédiat mais très loin de couvrir les coûts de production ». Mais pour y remédier, chacun en a bien conscience, il n'y aura ni baguette magique ni prix plancher automatique. « L'objectif est plutôt de déterminer des indicateurs pertinents qui permettront de calibrer les prix du contrat amont sur des bases éclairées [...] pour que chaque viticulteur puisse vivre de son travail », explique Allan Sichel. Le chemin est aussi étroit que technique mais les professionnels bordelais sont décidés à avancer.

Dans la foulée de la grande réunion du 8 avril dernier qui a fixé un cap vers un contrat de filière, le CIVB a enchaîné les rencontres bilatérales pour faire valoir ses positions auprès des instances du CNIV (Comité national des interprofessions de Vins), des députés Anne-Laure Barbaut et Alexis Izard, qui rédigent un rapport parlementaire sur la loi Egalim, d'Agnès Pannier-Runacher, la ministre déléguée à l'Agriculture, et du ministre chargé du Budget, le Bordelais Thomas Cazenave.

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« Approcher l'équilibre volumique »

Dans le même temps, le vignoble bordelais espère pouvoir souffler temporairement en 2024 grâce à la conjonction d'une « très faible récolte 2023 » liée à l'épidémie de mildiou, des dispositifs de distillation et des opérations d'arrachage qui ont débuté sur le terrain : 8.000 hectares auront disparu au 31 mai et 1.500 hectares de plus l'hiver prochain, soit près de 10 % des 103.000 hectares AOP. « Nos projections nous indiquent que nous allons approcher l'équilibre volumique dans les prochaines semaines », déclare ainsi le président du CIVB alors que les volumes disponibles, fortement réduits, pourraient se rapprocher des volumes commercialisés et ainsi « contribuer au redressement des cours les plus bas de Bordeaux rouge ».

Un premier pas auquel devra répondre une indispensable relance de la demande. Outre le marketing en ligne, les vins de Bordeaux s'afficheront en 2024 sur les écrans de Picadilly Circus à Londres ou encore de Times Square à New York. Plus localement, l'évènement « Bordeaux fête le vin » reviendra du 27 au 30 juin 2024.

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Commentaires 12
à écrit le 02/05/2024 à 17:22
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Ne manquez pas de lire "Terres rares" de Jean ,.C. Éditions. Un récit épicurien et érudit qui évoque l’achat de domaines viticoles français par de riches chinois incapables de les gérer. Écrit par un observateur attentif et sans parti-pris, de la Chi...

à écrit le 01/05/2024 à 13:20
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Prix admissibles pour les consommateurs.

à écrit le 01/05/2024 à 12:31
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redorer l'image, valoriser le produit, c'est bien, encore faut il que le produit soit a la hauteur du niveau de prix auquel on souhaite le placer ! Bordeaux n'est plus seul et la qualité moyenne des autres vins a augmenté. il y a donc moins de rais...

le 01/05/2024 à 13:22
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Bonjour, Il est certain que les vins rouges de Bordeaux, dont j'étais un inconditionnel, ne sont plus ce qu'ils étaient. Au vu des prix rédhibitoires de certains rouges de ce vignoble, je me suis lancé, à 74 ans, à l'aventure pour découvrir d'autres...

à écrit le 01/05/2024 à 11:27
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Bah, une nation qui produit pour picoler, on a vu mieux. Le jus de raison non fermenté a aussi plein de vertus. Et que dire, bah le vin ce n'est pas qu'une affaire française hein, tout le monde en produit maintenant. Donc c'est une régulation normale...

à écrit le 01/05/2024 à 8:07
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Et c'est un bon combat par contre faut arrêter avec le lobby du vin en France hein, le potentiel est quand même très limité. A moins qu le vin sans alcool finisse par prendre mais il va falloir bosser le goût ! Or l'alien agro-industriel l'a perdu be...

à écrit le 01/05/2024 à 6:56
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Le coca cola et les burgers qui ont pris le pouvoir sur nos habitudes alimentaires sont une des causes du déclin de la consommation du vin

le 01/05/2024 à 9:28
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non ! le prix ..pour 75cl

à écrit le 30/04/2024 à 22:37
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Heuh... si les distributeurs vendent des "Bordeaux" à pas cher, c'est qu'ils les ont acquis à... pas cher. La philantropie n'étant pas leur qualité première... Dès lors, soit le CIVB montre qu'il sert à quelque chose, soit il met la pédale douce. D'a...

à écrit le 30/04/2024 à 19:10
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Trop cher. Soit ils montent vraiment en gamme pour justifier les prix, soit ils n'ont pas fini d'arracher des milliers d'hectares.

le 30/04/2024 à 23:12
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Mon cher valbel vous avez du apprendre que monter en gamme c'est en général monter en prix, et pour le reste on regarde, donc ça n'intéresse pas les viticulteurs vu que ça suppose un marche plus petit.. ils font juste de l'inflation payee par person...

le 01/05/2024 à 1:16
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@ churchill - Peut être mais au bout du bout ils devront se contenter d'un petit marché avec des prix élevés dans un contexte où la consommation de vin régresse et que le changement climatique n'est pas en.leur faveur pour faire des vins de qualité....

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