Vins de Bordeaux : « Si la consommation baisse encore, le plan d'arrachage sera insuffisant »

ENTRETIEN. Le plan d'arrachage viticole girondin va surtout concerner l'appellation Bordeaux et Bordeaux Supérieur. Des marques d'entrée de gamme qui sont les premières à souffrir de la baisse de la consommation. L'arrachage s’annonce insuffisant pour retrouver la vitalité économique mais est vécu comme une bouffée d'oxygène selon le président du syndicat des Bordeaux et Bordeaux Supérieur, Stéphane Gabard, viticulteur à Galgon.
Stéphane Gabard préside le syndicat des Bordeaux et Bordeaux Supérieur depuis 2020.
Stéphane Gabard préside le syndicat des Bordeaux et Bordeaux Supérieur depuis 2020. (Crédits : Planète Bordeaux)

LA TRIBUNE - Les appellations Bordeaux et Bordeaux Supérieur sont les plus demandeuses du plan d'arrachage en cours dans le vignoble. Était-ce attendu ?

STÉPHANE GABARD - Ce n'est pas surprenant, on s'y attendait ! Les Bordeaux et Bordeaux Supérieur sont l'appellation régionale qui est souvent la moins valorisée, c'est la plus volumique et celle avec le plus de disparité d'opérateurs. Elle est produite sur tout le département, mais environ 70 % de notre appellation se concentre sur la région de l'Entre-Deux-Mers. Sur le Nord Gironde, il y a pas mal d'arrachage demandé car ces vignobles là souffrent aussi.

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Sur les 1.210 dossiers du plan d'arrachage, il y a une partie financée par le CIVB, donc par nous les viticulteurs, qui concerne 500 dossiers. On est sur une population qui va rester dans la profession agricole avec des gens qui veulent se reconcentrer sur un autre atelier de production : élevage ou céréales. Ou carrément des gens qui veulent exploiter moins de vignes pour avoir moins de volume. L'autre partie, financée par l'État, rassemble 700 dossiers pour faire de la renaturation. Ce sont soit des propriétaires fonciers qui ont mis fin au fermage, soit des personnes qui veulent cesser d'être viticulteur.

Première appellation en surface et en volume

L'AOC (appellation d'origine contrôlée) Bordeaux et Bordeaux Supérieur représente environ 50.000 hectares, soit 45 % du vignoble bordelais et 50 % de la production en volume. Produite sur l'ensemble du territoire, elle compte 4.500 opérateurs autorisés à utiliser la marque.

Ce plan d'arrachage est-il suffisant en terme de superficie pour votre appellation ?

C'est une question d'équilibre économique. On est la première région à avoir obtenu un plan d'arrachage en France. Dans les revendications portées par la filière, il y a un besoin de réduction du vignoble dans la quasi totalité des bassins. Si la baisse de consommation de vin se poursuit, non ce ne sera pas suffisant. Si on élabore un nouveau plan national, je pense que Bordeaux postulera aussi. Mais il me semble que le plan actuel va être très nécessaire et nous donner une belle bouffée d'oxygène.

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carte arrachage vin bordeaux

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L'interprofession déploie un vaste plan de communication rafraîchi, qui joue sur les nouvelles modes de consommation. L'approuvez-vous ?

C'est indispensable ! On est dans une baisse structurelle de la consommation. On dit parfois qu'on est en surproduction, j'aime bien dire que le vignoble n'est plus en surproduction mais en sous-consommation. Depuis quelques années, entre les incidents climatiques et la baisse des surfaces, on produit beaucoup moins qu'il y a cinq ou dix ans. Mais la chute de la consommation va plus vite que la chute de production. Il faut reprendre des parts de marché, que ce soit en France ou à l'export. Cette nouvelle campagne publicitaire fait partie de la boîte à outils qui va nous aider à rester présents sur les divers marchés.

L'appellation est-elle prête à se repositionner sur des modes de consommation originaux (sans alcool, cannette, street food...) ?

On a déjà une diversité dans notre appellation régionale. Maintenant, est-ce qu'il faut s'ouvrir encore ? Adapter nos produits à des jeunes consommateurs qui ont une autre vision du vin que celle de leurs parents et grands parents ? Le consommateur a une très bonne approche de l'appellation Bordeaux, ce sont plutôt les relais professionnels et médiatiques qui ont véhiculé le Bordeaux bashing. Mais Bordeaux a fait de très gros efforts au niveau environnemental, on est le premier vignoble AOC de France en terme de labellisation (Bio, HVE). A nous de montrer ce qu'on est capable de faire, il n'y a pas de raison que l'on souffre plus que les autres.

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4.000 hectares vont dire adieu à la vigne pour accueillir de nouvelles productions. Quelles sont les filières aux débouchés économiques pertinents ?

C'est très dur d'orienter nos viticulteurs vers d'autres filières. Toutes les filières agricoles sont plutôt en tension. Quand vous êtes viticulteur, pas facile de vous reconvertir dans une autre filière. C'est toujours de l'agriculture, mais ce n'est pas le même métier ! Ça dépend aussi du potentiel des terres : certaines peuvent retrouver une vocation céréalière, mais pas toutes. Qui dit reconversion dit aussi investissement. On n'a donné aucune orientation à nos adhérents mais on travaille avec la Chambre d'agriculture pour expliquer les contraintes et avantages de chaque filière. Il est urgent de ne pas aller tous vers la même filière parce qu'on sait très bien que si trop de monde va dans la même production, on va la déstabiliser.

Est-ce réaliste d'imaginer des oliviers à Bordeaux ?

Je ne suis pas spécialiste. On voit qu'il y a eu un certain engouement. Avec les sécheresses, les pays du sud de l'Europe ont de plus en plus de mal à fournir la production. Est-ce que notre climat et notre terre sont adéquates ? À Bordeaux, on n'a pas d'endroit pour produire de l'huile, ni de structure industrielle. Il y a eu un certain engouement, certains de nos adhérents y voyaient un eldorado, désormais ils se posent des questions et sont plus prudents.

Comment les viticulteurs vont-ils s'organiser dans les prochaines semaines ?

Le côté administratif a pris un peu plus de temps que prévu car c'est un dispositif très innovant. Avec le ministère et nos représentants en région, on a pu envoyer les autorisations de commencer les travaux ces dernières semaines, l'arrachage est en train de débuter. Nous travaillons avec les établissements bancaires pour avancer les frais de l'arrachage. Certains opérateurs doivent arracher avant de pouvoir toucher la prime.

Ces arrachages doivent être effectués avant le 31 mai, on voit bien qu'il va falloir mettre les bouchées double pour y arriver. Les entrepreneurs de travaux agricoles nous sollicitent beaucoup, ça va s'accélérer ces prochaines semaines.

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Commentaires 2
à écrit le 09/02/2024 à 8:31
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Bref comme tous les néolibéraux ce monsieur est content que les petits ferment au profit des plus gros. Et la valeur travail dans tout ça les gars !? Ça fait belle lurette que vous l'avez oublié.

le 11/02/2024 à 20:04
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Il est déjà insuffisant.....pas besoin d'attendre la baisse de consommation...Bordeaux ne fait plus rêver depuis bien longtemps...ce n'est plus un vignoble de référence....15 à 30 années de crise à venir et aussi de restructuration forcée...et 40 000...

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