« Ce qu'on veut c'est de l'impact ! » : en Gironde, la colère des agriculteurs part de la base

REPORTAGE. L'agriculture girondine a bloqué la rocade bordelaise ce 24 janvier dans le cadre de la mobilisation nationale contre la hausse des taxes. Si le soulèvement est moins important qu'en Occitanie, épicentre de la colère, beaucoup d'agriculteurs se mobilisent pour la première fois et en-dehors des organisations traditionnelles. Signe d'une situation intenable.
Maxime Giraudeau
La mobilisation nationale des agriculteurs s'est faite entendre en Gironde ce mercredi 24 janvier.
La mobilisation nationale des agriculteurs s'est faite entendre en Gironde ce mercredi 24 janvier. (Crédits : Agence APPA)

Des champs au bitume. « Il faut que ça bouge, il faut qu'on soit entendus. Et pour ça il faut tout bloquer ! » Il est un peu plus de 7 heures du matin sur l'entrée nord de la rocade bordelaise et Hervé, viticulteur en bio, se montre excédé par le manque de visibilité. Ses collègues ont stationné leurs tracteurs entre deux sorties de l'axe routier habituellement saturé à cette heure-ci. Mais là, pas une voiture ne passe, la préfecture a déployé les forces de l'ordre pour détourner le trafic. La circulation n'est pas si perturbée.

A l'appel de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs de Gironde, plusieurs centaines d'agriculteurs ont manifesté ce matin sur le périphérique bordelais pour protester contre une hausse des charges et l'importation de denrées soumises à des normes moins strictes qu'en France. La rocade est ainsi bloquée depuis 4 heures du matin quand, plus au sud, des perturbations ont lieu sur les autoroutes au niveau de Bayonne, Agen et Mont-de-Marsan.

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« On est tous confrontés à cette mondialisation, on est face à des agriculteurs de l'autre bout de la planète qui ont des coûts de production moins élevés que les nôtres », tempête le vigneron. Une distorsion de concurrence qui ne passe plus depuis que le gouvernement a annoncé la fin progressive d'une exonération fiscale sur le gazole non routier d'ici 2030. La mesure de transition écologique était approuvée par la FNSEA début janvier avant que de nombreux groupes d'agriculteurs ne la dénoncent. Une divergence qui se fait sentir dans le cortège.

manifestation agriculteurs rocade bordeaux

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Les tracteurs ont bloqué l'entrée nord de la rocade bordelaise dès 4h du matin ce 24 janvier. (crédits : Sébastien Ortola / Agence APPA)

« C'est la base qui pousse très fort »

« La FNSEA ne voulait pas bloquer complètement Bordeaux. Mais nous ce qu'on veut c'est de l'impact ! », s'agace Steven. Comme beaucoup ce matin, l'éleveur de vaches âgé de 26 ans n'est pas membre du syndicat à l'origine de l'appel à manifester. Qu'importe puisque le calvaire est généralisé dans les 390.000 exploitations agricoles de France. Si l'épicentre du mouvement se concentre en Occitanie depuis plus d'une semaine, les mêmes protestations cherchent à se faire entendre depuis toutes les régions.

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Quelques centaines d'agriculteurs occupent la rocade bordelaise pour exprimer cette opposition et secouer l'organisation syndicale. Celles et ceux qui ont quitté leur ferme en pleine nuit veulent être visibles. Vers 9 heures 15, sous la pression, les responsables départementaux de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs valident le lancement d'une opération escargot dans chaque sens de la ceinture périphérique. Environ 160 tracteurs y sont stationnés.

manifestation agriculteurs rocade bordeaux

manifestation agriculteurs rocade bordeaux

Le cortège est resté plusieurs heures immobile avant de s'engager sur le reste de la rocade ouverte à la circulation. (crédits : Sébastien Ortola / Agence APPA)

Les représentants confirment observer cet élan qui vient d'en bas. « Je ne m'attendais pas à autant de monde et autant de tracteurs. On à l'habitude des mobilisations à cette période mais cette année c'est la base qui pousse très fort, plutôt que les organisations », note Jean-Samuel Eynard, président de la FDSEA Gironde. Son homologue de la chambre d'agriculture Jean-Louis Dubourg s'en étonne : « On voit beaucoup d'agriculteurs qu'on a jamais vu dans des réunions syndicales. »

Désunion syndicale

Et même des professions inhabituelles, comme Angelina, apicultrice dans l'Entre-deux-mers. « J'ai les mêmes problèmes, les mêmes taxes et surtout des difficultés de vente à cause du libre-échange européen. Ce qu'on veut c'est que tous les produits importés appliquent les mêmes normes et les mêmes prix », revendique-t-elle. Sinon ? La qualité pourrait être sacrifiée, comme l'a avancé le président de la chambre d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine il y a quelques jours. « Il faudra malheureusement aller vers moins de qualité et surtout moins de normes car aujourd'hui la qualité ne paye pas... », déplore Hervé.

Malgré des revendications récurrentes, la FNSEA et les JA n'ont pas été rejoints par les autres syndicats représentatifs, comme la Coordination rurale et la Confédération paysanne, contrairement à la mobilisation occitane. La colère est pourtant partagée. « Ça fait des mois qu'on attire l'attention sur les difficultés des exploitations agricoles et viticoles en cessation de paiement avec un endettement astronomique et des taux d'intérêt qui flambent. Nous demandons la fin définitive des traités de libre-échange et l'application stricte de la loi Egalim, y compris dans le vin, pour en finir avec les ventes à perte »réclame Dominique Techer, président de la Confédération paysanne de Gironde.

De quoi envoyer un signal unanime au gouvernement alors que des annonces sont attendues dans les prochains jours. Si la crispation semble atteindre un paroxysme, le début d'année est historiquement une période propice pour la mobilisation des agriculteurs. L'an passé, le tandem FNSEA-JA avait orchestré une série de manifestations régionales pour se dresser face aux différentes stratégies politiques tournées vers l'agro-écologie. Une confrontation de plus en plus prégnante alors que le Salon de l'Agriculture se tiendra du 24 février au 3 mars et qu'il s'agit aussi d'une année électorale : le renouvellement des chambres d'agriculture est prévu en fin d'année.

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Maxime Giraudeau

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Commentaires 2
à écrit le 25/01/2024 à 8:03
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Tous les syndicats exploitent la base toujours plus motivée car ayant faim, pour au final faire profiter des moyens et des gros qui eux ne s'exposent jamais ou peu, je pense même que c'est la FNSEA qui a montré la voie à tous les autres syndicats non...

à écrit le 24/01/2024 à 17:29
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J'espère que les factures de nettoyage devant les préfectures seront envoyées à la FNSEA et que rien ne sera accordé aux agriculteurs violents avant le règlement des frais occasionnés.

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