Vins de Bordeaux : un accord pour un contrat de filière plus rémunérateur pour les producteurs

Viticulteurs, négociants et grande distribution étaient réunis à Bordeaux ce lundi 8 avril pour trouver une porte de sortie à la profonde crise qui mine le vignoble. Faute de mieux, ce premier pas ouvre la voie à l'élaboration d'un contrat de filière plus rémunérateur pour les vignerons. Mais le chemin est long et les bouteilles à prix cassés devraient perdurer encore en 2024, en décalage avec la détresse de nombreuses exploitations.
Depuis des mois, les vignerons girondins, ici le 6 décembre 2022 à Bordeaux, dénoncent des prix qui ne couvrent pas leurs coûts de production.
Depuis des mois, les vignerons girondins, ici le 6 décembre 2022 à Bordeaux, dénoncent des prix qui ne couvrent pas leurs coûts de production. (Crédits : Agence Appa)

« Constructive », « structurante », « de bonne tenue » : l'avenir dira si cette réunion marquera un tournant pour le vignoble bordelais, et plus largement tous les viticulteurs français, mais ce qui est certain c'est qu'il s'agit d'une grande première. Pendant plus de deux heures, une quarantaine de représentants de toute la chaîne de valeur ont discuté à bâtons rompus sous l'égide d'Etienne Guyot, le préfet de Région, et d'Allan Sichel, le président du CIVB (conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux). Viticulteurs, négociants et enseignes de la grande distribution : tous se sont accordés sur la nécessité de changer un système qui ne fait que des perdants. Les premiers vendent à perte, les seconds déplorent une activité qui fond et des contrats contestés en justice tandis que les derniers voient leur magasins et dépôts être bloqués ou vandalisés.

« La juste valorisation du travail du viticulteur »

En cause : une déconsommation globale du vin et tout particulièrement du vin rouge avec un vignoble bordelais qui produit cinq millions d'hectolitres par an mais n'en vend que quatre. Avec, comme corollaire, un effondrement des prix du vrac payés aux producteurs.

« Le point crucial c'est la juste valorisation du travail du viticulteur, tout le monde est d'accord pour dire que c'est inacceptable qu'un chef d'entreprise ne puisse vivre de son travail ! », résume Allan Sichel. Il reste à savoir comment faire : « Il n'y a pas de baguette magique mais cette réunion est un point de départ pour trouver un nouveau mode opératoire avec la grande distribution. »

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« S'il y a une volonté, il y a un chemin », assure Étienne Guyot. Mais, en l'occurrence, le chemin s'apparente à une sinueuse ligne de crête. À la sortie de la réunion, les professionnels annoncent vouloir travailler à « un contrat de filière associant tous les acteurs pour travailler sur les indicateurs objectifs qui restent à construire pour sécuriser les contrats amonts », c'est-à-dire le prix auquel le viticulteur vend à son premier acheteur. « Tous les opérateurs sont d'accord pour travailler dessus », ajoute Allan Sichel, saluant la « bonne volonté » des enseignes de la grande distribution présentes, comme Carrefour, Auchan ou Intermarché bien qu'elles se soient échappées en catimini après la réunion.

Le nœud du problème

« La difficulté c'est qu'on doit parler de prix, de coûts et de rémunération sans parler de prix, de coûts et de rémunération puisqu'on tomberait alors dans une entente sur les prix ce qui serait parfaitement illégal », observe Stéphane Gabard, le président du syndicat des AOC Bordeaux et Bordeaux supérieur. S'il n'est donc pas question ici de fixer un prix plancher unique au tonneau, les discussions porteront sur plusieurs paramètres : « Il nous faut pondérer un coût de production avec d'autres données telles que le revenu ou les situations de marché. Pour être valable, il faut impérativement que ces indicateurs soient multiples », poursuit Stéphane Gabard. Mais, même dans ces conditions, les marges laissées par la loi Egalim sont étroites, comme l'explique Fabien Bova, le directeur du CIVB : « L'enjeu c'est de sécuriser le contrat amont et pour cela il nous faut trouver ou créer juridiquement un lien déterminant entre, d'une part, les indicateurs de coûts et de revenus que nous construirons collectivement et, d'autre part, le prix effectivement payé aux producteurs. C'est là qu'est le nœud du problème ! » L'interprofession et le préfet veulent donc profiter de la mission parlementaire sur la loi Egalim qui doit rendre ses conclusions avant l'été.

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Obtenir des résultats pour la récolte 2024

Pour dénouer ce noeud, les acteurs semblent tous décider à compter en mois et non en années afin d'avoir un impact dès les négociations commerciales de la récolte 2024. Mais d'ici là, les enseignes de la grande distribution, par où s'écoule 40 % des vins de Bordeaux, ont prévenu : compte tenu des opérations déjà planifiées, les bouteilles à prix cassés à moins de deux ou trois euros s'afficheront encore en magasins et en catalogue jusqu'aux foires aux vins de l'automne.

Du côté du collectif Viti33, qui fédère des vignerons en détresse, Didier Cousiney salue « une réunion novatrice » mais s'inquiète de la lenteur du processus : « Je ne vois pas comment avancer concrètement sur ce sujet de la rémunération mais j'ose croire à une évolution pour la récolte 2024 parce qu'on n'a pas le temps d'attendre : il y aura de la casse à prévoir chez les viticulteurs mais aussi chez les enseignes de la grande distribution... » Une allusion à peine voilée aux blocages intervenus ces dernières semaines dans les sites girondins de Lidl, Raymond, Castel Frères, Les Grands chais de France, Système U ou encore Carrefour. Maigre consolation, les cours du Bordeaux devraient remonter naturellement en 2024 après l'arrachage subventionné de quelque 8.000 hectares en Gironde, la distillation d'une partie des excédents et la petite récolte 2023 (3,8 millions d'hectolitres) liée aux aléas climatiques.

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Commentaire 1
à écrit le 09/04/2024 à 12:22
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Sympa le Bordeaux mais trop cher et la qualité pas toujours au rendez vous. On trouve pour des prix raisonnables d'excellents vins IGP. Faut chercher.

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