« La laine était un matériau massivement utilisé, il faut trouver de nouveaux usages »

INTERVIEW. Le premier cluster régional dédié à la laine a vu le jour début avril à Limoges. Pierre-Michel Etcheverry, responsable du service entreprises à la Chambre de commerce et d'industrie Bayonne Pays basque, explique l’origine du projet et les ambitions des différents acteurs d’une filière à reconstruire.
Cantonnée au textile, la filière laine veut s'ouvrir à de nouveaux débouchés.
Cantonnée au textile, la filière laine veut s'ouvrir à de nouveaux débouchés. (Crédits : MG / La Tribune)

LA TRIBUNE - Comment est né ce projet de cluster ?

Pierre-Michel ETCHEVERRY - La première sollicitation de la CCI par des éleveurs remonte à huit ans ! Ces derniers cherchaient une solution pour la laine qui est considérée comme un déchet encombrant. Ils n'ont pas le droit de l'enfouir ni de la brûler et n'arrivaient plus à la commercialiser, comme cela se faisait auparavant à très bas prix principalement à des grossistes en Asie pour une utilisation en rembourrage de matelas.

La Nouvelle-Aquitaine compte 1,15 million de brebis, soit un quart du cheptel national, qui produisent du lait et de la viande, mais aussi environ 2.300 tonnes de laine chaque année. Les volumes utilisés localement pour les charentaises ou encore les tapis d'Aubusson, mais pas les bérets, sont très faibles, alors qu'ils augmentent rapidement, car les brebis sont tondues tous les ans. La laine était un matériau massivement utilisé de longue date par l'Homme jusqu'à l'arrivée des fibres synthétiques. Il faut donc trouver de nouveaux usages pour la laine.

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Pouvez-vous donner des exemples ?

Nous sommes partis de l'éleveur, car l'objectif est de lui garantir, quelque soit le débouché, au moins une rémunération pour la tonte et la collecte, soit un prix minimum de 1,20 euro par toison. Ce prix est fixe, même si le poids récolté varie selon les races, différentes dans les Pyrénées et dans le Massif central, entre un kilo pour les races Lacaune dont le lait est utilisé pour le roquefort, à près de trois kilos pour les Manech tête rousse élevées pour produire les fromages Ossau-Iraty notamment.

Nous souhaitons, de plus, trouver des usages pour lesquels il n'y a pas besoin de laver la laine, une opération qui coûte entre un et deux euros le kilo, sachant que 40% de la laine récoltée est constituée de graisse, de sueur et de débris naturels. Nous regardons notamment comment utiliser les propriétés naturelles de la kératine, qui fertilise le sol lors de sa décomposition. C'est un axe travaillé par exemple par la coopérative Caoso qui prépare un fertilisant naturel mais aussi par l'entreprise Traille, basée au Pays basque, qui confectionne de la laine en rouleaux pour remplacer le paillage plastique. Il y a aussi l'usage dans le textile à redévelopper, comme le fait l'atelier Tuffery (Lozère) pour ses jeans ou encore C2S (Deux-Sèvres), spécialiste de la confection sur-mesure, et la coopérative citoyenne Virgocoop qui collecte et tisse la laine dans le Tarn.

Citons aussi Laine et Compagnie (Haute-Vienne) qui conçoit, depuis 2001, des articles de literie, ou encore la filature Fonty (Creuse), fabricant de pelotes depuis 1880. La laine a aussi la particularité de ne pas se consumer. Nous testons son utilisation dans des produits d'ameublement comme les sièges. L'entreprise basque Tokilia l'utilise depuis peu dans des poufs et des cocottes norvégiennes.

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Qu'est-ce qu'apporte le cluster ?

Beaucoup nous l'espérons ! Suivant l'exemple de RésoCuir, nous souhaitons reconnecter ceux qui produisent la laine et ceux qui la transforment. Nous avons recensé une centaine d'entreprises dans notre région, dont quatre sur dix sont des PME. Elle se trouvent essentiellement dans trois bassins de savoir-faire historiques, autour d'Angoulême pour la charentaise, tels que Fargeot&Cie, dans les Pyrénées-Atlantiques pour le béret basque, dont la Manufacture de Bérets, et dans le sud de la Creuse pour la tapisserie.

Nous allons continuer les travaux de recherche initiés durant un premier projet européen Poctefa « Lanaland », qui nous avait permis d'être repéré par l'association de la filière laine Lainamac, avec qui nous coordonnons désormais le nouveau cluster au côté du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine. Au-delà de la recherche partagée, nous souhaitons promouvoir les métiers et ses formations pour aider les entreprises à recruter, mais aussi les aider à développer un tourisme de savoir-faire. Nous allons par ailleurs enrichir la lanathèque développée par Lainamac pour promouvoir la laine des différentes races locales auprès de designers. Une première action commune du cluster sera une première présence aux Rendez-vous de la matière, le salon des professionnels de l'architecture, du design et de l'aménagement intérieur, les 15 et 16 octobre prochains à Paris.

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Commentaire 1
à écrit le 30/04/2024 à 11:31
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D'autant que leurs fibres de synthèses sont telles inconfortables comparées à la laine ! On peut mettre un gilet en laine l'été il nous protégera de la chaleur. Oui une matière fantasque mais comme tout ce qui est vertueux qui a été sacrifié sur l'au...

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