La filière chanvre déploie ses feuilles au Pays basque et dans les Landes

Agriculteurs et industriels du Pays basque se mobilisent pour replanter et retravailler cette plante ancestrale aux applications multiples, de l'alimentation à la confection de vêtements en passant par le bâtiment et le cosmétique.
Le chanvre planté par Ondo Terra à Uhart-Mixe (Pyrénées-Atlantiques).
Le chanvre planté par Ondo Terra à Uhart-Mixe (Pyrénées-Atlantiques). (Crédits : Ondopharm)

Stimuler le développement de la filière chanvre, c'est le souhait du sénateur de l'Isère Guillaume Gontard. Et il n'est pas le seul, car le texte porté par le président du groupe écologiste du Sénat pour faire évoluer la réglementation a été adopté le 17 novembre dernier. Une étape importante aux yeux d'Interchanvre qui espère que le "travail déjà débuté avec le gouvernement va s'accélérer". Car, si la France est déjà le premier producteur européen avec 20.000 hectares cultivés en 2020 d'après l'interprofession, la filière aimerait plus de considération pour cette plante ancestrale aux applications multiples.

Lire aussiVirgoCoop veut une filière textile chanvre 100% Occitanie

De ses graines, ou chènevis, à ses tiges, dénommées chènevotte, elle représente grâce à ses propriétés diverses (isolant, thermorégulateur, antibactérien, antifongique) à la fois une alternative au béton pour la construction, aux protéines animales pour l'alimentation, au coton pour l'habillement, et, enfin, aux composants chimiques des médicaments, cosmétiques ou encore plastiques. De plus, le chanvre, ou cannabis pour utiliser son nom latin, n'a besoin que de peu d'eau et pousse rapidement, en seulement trois mois, et dans tous les sols. Notamment ceux du Sud-Ouest où il était cultivé, comme le lin, en "grande quantité jusqu'à la fin du 19e siècle", souligne, dans un état des lieux rédigé en février 2019, la Région Nouvelle-Aquitaine qui stimule sa réintroduction dans le cadre de sa stratégie de transition écologique et énergétique Néo Terra.

Lire aussiDéveloppement : une nouvelle mouture du SRDEII Nouvelle-Aquitaine verdie par Néo Terra

441 hectares en Nouvelle-Aquitaine

L'Aube est au niveau national le premier département cultivateur (6.023 hectares), mais les surfaces occupées par la plante en Nouvelle-Aquitaine progressent atteignant 441 hectares en 2021, d'après Interchanvre, dont près de la moitié situés en Creuse. Parmi les industriels et agriculteurs se mobilisant pour la réintroduction du chanvre dans la région, à l'instar de Moutet et Lartigue pour la filière lin, on compte Chanvre Mellois, à Melleran (Deux-Sèvres), qui était le premier groupement de producteurs à obtenir la labellisation de sa chènevotte par le Ministère de la transition écologique. Mais aussi La Ferme Médicale à Bruges (Gironde) et Materrup, à Saint-Geours-de-Maremne (Landes), où se trouve aussi Les Chanvres de l'Atlantique.

"Nous avons commencé avec 50 hectares en 2016 et, depuis, nous doublons la surface chaque année en aidant les agriculteurs avec notre propre fonds de développement à changer de culture", expose Vincent Lartizien, cofondateur avec son ex-femme Jenny. Cet ancien surfeur de grosses vagues, le premier à avoir dompté la vague Belharra au large de la côte basque il y a vingt ans, s'est désormais fixé comme objectif de "réhabiliter cette plante". Ayant débuté par l'huile de chanvre -vendue en ligne, en boutique et par des tiers dont la marque de cosmétiques bayonnaise Princesse Lia-, et les graines, Les Chanvres d'Atlantique viennent de lancer, quasiment au même moment, leur première collection de vêtements, confectionnés par FMS à Peyrehorade, et du tofu à base de chanvre.

Lire aussiFacylities Multi Services, une histoire de persévérance et d'inclusion

« Usine compostable »

Ce "hemfu" est produit dans la première usine du groupe, soutenue financièrement par l'ancien dirigeant de RipCurl Europe François Payot, qui a été inaugurée au printemps dans la zone Atlantisud à Saint-Geours-de-Maremne (Landes). "Nous avons-nous-mêmes utilisé le chanvre dans les murs, faisant de ce bâtiment la première usine compostable de France", souligne Vincent Lartizien, annonçant la construction de deux autres unités attenantes, une pour le défibrage de la paille de chanvre et des serres pour la recherche variétale sur les fleurs. Et également dans l'espoir d'avoir un jour le droit d'en extraire les principes actifs.

"Les plus connus des principes actifs du chanvre sont le cannabidiol (CBD) et le THC (tétrahydrocannabinol). Seule la commercialisation des fibres et des graines de chanvre, et non pas les fleurs, dont la teneur en THC est inférieure à 0,2 % est autorisée en France. Or, cette vision réductrice occulte la centaine d'autres principes actifs", argumente Vincent Lartizien, motivant le nom de sa marque commerciale « Nunti Sunya », soit "la fin de l'emprisonnement" en vieux sanskrit, par la référence à ces "lobbies qui diabolisent la plante depuis des siècles".

Vente en pharmacie

Malgré l'incertitude juridique, Emmanuel Ithurbide croit aussi au futur radieux. Après une première carrière, dans la finance agricole puis au Ghana pour construire une filière d'huile de palme durable, cet agronome de formation est rentré au pays, à Uhart-Mixe (Pyrénées-Atlantiques) pour fonder Ondo Terra (« près de la terre » en basque) fin 2020. Sur le terrain de son père, éleveur de brebis, il a planté cinq hectares de chanvre, "première des plantes, avec aussi la sauge par exemple, dont nous souhaitons faire redécouvrir les bienfaits avec mes deux associés Hugo Ferraris et Aurélien Gardel, également agronomes, et les médecins et psychothérapeutes avec lesquels nous collaborons", explique le président et cofondateur de 31 ans.

Ondopharm Chanvre

Les champs de chanvre d'Ondo Terra, dans les Pyrénées-Atlantiques (crédits : Ondo Terra)

Leur huile essentielle de chanvre, qui soulage les règles douloureuses, les troubles de sommeil ou encore d'anxiété, est disponible dans une petite centaine de pharmacies, "et surtout pas les CBD shops qui attirent une autre clientèle et vendent essentiellement des chanvres produits à l'étranger, Pologne, Italie ou encore Etats-Unis et Canada", détaille Emmanuel Ithurbide. "Nous voulons produire ici dans le Sud-Ouest selon les principes de la permaculture". Et de préférence en circuit court, alors que les acteurs locaux sont aujourd'hui encore obligés de faire appel à des unités de transformation à l'étranger.

"En Nouvelle Aquitaine, plusieurs coopératives sont présentes mais s'intéressent assez peu à la culture du chanvre. Euralis avait mis en place une unité de défibrage en Occitanie et la fermeture de cette usine reste très présents dans l'esprit des acteurs du Sud-Ouest", note la Région dans son rapport. Plusieurs projets sont actuellement à l'étude pour ajouter ce chainon qui permettrait à la filière chanvre de déployer ses ailes ou plutôt ses feuilles.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.