Et si on changeait les étiquettes des vins de Bordeaux ?

Alors que le salon Vinexpo/Wine Paris se tient cette semaine, Jean-François Bonneté propose ni plus ni moins de retirer le nom « Bordeaux » des étiquettes des bouteilles de milieu de gamme et de les produire sous le nom générique de « Vins de France ». C'est la réponse de cet importateur bordelais de vins français aux États-Unis face à des parts de marché qui stagnent. Une solution radicale.
Présentation des vins importés par Jean-François Bonneté dans la Chaine “Spec’s” au Texas : la gamme de vins de France « Bonneté » élaborés dans la région de Bordeaux (en partenariat avec Bordeaux Families) et les vins « Libération de Paris » (co-entreprise avec la famille Delaunay - Laurent & Catherine Delaunay - prioritaires de la société Delaunay Vins & Domaines et Edouard Delaunay).
Présentation des vins importés par Jean-François Bonneté dans la Chaine “Spec’s” au Texas : la gamme de vins de France « Bonneté » élaborés dans la région de Bordeaux (en partenariat avec Bordeaux Families) et les vins « Libération de Paris » (co-entreprise avec la famille Delaunay - Laurent & Catherine Delaunay - prioritaires de la société Delaunay Vins & Domaines et Edouard Delaunay). (Crédits : Bonneté)

« Il faut en finir avec les AOC ! » C'est le pavé dans la mare que jette ces jours-ci Jean-François Bonneté. Installé en famille à Houston, au Texas, il distribue les vins français dans l'ensemble des 50 États américains grâce à des partenariats noués avec les trois plus grands réseaux de grossistes qui servent ensuite les magasins de détail et les restaurants. Toutes appellations confondues, le Français importe chaque année en moyenne 100.000 caisses de vin et spiritueux aux États-Unis. Elle a beau être spectaculaire, ce n'est pas tant la baisse (-28% en volume) des ventes de vins français aux États-Unis qui l'inquiète :

« La bulle devait éclater ! Pour le cognac par exemple, qui représente toutefois un faible pourcentage de nos activités, on retrouve les volumes d'avant-Covid, assure-t-il. C'est une normalisation du marché. On était à six millions de caisses en 2018. Puis les ventes ont explosé à plus de huit millions de caisses en 2020-2021 et on va se retrouver à six millions pour 2023. Pendant la pandémie, ce sont surtout les marques les plus connues qui ont tiré leur épingle du jeu. Les consommateurs ont laissé de côté l'aspect découverte. »

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Les chiffres sont comparables pour le reste du secteur, tant pour les vins que pour les spiritueux. Cette baisse sensible de la consommation des Américains est encore accentuée par une inflation galopante. Jamais le recours au crédit n'a été aussi haut aux États-Unis depuis la crise de 2008. Résultat : toute la filière, du viticulteur en France à l'importateur en passant par le détaillant et le grossiste aux États-Unis, a revu ses stocks à la baisse. Les distributeurs racontent que pour eux, le mois de décembre 2023 a été le pire depuis des années !

Une offre illisible

Yquem, Petrus, Margaux ou Mouton Rotschild... Selon Jean-François Bonneté, les châteaux « iconiques », les plus célèbres du bordelais, premiers grands crus ou grands crus classés s'en sortiront toujours. Vu que la demande est supérieure à l'offre, ils n'auront jamais de problèmes pour écouler toute leur production, en particulier à l'étranger et outre-Atlantique. Ce qui inquiète le Français au contraire, c'est le milieu de gamme.

Les États-Unis ont beau être le premier marché export des vins hexagonaux, l'offre est illisible, accuse-t-il :

« C'est une cacophonie incroyable ! On retrouve dans les rayons des magasins aussi bien des bordeaux supérieurs à 8 qu'à 20 dollars ou des crus bourgeois à 2 euros la bouteille départ Bordeaux. Pour vider les cuves, on pousse les stocks à des prix qui ne sont pas à la hauteur de la qualité des vins. »

Pour en finir, le Français propose tout bonnement de... supprimer les AOC pour ces vins de milieu de gamme. « Il faut aller aussi chercher des parts de marché sur les vins de tous les jours, affirme-t-il, et pas que sur des bouteilles d'exception réservées à 1 % de la population américaine. Regroupons-nous autour d'une seule appellation nationale. »

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Des émules en Bourgogne

Avec son épouse et un associé, il a d'ailleurs lui même racheté en 2015 un vignoble dans le bordelais, où le mot « Bordeaux » a complètement disparu de l'étiquette au profit de la formule générique « Vin de France ». Jean-François Bonneté rappelle qu'en volume, les vins français ne représentent que 3 % des ventes aux États-Unis. Ils sont largement distancés par les vins américains comme ceux de la Napa Valley, les vins du Nouveau monde (Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Chili...), mais aussi les flacons italiens et espagnols.

« Pour les vins du quotidien, les consommateurs américains effectuent surtout leurs achats en fonction du cépage, observe le Français : chardonnay, pinot noir, cabernet sauvignon, malbec pour les rosés, mais rarement selon le nom du château ou de l'appellation qu'ils ne connaissent pas. »

À surfer sur l'image glamour de la France à l'étranger, Jean-François Bonneté commence d'ailleurs a faire des émules dans d'autres appellations : Laurent Delaunay, le nouveau président de l'interprofession des vins de Bourgogne (BIVB), lui-même viticulteur à Nuits-Saint-Georges, produit désormais pour les clients américains de M. Bonneté un vin simplement étiqueté « Libération de Paris » qui commence à se tailler lui aussi un franc succès aux États-Unis.

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Commentaires 6
à écrit le 12/02/2024 à 20:14
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Oui, si on change les étiquettes, il faudrait mettre dessus vin du Chili, d'Afrique du Sud, voir d'Arabie saoudite (garantie Hallal), pour le rendre plus sexy....Pour les bobos parisiens.... Après tout, à bas les normes sur les étiquettes...

à écrit le 12/02/2024 à 20:13
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Il faudrait mettre dessus vin du CHILI, d'Afrique du Sud, voir d'Arabie saoudite (garantie Hallal), pour le rendre plus sexi .... Après tout, à bas les normes sur les étiquettes...

à écrit le 12/02/2024 à 19:37
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Éternel problème entre "terroir" et "cépage". On peut faire du vin et du bon! n'importe où avec de la Syrah , du Merlot du Chardonnay, du Viognier ou tout autre cépage. Reste qu'un Bordeaux ou un Bourgogne, le terroir, le climat (meme si celui ci...

à écrit le 12/02/2024 à 18:15
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Oui mais la France c'est Paris, donc autant les appeler Vins de Paris avec un bon gros logo tour Eiffel dessus !

le 12/02/2024 à 21:31
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Heureusement que la France n'est pas que Paris

le 13/02/2024 à 13:16
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Heuh... Tout le monde sait que le vin "de Paris" (Montmartre) c'est de la piquette. Difficile à vendre cette appellation ! NB à moins que "on m'aurait menti à l'insu de mon plein gré" ???

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