« Dès que Ryanair a fini de vampiriser les aides publiques, ils s'en vont vers un autre aéroport français ou européen. C'est sur cette concurrence stérile entre les territoires qu'est fondé leur modèle de billets par chers », dénonce Damien Mourgues, le délégué syndical SNPNC-FO de la compagnie à bas coût à Bordeaux. La centaine de salariés girondins de Ryanair a pris un coup sur la tête ce lundi 13 mai lors de l'annonce de la fermeture de la base et de ses 40 dessertes d'ici novembre et du retrait d'un de ses trois avions dès le mois de juillet. « On sentait malgré tout venir cette décision après les déclarations de la direction mi-mars mais l'enjeu c'est d'obtenir un plan de sauvegarde de l'emploi et des garanties », poursuit le délégué syndical.
Les salariés de la compagnie irlandaise, dont une partie sont étrangers, seront invités à des mobilités vers les bases de Beauvais et Marseille ou dans « des bases moins coûteuses situées ailleurs dans le vaste réseau d'aéroports du groupe en Europe », indique la direction. C'est un coup dur pour l'aéroport de Bordeaux-Mérignac qui se voit amputé de plus de 20 % de son trafic de 2023, qui reste encore nettement inférieur à celui de l'avant Covid notamment à cause de la fermeture de la navette vers Orly.
Les professionnels du tourisme regrettent « cet impact négatif » sur l'activité des hôtels et restaurant de la région bordelaise mais sans s'inquiéter outre mesure. « Ce n'est pas agréable de perdre des clients potentiels mais ce n'est pas non plus catastrophique, les touristes trouveront d'autres moyens de venir à Bordeaux, y compris par le train même si celui-ci est souvent cher et complet », relativise Franck Chaumès, le président de l'Umih de Gironde. Le restaurateur invite surtout les pouvoirs publics à exiger le remboursement des aides publiques perçues. De leur côté, les élus locaux, à la Métropole, à la ville de Mérignac et à la Chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux Gironde n'ont pas souhaité réagir à cette annonce.
Car c'est bien là la raison du départ soudain de Ryanair qui le justifie par « l'augmentation des coûts ». Un différend commercial confirmé par l'aéroport : « Nous avons posé des limites aux exigences de Ryanair. Nous ne souhaitions pas son départ et ils sont toujours les bienvenus. » Concrètement, la compagnie irlandaise souhaitait pousser son avantage en obtenant de nouvelles ristournes commerciales quand, dans le même temps, la Chambre régionale des comptes a expressément demandé à la plateforme girondine de réduire ce type d'incitations financières. Depuis des années, le 8e aéroport français a en effet massivement soutenu l'essor du trafic low-cost avec des redevances inférieures de 30 % au sein du terminal Billi dédié aux compagnies à bas coût et mis en service en 2010 et une palette de ristournes commerciales. Comme l'explique la Cour des comptes, dans son rapport d'octobre 2023, les contrats avec ces compagnies « prévoient une aide financière par passager versée par l'aéroport conditionnée à une certaine croissance de trafic ou à l'ouverture de lignes, ainsi qu'un soutien marketing [...] L'ampleur des aides accordées est considérable, le montant versé par passager amené (au départ) étant sans commune mesure avec les mesures incitatives générales. »
Il est question de plusieurs millions d'euros par an, jusqu'à représenter 55 % de l'excédent brut d'exploitation de la plateforme en 2021, selon la Cour des comptes qui alertait à l'époque sur « le caractère non transparent, potentiellement discriminatoire et disproportionné des aides incitatives perçues par certaines compagnies dans le cadre des contrats spéciaux ». L'an dernier, le low-cost pesait 71 % du trafic de l'aéroport de Bordeaux qui souhaite désormais ramener cette part autour de 60 %, soit le niveau moyen des grands aéroports régionaux. « « C'est avec un tapis rouge déroulé par les autorités aéroportuaires locales (soutenues par les collectivités territoriales et l'Etat) sous formes d'aides financières que Ryanair s'est implantée en Gironde [...] La compagnie quitte Bordeaux après s'être bien gavée d'aides publiques », appuie également le SNPNC-FO.
Pour mémoire, pour des problèmes de trafic, de tarifications et/ou de poursuites juridiques, Ryanair a déjà fermé brutalement ses opérations à Marseille en 2011, à Montpellier en 2019, aux Canaries début 2020 ou encore à Bruxelles-Zaventem en 2023. La compagnie low-cost est revenue à Marseille quelques mois plus tard et aux Canaries au printemps 2023. « La perte de Bordeaux sera un gain pour d'autres aéroports à travers l'Europe », ajoute Ryanair. « Cet été, nous ouvrirons cinq nouvelles bases aériennes à Copenhague, Dubrovnik, Reggio Calabre, Tanger et Trieste. »
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