Logement social, nature, énergie : ce qu'il faut retenir du nouveau PLU de Bordeaux Métropole

L'agglomération de 830.000 habitants a adopté ce 2 février un plan local d'urbanisme (PLU) modifié pour concilier construction neuve, logements sociaux, nature en ville et adaptation au dérèglement climatique. Les nouvelles règles sont désormais connues mais les promoteurs immobiliers, qui traversent une crise inédite, attendent de voir comment elles seront réellement appliquées par les maires, particulièrement en ce qui concerne le logement social et la densité.
Concilier construction neuve avec préservation des espaces naturels et agricoles : c'est la difficile équation à résoudre pour la 11e version du plan local d'urbanisme intercommunal de Bordeaux Métropole qui doit être adopté ce 2 février 2024.
Concilier construction neuve avec préservation des espaces naturels et agricoles : c'est la difficile équation à résoudre pour la 11e version du plan local d'urbanisme intercommunal de Bordeaux Métropole qui doit être adopté ce 2 février 2024. (Crédits : Agence APPA)

[Article mis à jour le 2 février à 16h32 après le vote du conseil métropolitain]

Lancée il y a bientôt trois ans, la 11e modification du plan local d'urbanisme (PLU) qui s'applique aux 28 communes de Bordeaux Métropole a été votée par le conseil métropolitain ce vendredi 2 février par 64 voix pour, 35 contre et deux abstentions. La majorité PS, Verts, PCF a voté le texte tandis que l'opposition de droite et du centre a voté contre, marquant une rupture avec l'usage, issu de la cogestion, d'un vote unanime sur les documents d'urbanisme.

Cette nouvelle mouture poursuit des objectifs ambitieux puisqu'il s'agit de faire face à l'accélération des effets du changement climatique et à l'urgence de réduire les gaz à effet de serre tout en construisant suffisamment de logements pour répondre aux besoins des habitants actuels et futurs. Une équation particulièrement complexe dans un territoire où la croissance démographique est le double de la moyenne nationale.

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L'arrivée de 20.000 nouveaux habitants par an en Gironde, dont 12.000 à Bordeaux métropole, a entraîné l'artificialisation, chaque année, de 660 hectares supplémentaires, soit 900 terrains de football. Deux tiers de ces surfaces ont servi à construire des logements au rythme d'environ 6.000 logements neufs par an. Un total qui s'est effondré à moins de 2.000 logements l'an dernier à cause de la crise profonde de l'immobilier. L'enjeu du nouveau PLU, porté par la majorité PS-Verts, sera donc autant de relancer la construction de logements, et particulièrement de logements locatifs sociaux, que de sanctuariser les espaces verts et la biodiversité, conditions sine qua non de la qualité de vie sur fond de réchauffement accéléré.

Du vert et du solaire

La préservation des espaces naturels figure donc en haut de la longue liste de modifications entérinées par ce document stratégique. Des zones à urbaniser, c'est-à-dire constructibles, sont ainsi basculées en zones naturelles (+148 ha) et agricoles (20 ha) tandis que 125 ha font le chemin inverse pour passer en zones déjà urbanisées. Parallèlement, les périmètres inconstructibles sont renforcés le long des cours d'eau et des continuités écologiques et paysagères, favorables tant à la biodiversité qu'aux cheminements piétons et cyclables, sont élargies : 185 ha supplémentaires sont identifiés (+1,5 %) tout comme 55 ha d'espaces boisés classés (+1,1 %). L'idée générale étant de favoriser les espaces de pleine terre, de préserver la végétation existante et d'imposer la plantation d'arbre sur les parkings. Le ratio des places de stationnement pour les voitures est aussi revu à la baisse au profit des arceaux pour les vélos.

Les énergies renouvelables trouvent également une place dans ce nouveau PLU qui incite à la pose de panneaux solaires en toitures et sur les délaissés de voirie et d'ombrière solaires sur les parkings. À Bordeaux, où le boulevard Aliénor d'Aquitaine pourrait faire office de démonstrateur solaire, le document impose même une obligation de production d'énergie renouvelable pour toute construction neuve de plus de 80 m2 et toute extension d'un bâtiment existant de plus de 40 m2.

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Des logement sociaux dès 1.000 m2

Le deuxième gros sujet concerne logiquement la qualité et l'accessibilité du bâti. Plusieurs dispositions visent ainsi à s'assurer d'une meilleure qualité des logements neufs. Il est question de constructions bioclimatiques, assurant un meilleur confort d'usage en toutes saisons, d'ensoleillement naturel et de protections solaires, de double orientation, de ventilation naturelle et de matériaux moins carbonés. Autant d'objectifs également poursuivis par le label du Bâtiment frugal bordelais qui tarde à se concrétiser depuis 2021 au point d'être en cours de réécriture pour être davantage opérationnel.

Mais c'est bien le logement social qui cristallise aussi les discussions entre élus et promoteurs immobiliers alors qu'avec tout juste 20 % de logements locatifs sociaux Bordeaux et Bordeaux Métropole ne seront pas au rendez-vous des 25 % en 2025 prévus par la loi. Un déficit auquel s'ajoute des prix qui restent à Bordeaux hors de portée de la plupart des ménages.

Le nouveau PLU revoit donc les ambitions à la hausse en systématisant une part de 35 % de logements sociaux dans tout nouveau programme immobilier au-delà de 1.000 m2, soit un immeuble d'une quinzaine de logements, contre 2.000 m2 jusqu'à présent. Une petite révolution issue de longue négociations avec les promoteurs. Initialement prévu à 500 m2, un niveau jugé inapplicable par ces derniers, le nouveau seuil a finalement été relevé à 1.000 m2 et pourrait s'accompagner d'un relèvement des plafonds pour les logements sociaux construits par le secteur privé. Avec 2.320 €/m2 HT, Bordeaux Métropole accuse actuellement un écart défavorable d'environ 400 euros par rapport à Toulouse ou Nantes. Les professionnels comme l'opposition alertent ainsi sur les conséquences du seuil de 1.000 m2 qui pèsent sur l'équilibre des opérations immobilières et pourraient s'avérer contre-productive en diminuant le nombre de constructions.

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Logement social : le cri d'alerte des métropoles

Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux, a initié un courrier au Premier ministre, cosigné par 19 autres élus de grandes villes dont Paris, Lyon, Lille, Strasbourg, Nantes et Bordeaux Métropole. Ils y expriment leur « très forte inquiétude à la suite du discours de politique générale » de Gabriel Attal. « Parmi les mesures annoncées figure en effet ce qui nous semble être un renoncement majeur à la politique de production du logement social : la modification du calcul du taux dit « SRU », pour y inclure les logements intermédiaires », poursuivent les signataires qui réclament à la place un soutien financier et foncier massif de l'Etat aux collectivités pour garantir la mixité sociale.

Le PLU, rien que le PLU, tout le PLU

Ces nouvelles dispositions permettront-elles à la fois de loger tout le monde et de préserver l'environnement ? « On est au début d'un nouveau cycle, il faut maintenant que ces règles soient respectées par tous les élus  !», répond Pierre Vital, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers de Nouvelle-Aquitaine.

« Il y a des règles de hauteur et de densité qui sont écrites mais qui ne sont pas toujours appliquées par les maires. Nous demandons un engagement tripartite entre Bordeaux Métropole, les services de la préfecture et les promoteurs sur le respect des possibilités prévues par le PLU », poursuit-il.

En théorie, l'objectif pour les années à venir est de construire 7.500 logements neufs dont 3.000 logements sociaux. Mais ça ne sera pas simple compte tenu de la crise du secteur immobilier qui a entraîné un effondrement de -61 % des réservations en 2023 et moins de 1.500 mises en chantier sur les douze derniers mois. Et les élections municipales du printemps 2026 ne devraient rien arranger. « Les maires ont toujours du mal à assumer le fait de construire sur leur commune. Mais quand on travaille en zone urbaine la densité est indispensable pour les équilibres économiques des opérations », répète Pierre Vital. Quant aux nouvelles obligations de production d'électricité photovoltaïque, le patron des promoteurs immobiliers met en garde contre « un effet gadget » : « le photovoltaïque c'est une bonne idée à condition que ce soit justifié, compatible avec les exigences de l'ABF [architecte des bâtiments de France, ndlr] et que ce soit fait sérieusement sur le plan technique ! »

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