Coopérative carbone : comment La Rochelle doit inspirer Bordeaux

INTERVIEW. Deux ans après le lancement de la toute première Coopérative carbone de France à La Rochelle, Bordeaux veut tenter l'expérience. Avec cette structure qui incite les entreprises à financer des projets vertueux pour l'environnement afin de compenser l'impact de leur activité, les collectivités visent la neutralité carbone à long terme. Entretien avec Anne Rostaing, directrice de la Coopérative carbone de La Rochelle sur le bilan et les liens à construire avec la nouvelle venue.
Le Port Atlantique de La Rochelle fait partie des contributeurs financiers de la Coopérative carbone locale, qui rassemble au total 70 partenaires.
Le Port Atlantique de La Rochelle fait partie des contributeurs financiers de la Coopérative carbone locale, qui rassemble au total 70 partenaires. (Crédits : Thierry Rambaud)

LA TRIBUNE - La coopérative carbone de La Rochelle existe depuis deux ans. Quel bilan tirez-vous à la tête de cette structure d'un nouveau genre ?

Anne ROSTAING, directrice de la Coopérative carbone - Le premier grand volet, qui est l'accompagnement à la réduction d'émissions de gaz à effet de serre, est effectif avec la mise en place de formations et la réalisation de bilans carbone. Depuis l'année dernière, on accompagne aussi jusqu'à la stratégie bas carbone, c'est-à-dire accompagner les partenaires pour qu'ils soient en phase avec les objectifs territoriaux. Sur ce premier bloc d'activités, on a organisé 25 formations, une trentaine de bilans carbone et on épaule huit structures sur leur stratégie. Par contre, on n'a pas encore évalué l'impact sur la réduction d'émissions car il faut déjà que les actions préconisées soient mis en œuvre.

Le deuxième axe concerne l'accompagnement des projets de séquestration carbone. Là on a accompagné et financé un peu plus d'une dizaine de projets, d'abord dans le secteur forestier pour de la plantation d'arbres dans différentes communes de l'agglomération et avec le Parc naturel du Marais Poitevin. Ensuite, on a inclus de nouveaux domaines comme l'agriculture, avec l'accompagnement à la transition, notamment sur la question des sols. Et aussi dans le domaine du bâtiment pour pouvoir intégrer le réemploi et appuyer la rénovation des bâtiments. Aujourd'hui, ce sont les sujets sur lesquels on peut agir pour pouvoir finalement séquestrer le carbone sur une durée et financer à travers le dispositif de la contribution carbone locale, ces projets-là pour les mettre en œuvre.

Ça nous a permis de mesurer un impact de séquestration carbone de 20.000 tonnes équivalent CO2 sur deux ans. Avec ce chiffre, on peut déterminer le nombre de crédits carbone [comme des droits à polluer que les partenaires doivent acheter, ndlr] que l'on va générer. Ce potentiel de 20.000 tonnes a permis de mobiliser entre 700.000 et 800.000 euros pour les projets sur l'année 2022.

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Qui sont vos différents partenaires ?

On a réuni à la fois des entreprises avec des grands groupes comme Alstom, EDF, Léa Nature. Puis des TPE/PME, qui sont des acteurs du territoire qui ont envie d'agir sur ce sujet-là, avec des structures de taille vraiment variable et qui représentent tous types d'activités. Après on a aussi des citoyens qui sont engagés bénévolement au sein de la coopérative, pour mener plusieurs missions comme l'influence auprès des habitants, une présence participative dans les communes... On a aussi les collectivités territoriales et des acteurs publics comme la Banque des territoires. Et puis le Port Atlantique de La Rochelle, l'Université, les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche. Enfin, des associations comme Atlantech, le Rotary Club qui ont des projets axés sur l'environnement.

En quoi l'expérience rochelaise va-t-elle inspirer la version bordelaise annoncée fin mai ?

On accompagne Bordeaux Métropole à développer l'initiative d'une coopérative carbone avec l'objectif déjà dans un premier temps d'expérimenter sur le territoire bordelais, et au-delà sur la Gironde, pour instruire et labelliser des projets qui vont permettre de générer les crédits carbone que j'évoquais précédemment. L'objectif c'est d'être support à Bordeaux Métropole pour amener un tissu de partenaires à développer qui financeront des premiers projets. On a un contrat qui nous lie avec la collectivité, c'est notre équipe qui est en charge d'évaluer la faisabilité des projets. On sait comment s'y prendre, ce qu'il faut comptabiliser, ce qu'il faut chercher pour garantir la qualité et l'éthique des projets. Ça permettra à Bordeaux Métropole d'avancer et de structurer rapidement un réseau de partenaires. Ensuite, il pourront réfléchir à la gouvernance de la coopérative bordelaise.

Sur la forme juridique et les modes de financement, quels sont les choix qui s'offrent ?

Aujourd'hui c'est un peu tôt ! Le champ est complètement ouvert. Le lancement d'une coopérative carbone ne passe pas forcément par la création d'une structure. Ce sera aux élus et aux partenaires de déterminer ce qu'ils veulent. On fournira les éléments d'aide à la décision économique, technique et juridique.

Les deux coopératives pourront-elles chercher des contributeurs communs ?

Oui, l'objectif pour avoir cette mutualisation sur des contributeurs ou des projets d'ailleurs, c'est de s'assurer qu'on ait un registre commun et éviter les frontières administratives qui n'ont pas de sens. Par exemple, il ne faudrait pas qu'une coopérative dise qu'elle se limite à des contributeurs à cinquante kilomètres autour d'elle. Paris est en train de se mettre en place, ils ont eu leur assemblée générale en juin, mais effectivement sur tous les outils support on a vocation à mutualiser pour être efficaces.

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Les dispositifs de compensation sont de plus en décriés et accusés d'être inefficaces. En quoi l'organisation locale est-elle pertinente ?

Il y a beaucoup de bashing sur le sujet de la compensation carbone. C'est vrai qu'il y a des écueils quand on le fait à l'international, que les projets sont éloignés et qu'on ne les suit pas. Mais des initiatives existent et montrent que la contribution à la compensation carbone a vraiment du sens et qu'elle est nécessaire. Si on ne finance pas ces transitions aujourd'hui, il y aura des conséquences exponentielles sur nos territoires.

Il faut que ça se passe en local. Que les contributeurs financiers soient connectés aux projets. Ce ne sont pas uniquement des engagements pour l'image, ça les reconnecte aussi à la nature. On organise des visites sur le terrain avec eux. Et c'est aussi pour notre propre résilience de territoire. On a des problèmes d'eau sur La Rochelle, des problèmes de biodiversité : l'enjeu est de parvenir à organiser une action locale pour y remédier.

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