Qu'est-ce que la coopérative carbone qui arrive à Bordeaux après La Rochelle et Paris ?

Réduction des gaz à effet de serre, compensation, séquestration et même émission de crédits carbone. Une coopérative carbone s'apprête à voir le jour à Bordeaux Métropole. Cet outil d'un nouveau genre vise à atteindre la neutralité carbone à l'échelle de l'agglomération. Il pourra s'appuyer sur les expériences de La Rochelle et de Paris, ce qui ne sera pas de trop pour réussir tant les enjeux sont complexes et collectifs. Explications.
Après l'agglomération de La Rochelle en 2021 puis le Grand Paris début 2023, Bordeaux Métropole se lance à son tour dans la création d'une coopérative carbone.
Après l'agglomération de La Rochelle en 2021 puis le Grand Paris début 2023, Bordeaux Métropole se lance à son tour dans la création d'une coopérative carbone. (Crédits : Agence APPA)

Le bruit courrait depuis quelques temps, c'est désormais officiel. Pierre Hurmic et Claudine Bichet, les vice-présidents écologistes de Bordeaux Métropole, ont profité des Assises européennes de la transition énergétique, pour annoncer leur soutien à la création d'une coopérative carbone à l'échelle de l'agglomération bordelaise. « La coopérative carbone c'est une organisation collective pour tenir des objectifs communs qui sont la réduction et la captation des émissions de CO2 du territoire pour viser la neutralité carbone dès 2040 », synthétise Anne Rostaing, la directrice générale de la coopérative rochelaise, lors d'une table-ronde sur le sujet aux Assises, ce mardi 23 mai.

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Des sociétaires très divers

L'aspect collectif s'incarne par le statut de société coopérative d'intérêt collectif (Scic) qui permet d'associer à la gouvernance des acteurs publics et privés aussi bien que des particuliers. À La Rochelle, les neuf fondateurs de la Scic ont réussi à « fédérer aujourd'hui 70 sociétaires du simple citoyen à la grande entreprise » tandis qu'à Paris la coopérative créée début 2023 compte 36 associés. Dans les deux, on y trouve des collectivités mais aussi des investisseurs, experts, associations, bénévoles, agriculteurs, entreprises, etc. S'il y a bien une impulsion politique initiale et des subventions publiques au lancement, ces coopératives ont vocation à être indépendantes des collectivités et à fonctionner avec leurs propres ressources apportées par leurs sociétaires puis par leurs prestations de services et la vente de crédits carbone locaux.

« Nous proposons aux porteurs de projets une expertise technique et financière pour évaluer leur impact carbone, les accompagner dans des démarches de certification ou de labellisation, et dans la recherche de financements, par exemple par la valorisation économique des crédits carbone qu'ils génèrent », expliquait Anne Rostaing lors de la création de la Scic rochelaise. L'une des premières actions financées est la plantation de 15.000 arbres pour capter 266 tonnes de CO2 sur 30 ans.

« Le champ d'action est très large et vise à comprendre, mesurer, réduire et compenser les émissions carbones du territoire. La coopérative est un outil pour accompagner tous les projets vertueux et surtout les petits projets qui permettent d'éviter quelques tonnes ou quelques centaines de kilos de CO2 », poursuit Joffrey Perrussel, responsable du programme « La Rochelle territoire zéro carbone » à La Rochelle Agglomération.

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« Tenir à distance le greenwashing »

« L'enjeu de cette approche collective du sujet est la prise en compte de toutes les externalités d'un projet, pas seulement sur le carbone mais aussi sur les sols, la biodiversité, l'air, les déchets ou même l'emploi local », appuie Alice Timsit, la présidente de la Coopérative carbone Paris & Métropole du Grand Paris, qui veut « tenir à distance le greenwashing ».

À Paris, la coopérative naissante vise une réduction de moitié des émissions de CO2 d'ici 2030 et la neutralité carbone à l'horizon 2050, grâce schématiquement à 80 % de réduction et 20 % de compensation. Et pour Eric Parent, le directeur de la Scic francilienne, la lutte contre l'écoblanchiment et les effets d'aubaine passe par la création d'un label ad hoc pour sélectionner les projets à financer : « Nous devons servir de tiers de confiance pour les financements publics et privés avec un comité scientifique et une gouvernance dédiée. » D'autant qu'une fois le tri effectué parmi les projets comme parmi les financeurs, l'argent est bel et bien là pour financer les crédits carbone : « il y a des financements privés mobilisables pour des raisons de RSE, de marque employeur, d'ancrage territorial ou tout simplement de déductions fiscales », fait-il remarquer, portant aussi l'ambition, à terme, de « développer des méthodes de paiement pour valoriser les services écosystémiques au-delà du carbone ».

Éviter 300.000 tonnes de CO2 en cinq ans

À La Rochelle, la coopérative qui emploie huit personnes s'appuie sur un comité éthique, sur le label bas carbone national et sur un label maison. Mais cette équipe resserrée porte l'ambition d'éviter 300.000 tonnes de CO2 en cinq ans, un objectif multiplié par six depuis sa création en 2021. En région parisienne, la coopérative vise 200.000 tonnes annuelles de CO2 dans quelques années. À Bordeaux, le projet n'en est pas encore là mais entend bien gagner du temps pour capitaliser sur l'expérience rochelaise comme l'indique à La Tribune Claudine Bichet, la vice-présidente de Bordeaux Métropole au climat, à la transition énergétique et à la santé : « Ce doit être un outil qui fédère autour de l'objectif de neutralité carbone en 2050 et qui doit permettre de territorialiser cet enjeu. C'est La Rochelle qui nous a inspiré, on utilise leur ingénierie pour le lancement. Ensuite, le but sera d'être autonome. »

La version bordelaise de la coopérative carbone poursuivra donc sensiblement les mêmes objectifs avec les mêmes outils pour convaincre les acteurs locaux de réduire leurs émissions et de convertir le reliquat en euros pour financer, in fine, des projets d'adaptation au changement climatique. Les Assises européennes de la transition énergétique feront office de test : la Métropole va mettre au pot l'équivalent en euros des émissions induites par les trois jours de l'évènement.

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