À La Rochelle, les audaces d'un bâtiment parmi les plus durables de France

C'est le tout premier bâtiment neuf de France qui répond à la Réglementation énergétique 2028. Développé à côté de La Rochelle (Charente-Maritime) par Eden Promotion, le programme de 28 logements donne à voir le futur de l'habitat décarboné en pleine crise de la construction.
Maxime Giraudeau
A Lagord, au nord de la Charente-Maritime, Eden Promotion a développé le premier bâtiment de France labellisé RE28.
A Lagord, au nord de la Charente-Maritime, Eden Promotion a développé le premier bâtiment de France labellisé RE28. (Crédits : MG / La Tribune)

De la rocade rochelaise, des milliers d'automobilistes peuvent apercevoir chaque jour un bâtiment qui, avec l'à-pic de sa toiture, rappelle les maisons scandinaves. La perspective pyramidale attire l'œil mais tout le monde ignore qu'il s'agit surtout d'une construction à haute exigence environnementale. Le programme Alcyone du promoteur rochelais Eden Promotion a été le premier bâtiment de France labellisé RE 28 en novembre dernier, un an après sa livraison.

La discrétion de la société d'une trentaine de salariés tranche avec cette distinction. Tout juste est-elle mentionnée au rez-de-chaussée, où les bouts de jardin privatifs surmontés de façades en mélèze rafraîchissent l'ilot. « Beaucoup de bois, une isolation très importante et une chaufferie très performante », liste Tristan Rivet, le directeur général, quand on l'interroge sur les particularités de l'édifice qui abrite 28 logements. « Et ça suffit pour être labellisé en RE 28 », ajoute-t-il au sujet de cette prochaine phase de la Réglementation énergétique 2020. Si c'était si facile, tout le monde le ferait ?

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« Un risque que je ne reprendrais pas »

C'est qu'Eden - comme il en a l'habitude avec son programme de volumes capables à Bordeaux par exemple - a quand même poussé le curseur loin. La taille moyenne de la trentaine de logements s'élève à 70m2, ce qui confère au programme moins d'appartements en nombre mais une plus grande efficacité énergétique. La grande innovation réside dans les quatre « cœurs énergétiques » : une unité de chauffage et trois ballons d'eau chaude raccordés à la chaufferie centrale à bois de l'îlot et positionnés entre les étages. Ils peuvent ainsi alimenter tous les appartements dans un rayon de huit mètres, ce qui évite la déperdition de 30 % de chaleur dans les tuyauteries. Un système optimisé qui coïncide avec la raison d'être de la société, fondée en 2009 en cherchant à limiter le plus possible le recours au gaz dans les logements.

bâtiment neuf eden la rochelle

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Le programme Alcyone se déploie sur six niveaux, du T2 au T5, pour une surface habitable totale de 2.000m2. Il a été lauréat du prix Pyramide d'argent FPI du bâtiment bas carbone en 2022. (crédit photo : MG / La Tribune)

En ajoutant l'isolation bois et laine en façade, on obtient un bâtiment diablement efficace du point de vue énergétique. Mais qui se paye. Le promoteur dit arriver à un prix de sortie autour de 1.800 euros HT du m2, soit 10 à 15 % de plus que le prix moyen de la construction sur le secteur. « Faire des grands logements, c'était accepter de gagner un peu moins d'argent, reconnaît Tristan Rivet. Bouygues [qui a développé un programme sur le même îlot, ndlr] avait vendu tous ses logements six mois après l'appel d'offre. Nous, jusqu'à la livraison, on était dans l'incertitude de savoir si on allait les vendre. C'est un risque que je ne reprendrais pas avec la conjoncture actuelle », tranche-t-il, même si l'équation économique du programme s'est révélée tout juste excédentaire.

« Eden s'est engagé très tôt sur le bâtiment bas carbone pour en faire un marqueur stratégique, salue Pierre Vital, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers de Nouvelle-Aquitaine. Cela leur confère une belle longueur d'avance sur le sujet d'autant qu'ils disposent d'un bureau d'étude intégré pour appréhender ce sujet dès le départ. »

« On prône une pause normative »

Les aspirations environnementales de la construction restent malmenées par la crise immobilière. Avec la chute des programmes neufs et la baisse de revenus, la promotion dit subir une marge de manœuvre réduite pour développer des programmes innovants. C'est le cas à Bordeaux où la municipalité essaye depuis trois ans d'embarquer les agences vers un Label bâtiment frugal qui n'a toujours pas délivré de certification.

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« On prône une pause normative dans le contexte actuel. C'est-à-dire de s'en tenir à la RE 2020 qui est déjà un socle très exigeant permettant d'obtenir une étiquette énergétique A de manière quasi-assurée. Aller au-delà ne correspond d'ailleurs pas aux demandes de nos clients dont le sujet est davantage de préserver leur pouvoir d'achat », prévient Pierre Vital.

« A un moment où la production est singulièrement ralentie, les promoteurs sont dans un état financier qui justifie qu'ils appliquent la réglementation actuelle sans en faire plus, ça me paraît assez normal, tempère également Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable. Mais après la casse, l'activité va redémarrer. » Et la réglementation s'appliquer. Alors, la construction n'aura plus le choix de suivre le cadre légal pour décarboner un secteur qui émet 19 % des gaz à effet de serre en France.

Embarquer les petits

Mutualisation des unités énergétiques, matières biosourcées comme la terre crue, le chanvre, le lin ou les essences de bois, approvisionnement local, réemploi : autant de pistes à fouiller pour rendre les chantiers plus vertueux. L'analyse du cycle de vie, et notamment de l'utilisation des bâtiments, va aussi apporter un levier essentiel. C'est dans cette approche globale que veut s'inscrire la coalition du Plan bâtiment durable. Elle proposera l'an prochain un cadre d'action prenant en compte par exemple le bien-être des logements ou leur place dans l'environnement pour compléter les ambitions de la RE2020... déjà jugées difficiles à appliquer par les promoteurs.

« Il n'y a jamais de bon moment pour accueillir une nouvelle réglementation, je l'ai toujours entendu dire. Or je pense que nous sommes plutôt dans l'urgence de réduire nos émissions de gaz à effet de serre », juge Philippe Pelletier. La difficulté sera surtout d'embarquer les plus petites entreprises de promotion immobilière qui n'ont pas de budget recherche et auront été éprouvées par la crise. « On peut donner une meilleure place au bâtiment dans son environnement au sens très large sans que ça perturbe l'équation économique du projet », projette-t-il. Tristan Rivet valide : « On sait faire ce genre de projet à prix maîtrisé parce que la conception est hyper-rationnelle. » La voie est ouverte.

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Maxime Giraudeau

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