Ecologistes et socialistes : trois ans de mariage de raison à Bordeaux Métropole

Le 17 juillet 2020, la nouvelle majorité de gauche décidait de mettre fin à la cogestion à Bordeaux Métropole. Trois ans plus tard, l'alliance entre socialistes et écologistes a mis de l'eau dans son vin tout en assumant de cultiver une biodiversité certaine voire de francs désaccords sur plusieurs sujet structurants. Cet équilibre fragile permet à la droite de jouer sa partition mais pourrait-il aller jusqu'au divorce ? Chacun mesure à gauche ce qu'il aurait à perdre.
Pierre Hurmic, maire écologiste de Bordeaux, et Alain Anziani, président socialiste de Bordeaux Métropole, ont encore affiché leurs divergences politiques le 30 juin 2023.
Pierre Hurmic, maire écologiste de Bordeaux, et Alain Anziani, président socialiste de Bordeaux Métropole, ont encore affiché leurs divergences politiques le 30 juin 2023. (Crédits : Agence APPA)

C'est un épisode de plus dans la vie parfois houleuse de la majorité à Bordeaux Métropole. Le président socialiste Alain Anziani et son allié et vice-président écologiste Pierre Hurmic ont, à nouveau, étalé leurs désaccords au grand jour lors du dernier conseil métropolitain : « Il y a des choix qui sont différents des miens sur beaucoup de sujets. J'ai beaucoup de respect pour le maire de Bordeaux [...] Mais on ne va pas cacher nos divergences, c'est un exercice de sincérité », a rappelé Alain Anziani, qui avait estimé la veille dans Sud Ouest à propos de Pierre Hurmic et de ses alliés écologistes que « l'idéologie ne suffit pas à faire une politique ». Ce dernier n'a pas caché son « émoi » tout en jugeant que « avoir chevillé au corps la défense du défit climatique n'est pas un choix idéologique, c'est un choix de vie, c'est une réponse vitale que nous devons apporter à nos concitoyens ».

Des tensions régulières entre PS et Verts

Cet épisode sera bien vite oublié mais il traduit les tensions qui traversent les relations non seulement entre les deux hommes mais aussi entre les deux partis politiques, PS et Verts, à l'échelle de l'agglomération. Il y a trois ans jour pour jour, le 17 juillet 2020, le mandat avait débuté par la fin de la cogestion droite-gauche pour piloter la métropole entraînant une crise ouverte avec les maires de droite, qui avaient quitté la salle. Mais c'est bien au sein de la majorité que les fractures ont été les plus fortes avec des votes divergents sur le développement de la zone aéroportuaire, sur la navette aérienne Orly-Bordeaux, sur l'important soutien financier aux Girondins de Bordeaux, sur l'avenir du stade Matmut Atlantique ou encore sur l'hypothétique contournement autoroutier de Bordeaux.

Avec des amis pareils, pas besoin d'ennemis. Ou plutôt si. C'est d'ailleurs un nouveau désaccord de fond, sur le dossier sensible des lignes à grande vitesse vers Toulouse et Dax, qui va contraindre Alain Anziani fin 2021 à réintégrer les maires de droite au bureau de la Métropole. Une décision d'ouverture qui lui permettra finalement de faire voter le texte avec la droite et le centre et contre les écologistes. Mais si ces épisodes laissent évidemment des traces, ils n'ont pas empêché la majorité de s'accorder sur les documents stratégiques pour l'agglomération tels que le Plan climat, le Schéma de développement économique ou encore le Schéma des mobilités. De leurs côtés, les écologistes estiment avoir été entendus sur plusieurs dossiers dont le basculement en régie de l'eau début 2023, le soutien à l'économie sociale et solidaire ou encore la création d'une coopérative carbone.

Alain Anziani Pierre Hurmic

Pierre Hurmic et Alain Anziani, le 30 juin 2023 (crédits : Agence APPA).

C'est bien grâce à ses qualités d'avocat et de sénateur et ses bonnes relations avec les autres maires de l'agglomération qu'Alain Anziani a su arrondir les angles pour jouer l'équilibre entre sa majorité et l'opposition. « La pratique a été différente du discours initial, aucune commune n'a été maltraitée », témoigne un élu de l'opposition.

La droite joue sa partition mais s'agace

À droite, on joue justement la responsabilité en votant sur les projets jugé structurants tout en s'agaçant de cette situation. « Au bout de trois ans, les élus de la majorité se retrouvent frappés par le principe de réalité. On s'use sur tous ces sujets et on ne viendra pas éternellement au secours du président Anziani. On arrive au bout du système qui est un échec », tacle Christophe Duprat. Ce poids-lourds du groupe d'opposition Métropole commune(s) estime que « sur les mobilités, ce mandat débute par trois années perdues » citant les atermoiements sur la télécabine, la ZFE [zone à faibles émissions, NDLR] et le projet de métro. Dans les rangs macronistes de Renouveau Bordeaux, Thomas Cazenave déplore, lui-aussi :

« Une nouvelle crise de couple manifeste qui s'exprime publiquement sur des sujets fondamentaux tels que la mobilité, le développement économique et même finalement sur la vision d'ensemble de la métropole puisque le PS défend l'attractivité quand les écologistes cherchent à trouver un synonyme à la décroissance ! »

Lire aussiZFE : « Il faut moins brutaliser les gens » (Jean-Luc Moudenc, France urbaine)

Pour autant, malgré leurs rivalités stratégiques et personnelles, les socialistes et les écologistes n'auraient aucun intérêt à aller jusqu'au divorce. D'une part, la Métropole ne peut pas fonctionner sans un accord, plus ou moins profond, avec la ville centre et, d'autre part, rose comme verts auraient trop à perdre sur le plan politique à remettre en cause leur accord. Surtout à trois ans des futures élections municipales et métropolitaines. L'opposition ne se fait d'ailleurs guère d'illusions : « Les mariages d'intérêt sont parfois ceux qui durent le plus longtemps ! », raille un maire centriste de l'agglomération. « Il y a un évident intérêt commun à maintenir le mariage mais au détriment de la clarté du projet métropolitain », confirme Thomas Cazenave tandis qu'un membre de la majorité PS-Verts reconnaît « des relations compliquées, notamment sur la question de la transition énergétique, avec des rivalités personnelles et politiques » tout en assurant que « chacun fait un pas vers l'autre parce que chacun comprend que c'est nécessaire pour la Métropole. »

Un éventuel retrait d'Alain Anziani

Mais, à la moitié du mandat 2020-2026, c'est bien le scénario d'un éventuel retrait d'Alain Anziani, malade depuis plusieurs mois et très affaibli, qui poserait le plus de questions. « Alain Anziani est une figure d'équilibre mais s'il venait à se retirer dans les prochains mois il faudrait alors s'interroger sur ce fonctionnement métropolitain qui ne satisfait personne. Il faut aller vers une gouvernance plus ouverte sans forcément revenir à la cogestion », suggère Christophe Duprat, qui fixe une ligne rouge : l'opposition de droite et du centre ne votera pas pour élire un écologiste à la présidence de la Métropole.

Christine Bost

Christine Bost, vice-présidente de Bordeaux Métropole en charge de l'aménagement urbain (crédits : Agence APPA).

Alors qu'une éventuelle succession pourrait ouvrir une bataille de leadership au sein de la majorité, c'est le nom de la socialiste Christine Bost, maire d'Eysines et vice-présidente de Bordeaux Métropole en charge de l'aménagement urbain, qui tient la corde au sein du groupe PS. Élue depuis 2008 et déjà vice-présidente de la Métropole dans le cadre de la cogestion avec Alain Juppé puis Patrick Bobet, elle pourrait être en mesure de rassembler assez largement le cas échéant.

Lire aussiÀ Bordeaux, le projet urbain des écologistes tarde à se matérialiser

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 15/08/2023 à 14:36
Signaler
Bordeaux, Grenoble, Paris, ou comment diriger une ville en étant minoritaire par rapport au nombre d'inscrits.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.