Logement : « L'avenir de Bordeaux se construira dans le diffus et la surélévation de l'existant »

INTERVIEW. L'aménagement du secteur de la Jallère, au nord de Bordeaux, « sera probablement le seul lancement d'une opération de cette ampleur à Bordeaux d'ici la fin du mandat », annonce Stéphane Pfeiffer à La Tribune. Trois ans après son élection, l'adjoint écologiste au maire de Bordeaux chargé de l'urbanisme résilient, du service public de l'habitat et de l'ESS, dresse un premier bilan de son action et précise sa stratégie pour « densifier la ville de manière intelligente ».
Stéphane Pfeiffer, adjoint écologiste au maire de Bordeaux chargé de l'urbanisme résilient, du service public de l'habitat et de l'ESS.
Stéphane Pfeiffer, adjoint écologiste au maire de Bordeaux chargé de l'urbanisme résilient, du service public de l'habitat et de l'ESS. (Crédits : Agence APPA)

LA TRIBUNE - Vous êtes à la moitié de votre mandat municipal. Quels sont les marqueurs de la majorité écologiste en matière de logement et d'urbanisme ?

Stéphane PFEIFFER - C'est d'abord le label du Bâtiment frugal bordelais, pour ce qui relève de la construction, avec un travail en particulier sur la qualité de l'habitat et sur la désimperméabilisation des sols. L'autre marqueur c'est l'encadrement des loyers qui est un dispositif métropolitain mais qui ne s'applique qu'à Bordeaux, à la demande de l'équipe municipale. Ce sont les deux marqueurs forts de notre vision politique qui combine une action environnementale et une action sociale, pour faciliter l'accès au logement.

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Trois ans après votre élection, où en est ce label du Bâtiment frugal à Bordeaux qui tarde à se matérialiser ?

Le label n'a été officialisé que mi-2021, il y a donc tout juste deux ans. La difficulté qu'on a c'est que le label n'est attribué qu'à la livraison de l'immeuble pour que l'on puisse s'assurer de la réalité des engagements pris par le constructeur. Compte tenu du contexte actuel très dégradé de la construction neuve, on a, d'une part, des délais qui peuvent dépasser les deux ans et, d'autre part, des équilibres d'opérations tellement complexes à atteindre pour les promoteurs qu'ils ne sont pas nécessairement capables de proposer des améliorations de la qualité de la construction.

Ils essaient de plus en plus de le faire et se réfèrent systématiquement au label lors des commissions d'avant-projet mais ils ne sont pas nécessairement aussi ambitieux qu'ils auraient pu être sans les difficultés économiques. Le premier démonstrateur devrait être inauguré en septembre ou octobre 2023.

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Votre prédécesseur, Bernard Blanc, assumait de refuser les permis de construire qui ne respectaient pas le label quand bien même ce dernier ne dispose pas encore de base légale. Quelle est votre position sur ce sujet sensible ?

Ce sera possible une fois qu'on aura la 11e révision générale du plan local d'urbanisme intercommunal [prévue à l'horizon 2024 ou 2025, NDLR] qui reprendra entre 25 % et 30 % des 42 critères du label frugal. En ce qui me concerne, à partir du moment où le promoteur est dans les clous du PLU actuel, je considère que c'est compliqué de refuser un permis.

Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux, revendique d'avoir « stoppé la bétonisation de Bordeaux ». Qu'en est-il réellement ?

Cela ne signifie pas qu'on a stoppé la construction, il y a toujours des logements qui se construisent à Bordeaux et les opérations déjà autorisées se poursuivent. Mais on est beaucoup plus tatillons sur la qualité des programmes, les matériaux utilisés et la végétalisation de la ville. Mais on travaille quand même sur de nouvelles opérations d'aménagement !

On parle en effet d'une nouvelle opération dans le secteur de la Jallère, au nord de Bordeaux... Où en est-on ?

Il s'agit du quartier au sud du stade Matmut Atlantique. On ne touchera absolument pas à la zone humide mais au secteur qui est déjà urbanisé avec notamment l'ancien site de la Caisse des dépôts, Domofrance, Gironde Habitat, la tour GAN, la Carsat, etc. À l'initiative de la Caisse des dépôts, les propriétaires fonciers se sont regroupés pour travailler à l'évolution du secteur avec nous. Il y aura de la réhabilitation du bâti existant, soit pour conserver des bureaux, soit pour transformer des bureaux en logements ; et de la construction neuve, dont le volume n'est pas encore arrêté. On a fixé plusieurs lignes rouges : la zone naturelle au Sud-Est ne bougera pas, tout comme les différentes zones humides existantes. Le label du Bâtiment frugal bordelais s'appliquera systématiquement et on vise un quartier bas carbone, voire à énergie positive. C'est un dossier complexe mais ce sera probablement le seul lancement d'une opération de cette ampleur à Bordeaux d'ici la fin du mandat en 2026. Normalement, la concertation doit débuter cette année.

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La Jallère

Le secteur de la Jallère (crédits : / Bordeaux Métropole)

La Jallère, un secteur très sensible

Situé au nord de Bordeaux, le secteur de la Jallère, qui s'étend sur 95 hectares dont 13 hectares de zones humides, est un point aussi sensible que stratégique. Il s'agit pour moitié de foncier de Bordeaux Métropole et pour moitié de terrains privés. L'ancienne majorité menée par Alain Juppé puis Nicolas Florian souhaitait déjà aménager le secteur avant que celui-ci ne devienne un enjeu de la campagne électorale en 2020. Pierre Hurmic promettait de « sanctuariser » le secteur. « Seuls les sites déjà urbanisés seront constructibles. Aucune construction ne sera autorisée sur les 40 hectares de La Jallère appartenant à Bordeaux Métropole », est-il ainsi écrit dans le programme du candidat écologiste finalement victorieux.

Imaginé en 2018, le projet d'aménagement mêlait à l'époque des activités économiques, plusieurs milliers de logements et des équipements publics avant d'être abandonné en 2021 après une délibération adoptée en conseil municipal en décembre 2020 pour clore la concertation en cours : « Compte-tenu du nombre d'avis en faveur de la préservation du site recueillis et de la volonté des nouveaux élus de réorienter fortement le projet, les élus souhaitent se donner le temps de proposer une autre perspective pour le site. » Aujourd'hui, la Caisse des dépôts et la Banque des territoires sont à la manœuvre en lien avec les collectivités locales. La construction de logements en lieu et place du grand parking de l'ancien site de la Caisse est notamment évoquée.

Les promoteurs et les professionnels du bâtiment pointent néanmoins une baisse du nombre de logements autorisés et regrettent l'absence de vision municipale sur où construire et combien. Que leur répondez-vous ?

Je souris parce qu'ils connaissent très bien notre feuille de route ! Notre vision est assez simple : on part du constat qu'on manque de logements et surtout de logements sociaux puisqu'avec environ 19 % de logements locatifs sociaux, on est toujours en dessous de notre obligation légale de 25 % en 2025. Au-delà de cet objectif, on voit bien comme il est compliqué de se loger à Bordeaux. On n'a pas une chute du nombre de permis de construire mais il y a effectivement une baisse du nombre de logements autorisés par permis. Ce n'est pas tant un choix politique que l'achèvement progressif des grandes opérations urbaines lancées par Alain Juppé, Ginko, Bassins à flot, Brazza, Bastide Niel, Euratlantique, etc. Ensuite, il n'y quasiment plus de foncier disponible à Bordeaux !

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Dans ces conditions, quelle est votre stratégie pour continuer à construire ?

On n'a jamais eu autant de permis de construire dans le diffus, soit pour surélever une maison individuelle, soit pour transformer une maison en deux ou trois logements. On souhaite soutenir cette tendance pour densifier la ville de manière intelligente. Concrètement, on ne va pas mettre du R+12 au milieu de Caudéran, ça n'a pas de sens ! En revanche, au lieu de diviser une maison avec un grand jardin en trois ou quatre petites maisons comme c'est souvent le cas dans ce secteur, on veut pousser à construire plutôt un petit immeuble collectif de dix à quinze logements. On est en train de travailler là-dessus avec les promoteurs.

Ensuite, c'est mécanique : l'avenir de Bordeaux se construira dans le diffus et la surélévation des maisons mais aussi des petits immeubles collectifs qui peuvent souvent accueillir un voire deux étages supplémentaires. Cela permet d'éviter d'artificialiser toujours plus de foncier et, potentiellement, de générer des droits à construire permettant de participer à la rénovation de l'existant. Il faut que l'on évalue plus précisément le potentiel de logements que cela peut représenter. À Strasbourg, ils ont par exemple identifié 16.500 bâtiments éligibles.

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Concernant l'encadrement des loyers, avez-vous un retour sur l'impact du dispositif sur le niveau des loyers et sur les stratégies des investisseurs locatifs ?

C'est encore tôt puisque le dispositif aura un an le 15 juillet et ne s'applique que lors de la signature d'un nouveau bail. Il ne touche donc pas encore une masse significative de logements. Ce que l'on sait pour l'instant c'est qu'il commence à y avoir un impact sur les petites surfaces : ce n'est pas massif mais c'est sur ces logements là qu'il y avait les loyers les plus élevés. On voit aussi qu'il y a des stratégies claires de contournement de l'encadrement de loyers, soit simplement par un non respect, soit par l'utilisation abusive du surloyer pour caractéristique exceptionnelle du logement. On n'a pas vraiment d'outils pour contrôler cela c'est pour cela qu'Alain Anziani, comme d'autres présidents de métropoles, a demandé au gouvernement de préciser la définition de ce que peut être une caractéristique exceptionnelle. L'autre problème c'est que c'est à l'État de contrôler et qu'il n'a pas vraiment les moyens de le faire.

Vous parlez de contrôle, qu'en est-il de l'encadrement des locations de meublés touristiques sur des plateformes comme Airbnb ?

On a eu beaucoup de logements qui sont sorti des plateformes pendant la période Covid et qui ne peuvent pas y revenir à cause de l'encadrement si bien qu'on a vu une baisse puis une stagnation du nombre d'annonces, c'est positif. Mais on est aujourd'hui quasiment au maximum de ce que la loi nous autorise à faire avec le règlement de compensation, la limite de 120 jours, le numéro unique d'immatriculation et la taxe de séjour. Maintenant, on attend de voir ce que va faire ou pas le gouvernement sur la fiscalité de ces locations meublées touristiques qui reste beaucoup plus avantageuse qu'une location classique !

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Commentaire 1
à écrit le 11/07/2023 à 8:46
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Et pourquoi densifier la ville ? Ça sent la défaite d'abord et avant tout pour des gens se disant écologistes non ?

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