La Rochelle contrainte de réduire les ambitions de sa réglementation anti-Airbnb

La Communauté d'agglomération de La Rochelle a restreint son projet de réglementation du marché des locations meublées touristiques... à regret. Les élus se sont vus obligés d'abandonner certaines mesures pour que le Tribunal administratif puisse revenir sur la suspension du règlement prononcée en janvier dernier alors même que le nombre de locations meublées touristiques à La Rochelle a bondi de 175 % en trois ans.
Maxime Giraudeau
La réglementation sur les locations de meublés touristiques ne sera pas appliquée pour la saison estivale 2023.
La réglementation sur les locations de meublés touristiques ne sera pas appliquée pour la saison estivale 2023. (Crédits : CC Flickr by Raphaël Chekroun)

« Il existait à La Rochelle en 2019, un stock, en hausse depuis plusieurs années, de 3.576 logements vacants, [...] ce qui n'est pas de nature à démontrer l'existence d'une très forte tension sur le marché local de l'immobilier. » Le Tribunal administratif de Poitiers se méprendrait-il sur la réelle situation de l'agglomération rochelaise ? Dans son avis rendu en référé le 24 janvier dernier, il a en tout cas suspendu la réglementation votée par le conseil d'agglomération restreignant le marché locatif des biens meublés à vocation touristique.

« Les Rochelais ont beaucoup de mal à l'entendre, tonne Marie Nédellec, conseillère déléguée à la promotion du territoire. Mettre un toit sur sa tête est un droit fondamental et c'est compliqué pour certains habitants ! »

Il n'empêche que si La Rochelle veut encadrer la poussée du marché locatif touristique, « qui va continuer à s'amplifier », assure l'élue, la ville doit se plier aux remarques du juge... et derrière lui aux revendications des propriétaires mécontents, membres de l'Unpi (Union nationale des propriétaires immobiliers) à l'origine de la saisine du Tribunal administratif.

Lors du conseil d'agglomération qui s'est déroulé ce jeudi 9 mars, Marie Nédellec a présenté les modifications introduites dans le règlement pour espérer faire annuler la suspension prononcée par la justice. Les élus renoncent ainsi à l'interdiction de mise en location à l'année des logements de moins de 35 m2. Une mesure aussi spécifique que restrictive, dénoncée par les collectifs de propriétaires, et encore jamais vue dans les autres villes qui ont réglementé le marché des locations de type AirBnb.

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+ 175 % de meublés touristiques en trois ans

« Une des particularités de notre territoire est que 56 % de notre population vit seule dans son appartement à La Rochelle. Nous avons beaucoup d'étudiants, de familles monoparentales. C'est pour protéger cette population, qui est souvent plus fragile, que nous avions choisi ce critère des 35 m2. D'autant que ces biens représentent 53 % des demandes d'autorisation pour des mises en location saisonnière », explique l'élue à La Tribune. L'originalité n'entrera finalement pas en vigueur.

Et alors que la réglementation devait s'appliquer dès le 1er juin 2023 avec la reprise de la saison touristique, il n'en sera rien. Le conseil communautaire propose au juge de décaler sa mise en route au 1er novembre prochain. Une revendication portée par l'Unpi, qui réclamait davantage de temps pour anticiper le manque à gagner subi par les propriétaires.

Les élus précisent également quelques chiffres qui donnent le contexte de la frénésie immobilière à La Rochelle et de la mutation du marché vers la location temporaire. Dans tous les quartiers de centre-ville, les logements touristiques ne cessent de gagner du terrain sur le parc immobilier : ils représentent 25 % des biens dans le quartier du vieux marché, 29 % dans celui de l'Hôtel de Ville. Sur les trois dernières années, leur nombre a augmenté de 175 % à La Rochelle, pour atteindre 4.722 biens en 2023.

« Seuls les plus aisés pourront faire de la compensation »

Mais pas de quoi calmer les ardeurs des propriétaires défendus, aussi bien à La Rochelle qu'au Pays basque et dans d'autres villes frondeuses face à Airbnb, par Maître Victor Steinberg. « Je considère que le compte n'y est pas. Ce sont des modifications essentiellement cosmétiques. Le principe de compensation est encore proposé pour le centre-ville de La Rochelle alors que nous réclamions sa suppression », indique-t-il à La Tribune.

Même le droit de commercialité proposé par l'agglomération rochelaise ne suffit pas. Il permet pourtant à des propriétaires qui louent de façon saisonnière, plutôt que de devoir mettre sur le marché un autre bien du même type sur le marché locatif classique, d'acheter seulement les droits d'usage d'un bien. Sans être contraint d'en posséder les murs. Mais, pour les requérants, rien n'y fait.

« La compensation est la mesure la plus restrictive possible, elle favorise les propriétaires les plus aisés et ce sont les seuls qui pourront faire de la compensation. Les plus petits acteurs, nombreux à faire du Airbnb, seront exclus par le marché », prévient l'avocat de l'Unpi.

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Les modifications votées par le conseil d'agglomération seront transmises au Tribunal administratif de Poitiers d'ici deux semaines afin de solliciter un nouvel avis. Le jugement au fond, qui doit permettre de régler définitivement le litige, ne sera pas prononcé avant 2024. En parallèle, l'agglomération de La Rochelle annonce avoir saisi le Conseil d'état le 9 février, comme l'avait fait l'intercommunalité du Pays basque l'an dernier pour la même réglementation. De son côté Victor Steinberg a annoncé vouloir interjeter un appel à la décision du tribunal de Pau qui a validé la réglementation voulue par l'intercommunalité du Pays basque. En ce qui concerne La Rochelle, il attend de connaître la décision du le juge.

Au Pays basque, des modifications sur la forme

La réglementation votée par les élus basques applicable à 24 communes de la zone littorale avait été suspendue deux jours après son entrée en vigueur en juin dernier. Pour finalement obtenir le feu vert du Tribunal administratif de Pau, prononcé en début de semaine, la communauté d'agglomération à dû décaler la date de mise en route au 1er mars 2023 et élargir les conditions du droit de commercialité à une plus large catégorie de biens. Les explications autour de ce droit, qui figuraient en annexe de la réglementation, ont aussi été remontés au début du texte. Des modifications qui ont davantage touché à la forme qu'au fond donc.

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Maxime Giraudeau

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